Thierry Fiorilli
Macron, maître du monde, maître de rien
Maître du monde. Debout, avec tous les autres, autour, assis. Lui, un mètre devant, bras au ciel, hurlant victoire, au-dessus des clameurs, de la foule innombrable, de l’arène, des gladiateurs, des morts et de ceux qui les ont défaits. C’était le 15 juillet, à Moscou, au soir.
Et Emmanuel Macron exultait. Le succès de l’équipe nationale française de foot en finale de la Coupe du monde l’envoyait au septième ciel. La photo, déjà légendaire, montre un président de la République en plein orgasme, urbi et orbi.
Pas même dix jours plus tard, le maître du monde s’est terré. S’est tu. A annulé sa tournée sur le Tour. Découvert comment une erreur devient un problème, puis comment le problème devient une affaire, puis l’affaire un séisme. Pas même dix jours après le sacre de Moscou, Jupiter a fini par sortir de ses limbes pour offrir son torse aux flêches de ceux qu’ils considèrent comme des adversaires, des ennemis puisqu’ils lui cherchent des poux. Alors que le premier baromètre d’opinion à son égard (réalisé par Ipsos, pour Le Point) le situait 4 points en dessous de la cuvée précédente, datant de juin : 32 % de Français jugent favorablement leur président (son niveau le plus bas depuis son élection, il y a un an), les avis négatifs atteignant eux aussi un taux historique (60 %).
Même Jupiter, quand le vent ne tourne pas favorablement, reste assez piteusement caché dans un placard, espérant que ça passe après qu’un fusible ait sauté
C’est peu dire que les lendemains de fête sont durs pour Emmanuel Macron. Essentiellement à cause de cet invraisemblable dossier Benalla, du nom de son chargé de sécurité qui a joué les gros bras, avec coups et tout ça, contre deux manifestants, le 1er mai dernier, à Paris. Personne ne menaçait le chef d’Etat, pas présent sur les lieux, mais son garde du corps préféré était quand même venu y faire régner l’ordre, comme s’il était policier. Avec brassard, casque et entrain. Puis, il a réquisitionné les images des caméras de surveillance. Le ministre de l’Intérieur est informé des faits dès le 2 mai mais tout reste confidentiel jusqu’à ce que, évidemment, sortent d’autres images, filmées par d’autres caméras, comme ça arrive désormais tout le temps et partout. Ensuite, jusqu’à ce que le tabasseur soit identifié. Par Le Monde. Alexandre Benalla, du cabinet du président de la République, très très proche du couple Macron… Officiellement présent à la manif en tant qu' »observateur ».
La charge est sonnée. Et l’Elysée enchaîne les postures : l’étonnée (quelle affaire ?), l’outragée (nous, concernés ?), l’agacée (vous ne vous intéressez décidément qu’au vulgaire), l’autoritaire (suspension de Benalla), l’absente (que le ministre de l’Intérieur s’explique). Sauf que Benalla était présent à Moscou, pour l’accession au toit du monde (vite revenu en grâce, donc). Que le ministre a renvoyé toutes les responsabilités à l’entourage du président. Que des langues se délient et dénoncent la République des copains que Macron a instituée. Qu’il y a très manifestement une gestion calamiteuse de l’affaire. Qu’on y découvre de l’amateurisme, des privilèges et des estompements de la norme. Et que Jupiter, quand le vent ne tourne pas favorablement, reste assez piteusement caché dans un placard, espérant que ça passe après qu’un fusible ait sauté. Puis, contraint et forcé, en sort en crachant sur tous ceux qui tamisent sa lumière. L’opposition, la justice et les médias. Evidemment.
De la sorte, Emmanuel Macron nourrit et illustre le comportement classique de pratiquement tous les dirigeants auxquels il clame tant ne ressembler en rien. Prouvant, à son tour, que même les plus parfaits des plus que parfaits, maîtres du monde fugaces ou imaginaires, ne dépassent en réalité jamais la hauteur de trois pommes.
Jamais très longtemps, en tout cas.
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