Lula, le retour du vieux lion de la gauche brésilienne
Ancien métallo qui cirait des chaussures dans son enfance quand sa famille souffrait de la faim dans le nord-est brésilien, Lula se lance un nouveau défi à 76 ans en briguant un troisième mandat présidentiel.
Luiz Inacio Lula da Silva, favori des sondages, a annoncé samedi sa candidature, promettant de « reconstruire le Brésil », après la gestion « irresponsable et criminelle » du gouvernement de Jair Bolsonaro. Le héros de la gauche brésilienne revient de loin. Condamné pour corruption, emprisonné un an et demi, banni de la présidentielle en 2018, il a vu l’horizon se dégager en mars 2021 après l’annulation de ses condamnations par la Cour suprême.
Recouvrant ses droits politiques, ce leader aussi adulé que détesté dans le pays et que beaucoup pensaient fini va tenter de se faire élire à la fonction suprême en octobre, 12 ans après avoir quitté le pouvoir avec 87% d’opinions favorables. Il avait été ensuite rattrapé par le plus grand scandale de corruption de l’Histoire du Brésil, « Lavage express ».
Incarcéré d’avril 2018 à novembre 2019, le chef de file du Parti des Travailleurs (PT) s’est dit victime d’un complot politique pour l’empêcher de se présenter à la présidentielle de 2018, pour laquelle il était donné favori. La semaine dernière, le Comité des droits de l’Homme de l’ONU a conclu que l’enquête et les poursuites engagées contre Lula avaient violé son droit à être jugé par un tribunal impartial. Depuis qu’il est redevenu éligible, l’ancien syndicaliste s’est fait discret, mais a soigné son image à l’international, avec en novembre dernier une tournée en Europe lors de laquelle il a notamment été reçu à l’Elysée par le président français Emmanuel Macron.
Il a toutefois tenu cette semaine des propos polémiques sur la guerre en Ukraine, affirmant dans un entretien au magazine Time que le président ukrainien Volodymyr Zelensky était « aussi responsable » du conflit que son homologue russe Vladimir Poutine.
Ambitieux programmes sociaux
Lula reste perçu comme « près du peuple » et est toujours très aimé, surtout dans les régions pauvres du Nord-est. Mais il est aussi farouchement détesté par une partie des Brésiliens pour qui il est l’incarnation de la corruption. C’est sur la haine du PT que Jair Bolsonaro a notamment été élu en 2018. Rien ne prédisposait à un tel destin Lula, ce cadet d’une fratrie de huit enfants, né le 6 octobre 1945 dans une famille d’agriculteurs pauvres du Pernambouc (nord-est). Enfant, Lula a arpenté les rues pour cirer des chaussures. Il a sept ans lorsque sa famille déménage à Sao Paulo pour échapper à la misère. Vendeur ambulant puis ouvrier métallurgiste à 14 ans, il perd l’auriculaire gauche dans un accident du travail. A 21 ans, il entre au syndicat des métallurgistes et conduit les grandes grèves de la fin des années 1970, en pleine dictature militaire (1964-1985). Fondateur du PT au début des années 80, Lula se présente pour la première fois à l’élection présidentielle en 1989 et échoue de peu. Après deux nouveaux échecs, en 1994 et 1998, la quatrième tentative sera la bonne, en octobre 2002. Il est réélu en 2006. Premier chef de l’Etat brésilien issu de la classe ouvrière, il a mis en oeuvre d’ambitieux programmes sociaux, grâce aux années de croissance portées par le boom des matières premières. Sous ses deux mandats (2003-2010), près de 30 millions de Brésiliens sont sortis de la misère. Lula a aussi incarné un pays qui s’ouvrait sur le monde, et a conféré au Brésil une stature internationale, avec, notamment, le Mondial de football (2014) et les jeux Olympiques (2016) à Rio de Janeiro.
Échec cuisant
Idéaliste mais pragmatique, Lula est passé maître dans l’art de tisser des alliances parfois contre-nature: pour briguer un troisième mandat en octobre, il a choisi comme colistier Geraldo Alckmin, technocrate de centre droit et son adversaire lors de précédents scrutins.
Sa tentative de retour aux affaires en tant que ministre de sa dauphine, Dilma Rousseff, en mars 2016, avait été un échec cuisant, tout comme la destitution de celle-ci en août. En octobre 2011, il a souffert d’un cancer du larynx après son départ du pouvoir. En février 2017, l’ex-président a subi une épreuve intime avec la mort de son épouse, Marisa Leticia Rocco. Mais Lula a retrouvé un nouvel amour, Rosangela da Silva, surnommée « Janja », une sociologue et militante du PT.
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