L’UE signe un accord avec l’Egypte : énergie, redressement économique et renforcement du contrôle migratoire
L’Union européenne a signé avec l’Égypte, ce dimanche au Caire, une déclaration commune en vue d’un « partenariat global » à hauteur de 7,4 milliards d’euros d’ici 2027. Énergie, redressement économique, investissement, formation et renforcement du contrôle migratoire sont au menu de ce partenariat avec ce pays en crise, le troisième du genre après ceux signés ces derniers mois avec la Tunisie et la Mauritanie.
Le texte, qui dope considérablement le partenariat actuel, était en négociation depuis plusieurs mois. Il est déjà controversé pour ce qui apparaît à ses détracteurs comme une nouvelle externalisation de la politique migratoire de l’UE à un pays tenu par un régime autoritaire, peu soucieux des droits humains.
C’est ce volet que Mme Von der Leyen a cité en premier lieu, lors d’une cérémonie au palais présidentiel, aux côtés du président égyptien Abdel Fattah al-Sissi et de cinq autres dirigeants européens, dont le Premier ministre belge Alexander De Croo. « Ensemble, nous travaillerons sur nos engagements pour promouvoir la démocratie et les droits humains », a-t-elle exhorté, en renvoyant à un sommet tous les deux ans, en plus d’un conseil d’association annuel.
Accord efficace, pour De Croo
Le nouveau « partenariat global » initié dimanche au Caire entre l’Union européenne et l’Égypte est « nécessaire pour combattre la migration illégale, préoccupation majeure de la population », a affirmé le Premier ministre belge Alexander De Croo, à l’issue de la cérémonie de signature.
À ses yeux, le développement économique que permettra ce partenariat en Égypte permettra de réduire la pression migratoire. « J’entends la critique » qui dénonce une externalisation de la politique migratoire de l’UE vers des pays autoritaires peu soucieux des droits humains, a assuré M. De Croo (Open Vld), interrogé par les journalistes présents sur place.
« Mais ce type d’accord est efficace. On en a fait un avec la Tunisie, et aujourd’hui la route tunisienne est arrêtée. On en a fait un avec la Turquie dans le passé, et c’est effectif », a défendu le chef du gouvernement fédéral. À ses yeux, ne pas passer ce type d’accord serait « laisser la voie ouverte à des activités criminelles de trafiquants d’être humains ».
Aux représentants d’ONG de défense des droits humains qu’il a rencontrés en matinée au Caire, le Premier ministre a souligné que le projet de partenariat UE-Egypte, « pour ce genre de programme d’investissements majeurs », prévoyait des mécanismes de conditionnalité.
« On crée des opportunités (d’emploi et d’investissement) dans les pays d’origine, et il y a aussi des conditionnalités pour que la société civile et la vie démocratique reçoivent plus d’espace ».
Sommes
L’accord comprend cinq milliards d’euros de prêts – dont un milliard versé avant fin 2024 -, 1,8 milliard d’investissements, 400 millions d’euros d’aide pour des projets bilatéraux et 200 millions pour des programmes portant sur les questions de migration.
L’UE veut coopérer dans les domaines de l’énergie, plus particulièrement celui de la connexion électrique entre les deux rives de la Méditerranée (Égypte-Grèce), de l’hydrogène vert et du gaz naturel liquéfié (GNL), pour s’éloigner encore plus du gaz russe. Elle veut aussi travailler avec l’Égypte sur « la sécurité, le contre-terrorisme et la protection des frontières, en particulier la frontière sud », vu que « l’Égypte est sous encore plus de pression venant du Soudan », en guerre depuis près d’un an.
Migration
Le volet migratoire de l’accord (200 millions d’euros) est du même type que celui signé en juillet avec la Tunisie: les Européens attendent des pays d’origine ou de transit des migrants qu’ils stoppent les départs et qu’ils réadmettent leurs ressortissants en situation irrégulière dans l’UE.
Entre la Libye, le Soudan et le Proche-Orient, l’Égypte est devenue ces dernières années à la fois pays de transit, d’origine et de destination des migrants et demandeurs d’asile. L’an dernier, 26.675 ressortissants égyptiens ont déposé une demande d’asile dans les pays de l’UE+, soit une augmentation de 71% par rapport à 2022, selon la Commission. Et 12.854 franchissements irréguliers des frontières par des ressortissants égyptiens ont été détectés dans l’UE en 2023, principalement en utilisant la route de la Méditerranée centrale.
Le pays accueille lui-même 8 à 9 millions de migrants, nombre d’entre eux le traversant vers la Libye. La situation génère des tensions entre « anciens et nouveaux » réfugiés, en plus de la tension accentuée par la situation à Gaza. Des voix se sont élevées pour dire leur crainte que le partenariat UE-Égypte serve une volonté de pousser des réfugiés palestiniens vers le Sinaï égyptien.
Comme avec la Tunisie, le partenariat est controversé du fait du caractère autoritaire du régime al-Sissi et de ses atteintes aux droits de l’homme. À son arrivée au Caire, le Premier ministre Alexander De Croo a rencontré une délégation d’ONG de défense des droits fondamentaux, qui réclament de conditionner tout soutien financier direct et indirect de l’UE à l’Égypte, à des conditions claires, publiques et mesurables dans les domaines des droits humains et de la redevabilité.
À quelques mois d’élections européennes en vue desquelles plusieurs dirigeants veulent afficher leur action en matière migratoire, Mme Von der Leyen était accompagnée de cinq autres chefs d’État ou de gouvernement européens: Alexander De Croo au nom de la présidence belge du Conseil de l’UE, le président chypriote Níkos Christodoulídis, ainsi que les Premiers ministres grec Kyriákos Mitsotákis, italienne Giorgia Meloni et autrichien Karl Nehammer.