Liz Truss, « héritière » de Boris Johnson?
Dans cinq semaines, elle deviendra peut-être la troisième femme à la tête d’un gouvernement au Royaume-Uni. Donnée favorite, la ministre des Affaires étrangères Liz Truss s’efforce de trouver le délicat équilibre entre renouveau et continuité pour convaincre les conservateurs.
Quand son adversaire Rishi Sunak est perçu comme un traître par les fidèles de Boris Johnson, Liz Truss, 47 ans, s’attache à souligner les réalisations du futur ex-Premier ministre, entre Brexit et majorité inédite depuis les années 1980. Et affirme regretter son départ, qui lui ouvre les portes de Downing Street.
Depuis près d’un an, Liz Truss est à la tête de la diplomatie britannique. A la fois une consécration et une nomination – la deuxième d’une femme à ce poste – perçue comme une manière pour Boris Johnson d’essayer de garder le contrôle sur les ambitions d’une figure montante chez les conservateurs. Dans la campagne, son opposition initiale au Brexit revient en boucle. Elle dit aujourd’hui avoir eu « tort » et met en avant son bilan.
Dès son arrivée au pouvoir fin juillet 2019, Boris Johnson confie à Liz Truss le portefeuille du Commerce extérieur. A ce poste, cette amatrice de karaoké à la raide chevelure blonde devient le visage des négociations commerciales de Londres post-Brexit et se familiarise avec les circuits diplomatiques.
A la tête du Foreign Office, Liz Truss s’est illustrée par son attitude d’abord conciliante puis intransigeante face à l’Union européenne dans les délicates négociations sur les dispositions post-Brexit concernant la province britannique d’Irlande du Nord.
– Chapka sur la place Rouge –
Elle a à son actif d’avoir obtenu la libération de l’Irano-Britannique Nazanin Zaghari-Ratcliffe, retenue pendant plus de six ans en Iran pour des accusations de complot qu’elle a toujours niées. Aux côtés de Boris Johnson, Liz Truss a aussi incarné le soutien massif du Royaume-Uni à l’Ukraine, notamment grâce à des sanctions économiques d’une ampleur inédite.
Elle a aussi connu quelques déconvenues. Lors d’un voyage à Moscou qui faisait figure d’ultime tentative de dissuader Vladimir Poutine, Liz Truss s’est fait piéger par son homologue russe Sergueï Lavrov en affirmant qu’elle ne reconnaîtrait « jamais » la souveraineté de Moscou sur deux villes russes proches de l’Ukraine, Rostov et Voronej, dont l’appartenance à la Russie n’est pas contestée.
Ce déplacement a également été une source de railleries, Liz Truss se voyant accusée de singer Margaret Thatcher, posant chapka sur la tête sur la place Rouge, quelques mois après s’être fièrement postée à la tourelle d’un char.
Lors du tout premier débat entre les prétendants, la similitude entre son chemisier à noeud et celui de la « Dame de fer », contrastant avec ses habituelles tenues aux couleurs vives, n’a pas non plus échappé aux observateurs.
Pourtant, pendant son enfance, Liz Truss a manifesté avec ses parents pour demander le départ de la « Dame de Fer », figure tutélaire pour les conservateurs. Elle l’a aussi incarnée lors d’un spectacle à l’école.
– Missile en carton –
Née le 26 juillet 1975, mariée et mère de deux filles, Liz Truss se présente, avec l’enthousiasme des convertis, comme l’incarnation du conservatisme britannique par excellence, faible imposition et Etat réduit. Après une dizaine d’années dans le privé (comme directrice commerciale notamment), elle est d’abord conseillère locale dans le sud-est de Londres puis devient députée en 2010, pour la circonscription de South West Norfolk (est de l’Angleterre).
En 2012, elle entre au gouvernement et enchaîne depuis les portefeuilles, d’abord secrétaire d’Etat à l’Education, puis ministre de l’Environnement de 2014 à 2016. Elle devient aussi la première femme ministre de la Justice, puis secrétaire en chef du Trésor.
Sa présence même chez les conservateurs est loin d’aller de soi: Liz Truss a grandi dans un milieu très à gauche. A la prestigieuse université d’Oxford, dont elle est diplômée en politique et économie, elle préside le groupe des europhiles libéraux-démocrates. De son propre aveu, elle provoque la stupeur de ses parents – un père professeur universitaire de mathématiques et une mère militant pour le désarmement nucléaire, qu’elle accompagne enfant à des manifestations avec de faux missiles en carton – en se positionnant en fin de compte franchement à droite.
Depuis le début de la campagne, certains se plaisent à ressusciter un surnom qui était le sien quand elle était au ministère de l’Education: la « grenade humaine ». « Un compliment détourné », a-t-elle récemment estimé dans le tabloïd The Sun, « ça veut dire que je fais les choses ».
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