L’Iran ébranlé par la « révolution » des femmes
La République islamique d’Iran est plongée depuis trois mois dans une crise sans précédent, engagée par les femmes. Pour l’instant, rien ne semble faire reculer les manifestants.
Le pouvoir en Iran termine l’année 2022 fragilisé par une vague de contestations et de manifestations débutées par les femmes qui ébranle les fondements de son idéologie. Selon les experts, il ne montre pas de signes de recul malgré la répression sanglante. Déclenchée voilà près de trois mois, cette mobilisation s’est cristallisée autour d’un visage, celui de Mahsa Amini, une Kurde iranienne de 22 ans décédée le 16 septembre après avoir été arrêtée à Téhéran par la police des mœurs. Celle-ci lui reprochait d’avoir enfreint le code vestimentaire strict imposant le port du voile en public.
Les manifestations induises une crise inédite à bien des égards
Depuis ses débuts en 1979, la République islamique d’Iran a été régulièrement secouée par des poussées de fièvre. Mais cette crise est inédite par sa durée, sa dispersion à travers les provinces, la participation de différents groupes ethniques et classes sociales et les appels directs à la fin du régime. Elle témoigne de la colère d’une bonne partie des 85 millions d’Iraniens face aux difficultés économiques et restrictions sociales, estiment des experts. Des portraits du guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei, ont été brûlés, des femmes ont parcouru les rues sans voile et des manifestants ont défié les forces de sécurité. « L’humeur en Iran est révolutionnaire », affirme à l’AFP Kasra Aarabi, spécialiste du pays au Tony Blair Institute for Global Change. « En 43 ans d’existence, jamais le régime n’est apparu aussi vulnérable », déclare au magazine américain Foreign Affairs Karim Sadjadpour, spécialiste de l’Iran au Carnegie Endowment for International Peace: « C’est un mouvement pour les droits qui est pour lui difficile à éteindre. »
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Près de 450 morts, selon une ONG
La mort de Mahsa Amini a provoqué une onde de choc, d’abord en province puis à Téhéran, où les femmes se mobilisent contre le port obligatoire du voile et, au-delà, contre l’ensemble des restrictions qui les pénalisent. Des hommes y participent également et le mouvement cible de plus en plus les dirigeants. En réaction, le pouvoir s’appuie sur son « appareil de répression bien rôdé » selon Amnesty International, qui dénonce le recours aux balles réelles contre les manifestants. Le bilan des 10 premières semaines établi par les autorités s’élève à quelque 300 morts, incluant manifestants et forces de sécurité. L’ONG Iran Human Rights (IHR), basée en Norvège, a elle fait état de la mort d’au moins 448 personnes incluant 60 mineurs tués par les forces de l’ordre. Au moins 14.000 personnes ont par ailleurs été arrêtées selon l’Onu, notamment des personnalités de la culture ou du sport, des avocats, des militants et des journalistes. Six ont été condamnées à mort, un nombre qui pourrait augmenter, craignent des ONG.
Un geste qui ne convainc pas
Pour le pouvoir, ces manifestations sont des « émeutes » encouragées par l’étranger. Il accuse pêle-mêle ses ennemis jurés –les États-Unis, Israël et leurs alliés–, mais aussi des groupes d’opposition kurdes iraniens exilés en Irak qu’il a ciblés par des tirs de missiles. Mais à la surprise générale, le procureur général a annoncé samedi la dissolution de la pLa révolte en Iran ne faiblit pas : « La première contestation du monde musulman initiée par des femmes « olice des mœurs. Un geste toutefois accueilli avec grand scepticisme par des militants, des ONG et des pays occidentaux. Malgré la pression populaire, il n’y a pas de signes visibles de « divisions au sein du régime et des forces de sécurité », souligne Karim Sadjadpour. La stratégie appliquée est celle prônée par l’ayatollah Khamenei, qui est de « ne jamais céder un pouce » devant les protestataires.
Manque de meneurs ?
Face au pouvoir, le mouvement de contestation manque de meneurs politiques et expérimentés. Mais pour Kasra Aarabi, les manifestants, en particulier les jeunes, trouvent l’inspiration auprès de personnalités aux profils divers et popularisées par les réseaux sociaux. Comme le défenseur de la liberté d’expression Hossein Ronaghi, libéré en novembre, le dissident emprisonné Majid Tavakoli, et la militante des droits humains en détention Narges Mohammadi. Pour les protestataires, estime Kasra Aarabi, « la révolution est en cours, sans retour en arrière possible ».