L’Iowa, tradition insensée de la présidentielle américaine
Le 19 janvier 1976, un candidat marginal remportait la consultation présidentielle démocrate de l’Iowa: Jimmy Carter. Un an après, il entrait à la Maison Blanche. La légende de l’Iowa était née, indéboulonnable premier Etat du cycle des primaires américaines.
C’est dans cet Etat du Midwest où maïs et soja poussent à perte de vue, peuplé de 3,1 millions d’habitants, que les 15 candidats aux primaires démocrates et républicaines vont passer une grande partie de leur temps en janvier.
Ne dites pas « primaire »: dans l’Iowa, les électeurs participent à des « caucus », qui sont littéralement des réunions de parti. Contrairement aux primaires pratiquées par presque tous les autres Etats fédérés, l’organisation est du ressort des partis, qui décident des règles et annoncent les résultats.
Dans la soirée du lundi 1er février 2016, les électeurs se rassembleront dans des milliers de réunions lors desquelles, selon des méthodes plus ou moins folkloriques, ils diront quel candidat ils souhaitent investir pour la présidentielle de novembre.
Le New Hampshire votera huit jours plus tard, puis tous les autres Etats, jusqu’en juin.
C’est dans l’Iowa qu’Hillary Clinton a commencé ses campagnes, en 2007 et en avril 2015. Elle y passera deux jours lundi et mardi pour six meetings. Ted Cruz, un républicain, y a déjà organisé 91 événements. Le recordman est l’ex-sénateur Rick Santorum, avec 209 déplacements et 73 journées passées dans l’Etat.
Au total, selon le décompte du journal local Des Moines Register, les candidats ont organisé au moins 1.200 événements en Iowa pour la campagne 2016. Dix fois plus que la Californie, plus grand Etat américain.
« C’est purement accidentel. L’Iowa n’est pas premier parce qu’il est important. L’Iowa est important parce qu’il est premier », explique à l’AFP l’un des meilleurs experts de l’Iowa, le professeur Dennis Goldford à l’Université Drake, coauteur avec Hugh Winebrenner de l’ouvrage de référence « The Iowa Precinct Caucuses » (en anglais).
– Faible participation –
L’origine date de 1972, quand le parti démocrate décida d’avancer sa convention nationale d’investiture présidentielle à juillet. Dans l’Iowa, le parti démocrate local a dû avancer ses « caucus » à janvier, pour que les conventions aux niveaux des comtés, des circonscriptions et de l’Etat puissent se tenir successivement auparavant.
Le parti républicain s’est aligné dès 1976, et très vite, face à l’affluence médiatique. Et le parlement local a inscrit dans la loi que l’Iowa devrait dorénavant voter en premier –huit jours avant le New Hampshire, qui continue d’organiser la première « primaire » officielle.
Qui l’emportera cette année? Chez les démocrates, Hillary Clinton mène largement devant Bernie Sanders dans les sondages. Côté républicain, le sénateur ultra-conservateur Ted Cruz et le milliardaire Donald Trump ont la cote.
Mais les résultats sont historiquement imprévisibles. En 2012, la moitié des votants républicains s’étaient fixés sur un candidat « dans les derniers jours », selon les sondages de sorties d’urnes. A la surprise générale, c’est l’ex-sénateur Rick Santorum qui avait surgi pour l’emporter de justesse contre le favori, Mitt Romney.
Certains vainqueurs cependant peuvent péricliter immédiatement après, comme Santorum en 2012, ou le républicain Mike Huckabee en 2008… quand d’autres profitent de la victoire symbolique pour s’envoler, comme le réussit spectaculairement Barack Obama en 2008, contre la favorite Hillary Clinton.
La consultation, selon les chercheurs, servirait donc surtout de premier filtrage pour éliminer les candidats les moins sérieux. Aucun candidat n’a jamais remporté l’investiture sans terminer dans les trois premières places en Iowa, sauf John McCain en 2008, quatrième d’un cheveu.
Dans la course républicaine, ce filtrage a un biais conservateur.
Plus de la moitié de ceux qui ont voté la dernière fois étaient des chrétiens évangéliques. Seuls les électeurs les plus impliqués participent aux réunions, car il faut être présent un soir de semaine pendant au moins une heure (chez les démocrates, la réunion peut durer deux heures ou plus).
« Il fait froid, il faut que la baby-sitter vienne comme prévu, que la voiture fonctionne et qu’il n’y ait pas de blizzard », explique le professeur Goldford.
Résultat, la participation est plus faible que dans les autres Etats phares: 20% en 2012. L’issue d’un des plus importants événements politiques de l’année, aux conséquences planétaires, est in fine décidée par quelque 200.000 ou 300.000 habitants d’un petit Etat rural.
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