Les procès de Donald Trump renforcent son aura
L’étau judiciaire se resserre sur Donald Trump: enquête du FBI sur la détention de documents «secrets», possible saisine de la justice au sujet de l’attaque du Capitole, et suspicion d’«interférence frauduleuse» dans la présidentielle de 2020. Pas sûr pourtant qu’une candidature en 2024 soit remise en cause.
Le contexte
Une perquisition, le 8 août, par le FBI dans la résidence de l’ancien président des Etats-Unis à Mar-a-Lago, en Floride, est le dernier épisode des ennuis judiciaires de Donald Trump. Les agents y ont saisi des documents «top secret» en possible violation de la loi sur l’espionnage, selon des comptes-rendus judiciaires dévoilés, le 12 août, par la justice américaine. L’ ancien président a assuré que les documents récupérés par la police étaient «tous déclassifiés». Donald Trump est sous le coup de sept procédures distinctes. Beaucoup d’observateurs doutent pourtant que l’une d’entre elles aboutisse et l’empêche de se représenter à l’élection présidentielle de 2024.
Donald Trump a connu un mois d’août pour le moins particulier. Sur le plan politique, la conjoncture a encore accru sa capacité à fédérer le Parti républicain autour de sa personne. Les récentes primaires destinées à sélectionner les candidats pour les prochains scrutins de mi-mandat ont, en grande majorité, vu des partisans du mouvement Maga («Make America great again») de l’ancien président se faire élire au détriment de politiciens désireux de se distancier de lui et de sa théorie sur l’élection présidentielle «volée» de novembre 2020. «Les “midterms” fourniront une excellente indication pour savoir si le mouvement porté par Donald Trump s’inscrira dans la durée au sein du Parti républicain», commente James McAdams, politologue à l’université Notre-Dame, en Indiana.
S’il devait se présenter demain à un scrutin présidentiel, Trump ne ferait qu’une bouchée de ses opposants à une éventuelle primaire.
Les choses semblent en tout cas parties en ce sens. Aucune trajectoire politique autre que celle de Liz Cheney n’est, à cet égard, plus symptomatique des difficultés pour les élus conservateurs critiques envers l’ancien président de rester dans les bonnes grâces des électeurs de droite. La fille de Dick Cheney, l’ancien vice-président de Bush fils, et pourtant elle-même franche conservatrice, a subi, le 16 août, dans son fief électoral du Wyoming, au nord-ouest des Etats-Unis, une défaite retentissante qui en dit long sur le sort électoral réservé à ceux qui osent remettre en cause Donald Trump, en particulier sur son refus de reconnaître le résultat de l’élection présidentielle.
Opportunisme électoral
Alors qu’il y a deux ans, elle avait été confortablement réélue, avec près de 70% des voix, à son poste de députée fédérale, le rapport de force s’est inversé lors de ces primaires au profit d’Harriet Hageman, une candidate soutenue par Donald Trump. Liz Cheney n’est parvenue à rassembler que 29% des électeurs sur son nom. Son tort: avoir accepté de siéger en qualité de vice- présidente de la commission dite du «6 janvier», destinée à mettre en lumière le rôle joué par Trump dans le soulèvement populaire contre le Capitole qui avait notamment coûté la vie à trois personnes parmi les forces de l’ordre le 6 janvier 2021.
Dans d’autres Etats clés comme l’Arizona, qui pourrait, lors de ces “midterms” comme au cours de la prochaine présidentielle, se révéler crucial pour les démocrates, presque tous les scrutins des primaires (pour les fonctions de gouverneur, sénateur ou procureur général) ont vu des candidats pro-Trump triompher de leurs opposants conservateurs plus modérés. Le feu vert à la candidature d’Abe Hamadeh au poste de procureur général d’Arizona est, dans ce contexte, passablement inquiétant dans la mesure où c’est lui qui serait appelé, en cas de victoire en novembre contre son opposant démocrate, à valider de futures élections sur place. Comme l’estime James McAdams, «tous ces femmes et hommes politiques savent pertinemment, dans leur écrasante majorité, que les élections de novembre 2020 étaient “régulières”, mais surfent sur le mouvement Maga pour d’évidentes raisons d’opportunisme électoral». Ou peut-être pensent-ils que la survie du «projet Trump» valorisant une certaine idée du rêve américain justifie une reconnaissance publique des théories que ces personnes savent fallacieuses.
Malgré ses ennuis judiciaires, Donald Trump reste indétrônable au sein de l’électorat républicain.
Entre procès et perquistion à Mar-a-Lago
Si l’emprise de Donald Trump sur le Parti républicain est confortée, la situation de l’ancien président sur le plan judiciaire semble plus inquiétante, même si, comme le soutient Mark Carl Rom, de l’université de Georgetown, à Washington, «il semble peu probable que les différentes actions en justice en cours, même si elles sont nombreuses, puissent avoir une influence préjudiciable sur l’éventuel projet de l’ancien président de se représenter en 2024».
Donald Trump est l’objet de sept procédures distinctes, dont la dernière, diligentée par le département de la Justice, a vu des agents du FBI débarquer, le 8 août, dans sa résidence de Mar-a-Lago, en Floride, pour y emporter des boîtes de documents qu’ils soupçonnent de contenir des pièces classées «secret» que Trump aurait omis de remettre aux archives nationales. Ce raid des agents fédéraux a eu le don d’irriter non seulement l’ancien président, mais aussi nombre de ses partisans et de ses soutiens politiques, qui jugent que les actions à son encontre du département de la Justice et des autres organes fédéraux et locaux relèvent d’une véritable «chasse aux sorcières». Donald Trump, qui, pour des millions de citoyens, symbolise plus que quiconque l’essence du rêve américain, bénéficie d’un soutien inconditionnel au sein d’une partie significative la population.
Outre ses démêlés avec le FBI, Donald Trump doit faire face principalement à deux autres enquêtes. A Washington, la commission parlementaire fédérale «du 6 janvier» rendra, dans les semaines à venir, ses conclusions sur son rôle dans l’attaque du Capitole en 2021. Il est probable que le département de la Justice se saisisse de celles-ci pour diligenter une action judiciaire contre l’ancien président. Dans l’Etat de New York, deux procédures visent la gestion de l’empire commercial de l’ancien locataire de la Maison-Blanche pour un procès qui doit commencer en novembre. L’ancien comptable en charge des comptes de l’entreprise mère, Allen Weissenberg, a d’ailleurs récemment plaidé coupable d’évasion fiscale. Ici aussi, il est peu probable que ces actions judiciaires – au civil comme au pénal – puissent empêcher une candidature de Trump en 2024 car elles ne visent pas nommément l’ancien président, du moins pour l’instant.
Tentative de fraude
La dernière source d’ennuis juridiques visant Trump est potentiellement plus inquiétante pour ses intérêts, et un certain flou demeure quant à de possibles conséquences politiques. Un jury spécial du comté de Fulton, dans la zone métropolitaine d’Atlanta, est occupé depuis plusieurs semaines à interroger des témoins, dont Rudy Giuliani, l’avocat de Trump et ancien maire de New York, sur les motivations de l’ancien président lorsque ce dernier s’enquit auprès du secrétaire d’Etat de la Géorgie de la faisabilité de «trouver» les quelque 15 000 votes qui lui manquaient pour remporter l’Etat contre Joe Biden dans les dernières heures du décompte des résultats de la présidentielle. Ce coup de téléphone ahurissant, révélé par le Washington Post, constitue sans doute, parmi toutes les actions judiciaires lancées contre Trump, la seule pièce qui pourrait mettre à mal sa possible candidature en 2024 si le département de la Justice devait ouvrir une enquête pour «interférence frauduleuse» dans le processus électoral. Les semaines qui viennent apporteront des clarifications à ce sujet.
La confiance entre une frange significative de la population et les autorités est profondément rompue.
Il n’empêche, une certitude demeure: malgré ses ennuis judiciaires, Donald Trump reste indétrônable au sein de l’électorat républicain et, s’il devait se présenter demain à un scrutin présidentiel, il ne ferait qu’une bouchée de ses opposants à une éventuelle primaire. Pire, dans le fond, ces procès ne font que renforcer l’aura de Trump aux yeux de ses partisans, en le faisant passer comme la victime d’un système «établi», tout entier focalisé contre lui. La décision récente du FBI de procéder à un relèvement de ses procédures de sécurité et des mesures de protection de confidentialité de son personnel confirme que la confiance entre une frange significative de la population, réactionnaire, antisystème, et redoutant les embûches au «rêve américain» et les autorités, parmi lesquelles le département de la Justice jugé inféodé aux démocrates, est profondément rompue.
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