Les perturbateurs endocriniens pourraient être la cause des pubertés précoces
Pour la première fois, une étude recense des données sur la puberté précoce en France. Une pathologie rare qui touche plus les filles que les garçons. Pour expliquer ce phénomène, l’hypothèse de l’exposition à certains perturbateurs endocriniens est jugée scientifiquement « plausible ».
Depuis quelques années, le sujet des perturbateurs endocriniens (PE) est arrivé sur la table. Il arrive souvent qu’on soit alerté de leurs dangers, mais les Etats européens n’arrivent pas à se mettre d’accord quant à leurs définitions. En décembre 2013, la Commission européenne était censée se prononcer sur les critères de définition des PE afin de pouvoir légiférer. Mais à cause des pressions, exercées de différentes manières par le lobby de la chimie, la Commission a reporté la définition des critères (ce qui lui a valu un recours en carence, sorte de plainte, initiée par la Suède).
Le 21 décembre 2016, la France et la Suède se sont opposées à la définition proposée par la Commission, vue comme « un recul dans l’action de l’Union de protection de la santé de nos concitoyens et notre environnement », expliquait Ségolène Royal. Depuis, la Commission n’est toujours pas parvenue à un accord.
L’Europe n’arrive pas à se mettre d’accord sur le sujet
L’Union européenne a tenté, une nouvelle fois ce mardi, de s’accorder sur une définition des perturbateurs endocriniens dans le but de les réglementer et de limiter leur impact sur la santé. Mais les vingt-huit pays n’ont pas réussi à se mettre d’accord, par conséquent, la décision a été une nouvelle fois reportée.
En plus des critères qui posent problème, le chapitre des dérogations qui pourraient être accordées à telle ou telle substance active (notamment celles qui ont été conçues pour perturber le système endocrinien de différents organismes autres que les vertébrés) fait aussi l’objet de tensions.« Les pays de l’Europe de l’Est, ainsi que l’Espagne, craignent que sans pesticides, les agriculteurs ne s’en sortent pas », expose Hans Muilerman, coordinateur des campagnes relatives aux produits chimiques de l’ONG bruxelloise Pesticide Action Network Europe (PAN Europe). « La Commission risque de se faire des ennemis », explique encore l’expert, qui admet ne pas savoir quand cette interminable saga des perturbateurs endocriniens prendra fin. Il n’a qu’une certitude : « La Commission doit protéger la santé et l’environnement. Or elle n’est pas à la hauteur de la mission qui lui est confiée. »
Fin décembre, une centaine de scientifiques européens et américains dénonçaient, dans une tribune parue dans le Monde, les « intérêts industriels » qui « déforment délibérément des preuves scientifiques » pour empêcher la réglementation des perturbateurs endocriniens.
L’impact sur notre santé
Pour comprendre la controverse autour des perturbateurs endocriniens, il faut d’abord comprendre ce qu’ils sont et comment ils agissent sur notre corps. « La santé dépend du bon fonctionnement du système endocrinien, qui régule la sécrétion d’hormones essentielles, par exemple, au métabolisme, à la croissance, au développement, au sommeil et à l’humeur », rappelle l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Or, « certaines substances, connues sous le nom de perturbateurs endocriniens, peuvent perturber une ou plusieurs fonctions du système endocrinien et ainsi accroître le risque de survenue de problèmes de santé », ajoute l’OMS.
Il est déjà prouvé, que les perturbateurs endocriniens peuvent avoir des responsabilités dans des cas de malformations génitales, de cancers, ou encore de maladies cardiaques. Et il est très difficile d’éviter d’être en contact avec, car, les industriels en utilisent plus d’un millier dans nos produits du quotidien (comme le bisphénol dans les plastiques, les phtalates ou les pesticides).
Une étude française révèle que les perturbateurs endocriniens pourraient être à l’origine de la puberté précoce
Apparition de pilosité pubienne, seins qui poussent, testicules qui grossissent… voici les premiers signes de la puberté précoce. C’est une maladie rare qui stoppe prématurément la croissance des enfants : avant 8 ans chez les filles et avant 9 ans chez les garçons.
Pour la première fois en France, une étude réalisée par Santé publique France entre 2011 à 2013 recense le nombre d’enfants qui présentent ainsi des signes pubertaires, en écartant les cas dont la cause est connue, à commencer par l’origine génétique. Deux grandes observations ressortent de cette étude française : les filles sont dix fois plus touchées par cette maladie que les garçons.« Or, chez les filles, le rôle de l’exposition à des perturbateurs endocriniens polybromés, présents notamment dans les retardateurs de flamme, cosmétiques ou soins pour cheveux contenant des oestrogènes, est considéré comme scientifiquement plausible », souligne Joëlle Moal, médecin épidémiologiste à l’agence sanitaire Santé publique France, qui a dirigé ce travail avec des spécialistes de l’hôpital Robert Debré, à Paris.
L’autre enseignement de cette étude concerne les variations géographiques constatées. En Midi-Pyrénées et en Rhônes-Alpes, les cas seraient douze fois plus fréquents qu’ailleurs chez les filles et, pour les garçons, six fois plus.« Des expositions géographiquement déterminées aux perturbateurs endocriniens. On pense aux pesticides et les émissions industrielles », indique Joëlle Moal, ajoutant que Santé publique France travaille désormais sur des « indicateurs d’exposition géographique », comme la proximité à la viticulture et à l’arboriculture.
Océane Cordier
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