Le Normandie, entièrement financé par l'Etat français, devant New York : tout un symbole. © Collection French Lines

Les paquebots transatlantiques mis à l’honneur dans une exposition ambitieuse à Londres

Michel Verlinden Journaliste

L’occasion de découvrir comment ces géants des mers ont marqué l’inconscient collectif et l’imagination des créateurs.

Fabuleux ! 40 000 kilos de pommes de terre. 9 000 citrons. 12 000 kilos de viande de boeuf. 13 000 litres de bière. 3 900 kilos de sucre. 2 tonnes de fromage… Sans oublier des quantités astronomiques de saucisses, de boîtes de conserve et autres rations de caviar. La liste des provisions du SS Bremen, un paquebot allemand reliant l’Europe aux Etats-Unis, est de celles qui donnent le vertige.

Elle en dit long sur l’âge d’or d’un moyen de transport transcontinental qui a marqué les esprits. Bien avant que l’aviation commerciale au long cours ne voie le jour, le bateau a longtemps dominé l’industrie du voyage. De 1859, date où le premier transatlantique à vapeur est construit par Brunel, jusqu’en 1969, année où le célèbre Queen Elizabeth 2 est inauguré, les palaces flottants vont façonner un style de vie symbole de progrès et d’opulence.

La construction des paquebots mobilisait des forces de travail considérables. Cette fresque de Stanley Spencer, commanditée par le gouvernement britannique, en témoigne.
La construction des paquebots mobilisait des forces de travail considérables. Cette fresque de Stanley Spencer, commanditée par le gouvernement britannique, en témoigne.© Imperial War Museums

Traversée sans remous pour croisière qui s’amuse ? Loin de là ! Dès les années 1920, les différentes compagnies vont se livrer une guerre commerciale sans merci. Les concurrents ne se font aucun cadeau car il en va du prestige des peuples, chaque bateau étant censé incarner l’ingéniosité nationale.

Un géant de papier : le Titanic, ici mis en cale sèche.
Un géant de papier : le Titanic, ici mis en cale sèche.© Getty Images

Les forces en présence se nomment : Cunard-White star (Grande-Bretagne), Hapag (Allemagne), Compagnie générale transatlantique ou Transat (France) ou Compagnie Flotte riunite Italiane (Italie). Modèles réduits fascinants, affiches percutantes signées, par exemple, par le Belge Henri Cassiers ou stars invitées à bord (Marlene Dietrich), rien n’est négligé pour donner à toutes et à tous envie d’embarquer… pour une vie meilleure.

Accessoire essentiel de la vie à bord, la chaise longue offre une vue imprenable sur l'horizon. Le modèle en question a été dessiné pour la Troy Sunshade Company.
Accessoire essentiel de la vie à bord, la chaise longue offre une vue imprenable sur l’horizon. Le modèle en question a été dessiné pour la Troy Sunshade Company.© Peabody Essex Museum, Salem, MA

A travers 250 objets et une scénographie à couper le souffle, on pense en particulier à une salle restituant une nuit étoilée sur le pont de l’un de ces navires grandioses, Ocean Liners : Speed and Style aborde le phénomène à travers toutes ses facettes. Le visiteur découvre tant les évolutions technologiques capitales que les aspects les plus glamour – ainsi de la  » grande descente « , ce moment où les élégantes en robe de soirée et les gentlemen en costume venaient dîner au son de l’orchestre.

Le restaurant Verandah Grill du Queen Mary. Un paquebot était avant tout un gigantesque garde-manger flottant.
Le restaurant Verandah Grill du Queen Mary. Un paquebot était avant tout un gigantesque garde-manger flottant.© University of Liverpool Library, Cunard Archive

 » Aucune autre forme de transport n’a engendré une imagerie aussi romantique « , souligne Ghislaine Wood, commissaire de l’exposition. Cette aura a largement dépassé les heures de gloire de l’épopée transatlantique, ce dont le succès d’un film comme Titanic, tourné bien après l’apogée du voyage sur les flots, apporte la preuve.

Construit en 1930, l'Empress of Britain était le navire le plus rapide et le plus luxueux de son époque.
Construit en 1930, l’Empress of Britain était le navire le plus rapide et le plus luxueux de son époque.© Victoria and Albert Museum, London

Mieux, véritables cathédrales sur mer de l’Art déco et du modernisme qui sont adoptés dès 1920 par les chantiers navals, les lignes des bateaux ont inspiré les architectes, dont Le Corbusier, qui ont dessiné des immeubles soufflés par l’esprit des plus beaux navires transatlantiques. Les constructions en question reprennent les traits stylistiques des paquebots : volumes arrondis, terrasses découpées ou encore baies vitrées proéminentes. Le style paquebot est né. Il confirme que ces géants au pied marin ont contribué à façonner le monde moderne.

Ocean Liners : Speed and Style, au Victoria & Albert Museum, à Londres, jusqu’au 17 juin prochain. www.vam.ac.uk

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