Les nouvelles contraintes liées au Brexit
Tourisme, voyages d’affaires, études supérieures: les citoyens habitués à circuler sans obstacle depuis plus de 45 ans entre le Royaume-Uni et l’Union européenne doivent s’adapter depuis vendredi à la réalité du Brexit. Ce lundi aussi lieu le véritable test avec la reprise de l’activité. Le point.
C’est le premier véritable test après sa sortie du marché unique et de l’union douanière: le Royaume-Uni verra à partir de lundi si le passage des frontières se fait sans encombres, des milliers de camions devant franchir la Manche après un week-end très calme. La réussite de l’après-Brexit est cruciale pour le Premier ministre Boris Johnson, qui a également d’autres dossiers urgents à gérer. Le Royaume-Uni est en effet durement frappé par le coronavirus, avec plus de 75.000 morts, l’un des pires bilans en Europe, et par la crise économique qui l’accompagne. Le Brexit menace aussi l’unité du royaume, la Première ministre écossaise Nicola Sturgeon faisant pression sur le gouvernement britannique pour qu’il lui accorde le droit d’organiser un nouveau référendum sur l’indépendance de sa nation. En cas de victoire, elle promet que l’Ecosse, qui avait voté à 62% contre le Brexit en 2016, rejoindra l’Union européenne.
Ce qui change pour le transport de marchandise
>> Une autorisation électronique
Pour être autorisés à rouler dans le Kent, les routiers à destination de l’Europe doivent disposer d’une autorisation, délivrée électroniquement, prouvant qu’ils ont préalablement accompli les formalités qui s’imposent. Les contrevenants risquent des amendes de 300 livres sterling (334 euros). Le gouvernement craint que les chauffeurs routiers ne se rendent à Douvres sans ce sésame, ce qui entraînerait des retards et des blocages dans le port et ses environs. Il estime que la plupart des grandes entreprises sont prêtes pour les nouvelles règles, mais que jusqu’à la moitié des petites et moyennes entreprises pourraient ne pas avoir effectué les démarches nécessaires pour exporter vers l’Europe.
Pour éviter une congestion, le gouvernement a prévu d’énormes parkings et des permis d’entrer dans la région du Kent. Arrivé vendredi matin sur le sol britannique, Alexandru Rareci, un chauffeur routier originaire de Roumanie, a dit à l’AFP avoir eu un voyage « tout à fait normal ». Pour le retour en revanche, il confiait n’avoir jamais entendu parler du permis de circuler dans le Kent.
>>Dépistage obligatoire
Les nouvelles formalités douanières s’ajoutent à l’obligation pour les chauffeurs routiers de présenter un test négatif au Covid-19 dans les 72 heures précédant leur traversée de la Manche, une mesure imposée par la France pour éviter l’importation de nouveaux cas. Le ministère britannique des Transports a annoncé samedi la mise en place de 20 nouveaux sites de dépistages dans le pays au cours du week-end, suivis par d’autres cette semaine. « Ces nouveaux centres, à la fois dans les stations-service et dans les entreprises, aideront à réduire les retards », a souligné dans un communiqué le ministre des Transports, Grant Schapps. Le but est d’éviter un retour aux scènes chaotiques vécues autour de Noël, lorsque des milliers de camions avaient été bloqués au Royaume-Uni après la fermeture des frontières décidée par la France en raison de la flambée de cas liée à un variant du coronavirus.Les camions avaient pu finalement repartir après une opération de dépistage massive impliquant plus d’un millier de militaires. Contrairement à l’UE, le gouvernement britannique a décidé de mettre en oeuvre graduellement les contrôles douaniers. Ils ne concerneront toutes les marchandises qu’à partir de juillet.
Ce qui change pour les habitants
A partir du 1er janvier, les Britanniques sont désormais considérés dans l’UE comme les ressortissants d’un pays tiers, ne bénéficiant plus de la liberté de mouvement pour travailler, étudier ou prendre leur retraite sur le territoire de l’Union et des Etats associés (Norvège, Islande, Suisse). La Grande-Bretagne, de son côté, traite les citoyens de l’UE comme la plupart des « non Britanniques ». A la différence près que ceux justifiant d’une résidence dans le pays avant la fin de l’année 2020 conservent leurs droits, conformément à l’accord de retrait conclu fin 2019. Et la réciproque est vraie pour les Britanniques domiciliés dans l’UE.
Ce qui change pour les touristes
Les touristes britanniques devront sans doute s’armer de patience pour les démarches d’entrée dans l’UE, même si les deux parties se sont entendues sur le principe d’une exemption de visa réciproque.
Leur séjour dans l’UE est limité à un maximum de 90 jours sur une période de 180 jours.
Ils doivent prouver qu’ils sont couverts par une assurance, disposent de suffisamment de ressources ou d’un billet retour. Les Européens de leur côté peuvent entrer sur le sol britannique avec une simple carte d’identité jusqu’à octobre 2021, date à laquelle un passeport sera exigé, pour des séjours allant jusqu’à six mois maximum.
Mais il existe des exceptions. Certains accompagnants non européens d’un citoyen de l’UE ont besoin d’un visa.
Les ressortissants irlandais et britanniques continuent de bénéficier de la liberté totale de circulation en vertu d’un accord bilatéral ancien.Les Britanniques souhaitant voyager avec leur chien ou leur chat doivent obtenir un certificat sanitaire international au plus tard dix jours avant leur séjour dans l’UE. Mais la réciproque ne s’applique pas pour les Européens, qui peuvent continuer à emmener leurs animaux au Royaume-Uni sans plus de démarches.
Ce qui change pour les voyages d’affaires –
L’accord post-Brexit prévoit qu’un permis de travail peut être exigé en fonction des activités exercées.
En règle générale, tandis que les participants à des réunions, conférences, séminaires, foires, salons ou travaux de recherche sont exemptés de permis, ce dernier est requis pour les activités impliquant la vente au public de biens ou services. Certains pays de l’UE prévoient toutefois des restrictions supplémentaires pour certaines activités.
Les ressortissants européens bénéficiant d’une offre d’emploi au Royaume-Uni doivent prouver une certaine maîtrise de la langue de Shakespeare, avec un niveau de salaire fixé par la loi.
Ce qui change pour les étudiants
Finis les échanges Erasmus avec la Grande-Bretagne: le programme européen est trop coûteux, a jugé Boris Johnson. A la place, les étudiants britanniques se verront proposer un programme mondial, baptisé du nom du mathématicien Alan Turing.
Désormais, les étudiants européens se verront exiger un visa pour tout séjour universitaire de plus de six mois, et devront payer des frais de scolarité plus élevés — jusqu’à quatre fois plus en médecine ou pour certains diplômes prestigieux de troisième cycle.
Selon une étude du Parlement britannique, le pays recensait 143.000 étudiants de l’UE dans ses universités lors de l’année 2018-2019.
En 2015, les étudiants étrangers ont injecté 25,8 milliards de livres (29 milliards d’euros) dans l’économie du Royaume-Uni, considéré comme la deuxième destination universitaire préférée au monde après les Etats-Unis.
Ce qui change pour l’immigration –
Quelque 1,3 million de Britanniques résident actuellement dans l’UE. Au Royaume-Uni, plus de 4,2 millions de citoyens européens avaient déposé une demande de statut de résident à la fin octobre. Leurs droits sont protégés s’ils étaient installés avant le 31 décembre 2020.
Mais il en est tout autrement pour ceux qui souhaitent émigrer après le 1er janvier. Un système à points établi par la Grance-Bretagne rendra l’installation des Européens beaucoup plus difficile. L’âge, la connaissance de l’anglais, les ressources financières seront pris en compte.
Et les Britanniques qui veulent s’établir en France, en Espagne, ou en Allemagne (leurs destinations favorites pour travailler ou prendre leur retraite) feront face aux mêmes contraintes que les ressortissants de pays tiers… Qu’il s’agisse d’assurance maladie, de conditions de revenu ou d’exigences linguistiques.
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