Gazoducs Nord Stream : explosions, «attaque terroriste»…, ce que l’on sait des fuites en mer Baltique
Les gazoducs Nord Stream 1 et 2 qui relient la Russie à l’Allemagne ont connu plusieurs fuites de gaz en mer Baltique. Un fait « extrêmement rare ». Deux explosions ont été détectées avant que les fuites n’apparaissent. Des « actes délibérés », selon la Première ministre danoise.
Que s’est-il passé en mer Baltique? Controversés et hors service à cause de la guerre en Ukraine, les gazoducs Nordstream 1 et 2 reliant la Russie à l’Allemagne ont été tous deux subitement touchés par de très rares fuites inexpliquées en mer Baltique au large de l’île danoise de Bornholm, entre le sud de la Suède et la Pologne, ont annoncé les autorités danoises et suédoises, suscitant des soupçons de sabotage.
Les fuites suspectes précédées de « détonations » touchent des infrastructures se trouvant depuis le début de la guerre en Ukraine au coeur du bras de fer entre l’Europe et la Russie. Inexpliquées à ce stade, elles font monter la tension autour de la sécurité énergétique du continent et de la protection des équipements stratégiques.
Les deux explosions sous-marines « très probablement dues à des détonations » ont été enregistrées à proximité des sites des fuites des gazoducs Nord Stream 1 et 2 peu avant leur détection, a annoncé mardi un institut sismique suédois. « Nous l’interprétons comme provenant avec la plus grande probabilité d’une forme de détonation », a expliqué à l’AFP Peter Schmidt, du Réseau national sismique suédois. Dans la soirée, la Première ministre danoise Mette Frederiksen, a affirmé que les fuites étaient dues à des « actes délibérés » et « pas à un accident ». Outre la profondeur des eaux, la conclusion de Copenhague se fonde notamment sur le fait que les trous par lesquels s’échappe le gaz sont « trop gros » pour être de cause accidentelle et qu’ils ont été provoqués « par des détonations », a détaillé le ministre de l’Energie Dan Jørgensen.
Copenhague estime que les fuites sur les pipelines, non opérationnels mais remplis de gaz, devraient durer « au moins une semaine » jusqu’à épuisement du méthane qui s’échappe des conduites sous-marines.
« Bouillonnements »
Les trois grandes fuites identifiées depuis lundi sont visibles à la surface avec des bouillonnements allant de 200 mètres jusqu’à 1 kilomètre de diamètre, a annoncé mardi l’armée danoise, images impressionnantes à l’appui.
« Une attaque terroriste »
Les deux pipelines exploités par un consortium dépendant du géant russe Gazprom n’étaient pas opérationnels mais tous les deux étaient encore remplis de gaz. Le Kremlin s’est dit « extrêmement préoccupé », estimant qu’il ne fallait exclure « aucune » hypothèse, y compris celle d’un sabotage. Selon Kiev, les fuites inexpliquées sont le résultat d' »une attaque terroriste planifiée » par Moscou « contre l’Union européenne ». « La fuite de gaz à grande échelle de Nord Stream 1 n’est rien de plus qu’une attaque terroriste planifiée par la Russie et un acte d’agression contre l’Union européenne », a affirmé sur Twitter le conseiller de la présidence ukrainienne, Mykhaïlo Podoliak.
L’exploitant des pipelines, le consortium Nord Stream, a dit ne pas avoir pu voir ni évaluer les dégâts, mais a reconnu le caractère exceptionnel de la situation. « Un incident durant lequel trois tuyaux éprouvent simultanément des difficultés le même jour n’est pas ordinaire », a déclaré un porte-parole à l’AFP.
Des responsables militaires alertent régulièrement sur le risque de saboter des installations civiles sous-marines essentielles, comme des câbles de télécommunications, des liaisons électriques ou d’hydrocarbures.
Etat d’alerte
Malgré l’incertitude sur la cause des fuites, Copenhague a immédiatement placé en état d’alerte orange ses infrastructures énergétiques, le deuxième niveau de vigilance le plus élevé.
« Les fuites de gazoducs sont extrêmement rares et nous voyons donc une raison d’augmenter le niveau de vigilance à la suite des incidents auxquels nous avons assisté au cours des dernières 24 heures », a expliqué le directeur de l’Agence danoise de l’énergie, Kristoffer Böttzauw, promettant « une surveillance approfondie des infrastructures critiques du Danemark ».
Des mesures concrètes pour augmenter la sécurité des usines et des installations vont devoir être mises en place par les entreprises du secteur, notamment en ce qui concerne l’accès, la surveillance et la bonne tenue des installations. En Belgique, le gestionnaire de réseau gazier Fluxys suit également de près la situation, selon son porte-parole. « Nous faisons une analyse pour voir si une vigilance accrue est nécessaire« , a déclaré Laurent Remy ce mardi soir. Le gestionnaire du réseau de gaz n’a pas encore reçu de rapports alarmants concernant ses gazoducs.
« Extrêmement rare »
Construit en parallèle au gazoduc Nord Stream 1, le pipeline Nord Stream 2 était destiné à doubler la capacité d’importation de gaz russe en Allemagne. Mais sa mise en service imminente a été suspendue, en représailles contre l’invasion de l’Ukraine par Moscou.
Gazprom a progressivement réduit les volumes de gaz livrés par Nord Stream 1 jusqu’à la fermeture complète du gazoduc à la fin du mois d’août, accusant les sanctions occidentales d’avoir retardé les réparations nécessaires du pipeline.
La navigation a été interdite dans un rayon de cinq milles nautiques (environ neuf kilomètres) autour des trois fuites, ainsi que leur survol dans un rayon d’un kilomètre.
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L’impact environnemental devrait lui être local et limité, selon les premières évaluations. Avec ses homologues polonais et norvégien, la Première ministre danoise inaugurait justement mardi le Baltic Pipe, un gazoduc reliant la Pologne à la Norvège et passant à travers le Danemark.
La Maison Blanche « prête » à soutenir les Européens
Nos partenaires européens mènent l’enquête. Nous sommes prêts à soutenir leurs efforts », a déclaré mardi un porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison Blanche. Refusant de « spéculer » sur les causes de ces fuites sur une infrastructure cruciale pour la livraison de gaz russe, ce porte-parole a ajouté: « Cela illustre l’importance de nos efforts conjoints pour trouver des approvisionnements de gaz alternatifs pour l’Europe ».