Les Européens accordent une « protection temporaire » aux réfugiés ukrainiens
Les Vingt-Sept ont accepté jeudi à l’unanimité d’accorder une « protection temporaire » dans l’UE aux réfugiés fuyant la guerre en Ukraine, qu’ils soient ressortissants ukrainiens ou résidents de longue date dans ce pays, une décision jugée « historique » par Bruxelles.
Les ministres européens de l’Intérieur ont décidé d’activer pour la première fois la directive de 2001 sur les personnes déplacées, qui permettra aux réfugiés venant d’Ukraine de séjourner dans l’UE, d’y travailler, d’accéder aux aides sociales et au logement, au système scolaire et aux soins médicaux.
« Nous avons déjà accueilli environ 1 million de réfugiés et nous en verrons des millions d’autres. Nous avons besoin de cette législation pour leur offrir une protection adéquate », a déclaré la commissaire européenne aux Affaires intérieures Ylva Johansson à l’issue de la réunion ministérielle à Bruxelles.
Dans la foulée, les Etats-Unis ont accordé aux Ukrainiens présents sur leur sol un statut dit, lui aussi, de « protection temporaire », qui empêche leur expulsion et leur donne le droit de travailler pour les 18 mois à venir.
La mesure ne concerne toutefois pas ceux qui fuient les combats actuellement et sa portée est donc beaucoup plus limitée.
En Europe, le statut de « protection temporaire », pour une durée d’un an renouvelable, sera accordé aux ressortissants ukrainiens et à leurs familles, à ceux ayant déjà le statut de réfugié ainsi qu’aux ressortissants d’autres pays résidents de longue durée en Ukraine.
Pour ces derniers, chaque Etat membre pourra appliquer la protection temporaire décidée au niveau européen, ou une législation nationale adoptée spécifiquement dans le cadre de la crise ukrainienne, comme c’est déjà le cas dans plusieurs pays.
« Notre décision unanime reflète le plein engagement de l’UE dans la solidarité au peuple ukrainien face à cette guerre injustifiable », a commenté le ministre français de l’Intérieur Gérald Darmanin, précisant que l’accord serait formellement validé avant publication vendredi pour son entrée en vigueur.
Les réfugiés ayant fui l’Ukraine depuis le 24 février pourront bénéficier du nouveau statut. Jusqu’à présent, les ressortissants ukrainiens ne pouvaient rester que 90 jours sans visa dans l’UE.
« Devoir moral »
« Ce n’est pas seulement un acte de compassion en temps de guerre: c’est notre devoir moral en tant qu’Européens », a commenté depuis la Roumanie la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen.
Avant la réunion, plusieurs pays, dont l’Autriche, la Pologne et la Hongrie, avaient exprimé leurs inquiétudes sur l’octroi de la « protection temporaire » aux réfugiés non ukrainiens.
Mais après une intervention « impressionnante », en visioconférence, du ministre ukrainien de l’Intérieur Denis Monastirski, « il y a eu un accord pour que les ressortissants étrangers disposant d’une preuve de résidence en Ukraine soient traités comme les citoyens ukrainiens », a expliqué la ministre allemande Nancy Faeser.
Selon elle, l’accord unanime des Vingt-Sept, souvent très divisés sur les politiques migratoires, marque « un changement de paradigme bienvenu ». Pour autant, aucun plan de répartition formelle des réfugiés entre pays de l’UE n’est sur la table à ce stade.
« Nous ne sommes pas naïfs, accueillir des millions de réfugiés représentera des défis innombrables pour nos sociétés. Mais nous sommes désormais dans une bien meilleure position pour y répondre » que lors des crises migratoires précédentes, affirme Mme Johansson.
« Piètre bilan »
Reste le cas des étrangers résidant en Ukraine, mais ne disposant pas d’un titre de séjour de longue durée (travailleurs temporaires, étudiants…).
« Ils ne sont pas couverts par le statut de protection temporaire, mais nous travaillons étroitement avec les Ukrainiens pour les accueillir dans l’UE, où nous leur offrirons une protection immédiate et les aiderons à se loger, se vêtir et se nourrir », a expliqué Ylva Johansson.
« Nous nous concerterons avec les pays dont ils sont originaires, pour voir comment des vols pourront être organisés pour les ramener en sécurité chez eux », a-t-elle poursuivi.
Des opérations sont déjà en cours, avec des avions affrétés par l’Inde, le Maroc ou la Tunisie pour rapatrier leurs ressortissants réfugiés en Pologne ou Roumanie, selon une source européenne, qui rappelle que les personnes concernées peuvent également déposer une demande d’asile dans l’UE.
La proposition de la Commission « offre une nouvelle vie aux gens fuyant le danger » et « enclenche un mécanisme inédit de solidarité » entre Etats, mais intervient après des années de « piètre bilan » de l’UE en matière d’accueil des migrants, a commenté l’ONG Oxfam.
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