Les Etats-Unis commémorent la fin de l’esclavage, anniversaire à l’écho renforcé
Marches, barbecues, musique et discours, les Etats-Unis célébraient samedi « Juneteenth », jour anniversaire de la fin de l’esclavage dans ce pays, désormais férié, un an après la mort de George Floyd.
Son meurtre a déclenché, aux Etats-Unis et bien au-delà, un mouvement de fond contre le racisme et les brutalités policières envers les Afro-Américains.
La mobilisation a contribué, entre autres, à renforcer considérablement la visibilité de « Juneteenth », dont beaucoup d’Américains, y compris afro-américains, ignoraient l’existence il y a encore deux ans.
Contraction des mots « juin » et « 19 » en anglais, cette date marque le jour où les derniers esclaves d’une île du Texas ont appris, le 19 juin 1865, qu’ils étaient libres. « Juneteenth » est resté comme la date marquante de l’émancipation des Afro-Américains.
Occasion festive depuis 1866, « Juneteenth » l’est encore davantage cette année car c’est aussi le premier événement national célébré sans restrictions sanitaires, la plupart des mesures encore en vigueur pour lutter contre la pandémie de coronavirus ayant été levées ces dernières semaines.
Des centaines d’événements étaient prévus aux quatre coins du territoire américain, de New York à Los Angeles en passant par l’île texane de Galveston, considérée comme le lieu symbolique de « Juneteenth ».
Et jeudi, le président américain Joe Biden a promulgué une loi faisant du 19 juin un jour férié national, 156 ans après.
« Ça a pris du temps », a réagi Cheryl Green (68 ans), présente pour l’inauguration, à Brooklyn, d’une statue de George Floyd, tué par un policier à Minneapolis en mai 2020.
« C’est une bonne chose que les gens reconnaissent ce qui s’est passé », a expliqué cette résidente afro-américaine de ce quartier new-yorkais. « Les changements se font doucement, mais c’est sûr, nous allons y arriver. »
À Washington, plusieurs centaines de personnes ont célébré cet anniversaire en dansant sur l’avenue menant vers la Maison Blanche, rebaptisée Black Lives Matter Plaza, depuis les manifestations antiracistes monstres provoquées par la mort de George Floyd.
Kevin Blanks, éducateur noir de 29 ans, est venu samedi pour dénoncer le racisme « encore bien trop ancré dans l’ADN de ce pays ». Martin Luther King, Malcom X, Harriet Tubman… sur son t-shirt sont énumérés les noms d’autant de figures emblématiques du combat pour l’émancipation des personnes noires aux Etats-Unis.
« Nos ancêtres se sont tellement battus », abonde Danique McGuire, 51 ans, qui assure que « le chemin est encore long » avant que les Afro-Américains ne soient réellement libres aux Etats-Unis.
Un sondage publié mardi par l’institut Gallup montrait encore que 28% des Américains ne « savaient rien » de « Juneteenth ».
« Battre le fer tant qu’il est chaud »
« C’est un peu surréaliste de célébrer (cette journée) alors que nous nous battons contre des attaques nationales » visant le droit de vote des minorités, a pour autant tweeté Sharif Street, sénateur local noir de Pennsylvanie.
Entre janvier et mai, 14 Etats américains, notamment la Géorgie et la Floride, ont voté des lois pour restreindre les possibilités de voter, des mesures interprétées comme visant à réduire l’influence du vote des minorités, en particulier la communauté noire.
Pour Sharif Street, c’est « un rappel que nos victoires ne sont pas définitives, même lorsqu’il s’agit de puissants symboles de progrès » comme le droit de vote.
Un projet de loi pour garantir un large accès au vote est actuellement en discussion au Sénat, mais son sort paraît très incertain car beaucoup d’élus républicains y sont opposés.
Pour Farah Louis, conseillère municipale noire à New York, la proclamation de « Juneteenth » comme jour férié et l’élan donné par le mouvement post-Floyd offrent « une opportunité » à la communauté noire.
« Il faut battre le fer tant qu’il est chaud », dit-elle, évoquant notamment le débat sur les « réparations », l’indemnisation des Afro-Américains pour les ravages causés par l’esclavage.
Vendredi, les maires de 11 villes américaines, dont Los Angeles et Denver, se sont engagés à verser, à ce titre, des indemnités à des représentants de la communauté noire, engageant le gouvernement national et le Congrès à les imiter.
« On voit un changement » dans le pays, a reconnu Terrence Floyd, le frère de George, lors de l’inauguration de la statue honorant son frère.
Terrence Floyd, qui vit à New York, a créé récemment l’organisation « We Are Floyd » (nous sommes Floyd), « pour que le changement continue », a-t-il dit à l’AFP. « Ce n’est plus qu’un moment, c’est un mouvement. »
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