Carte blanche
Les derniers jours du Prophète de l’islam : nous ne sommes pas d’accord
Les recherches sur les derniers jours du Prophète de l’islam ont le vent en poupe. Ayant traversé la frontière qui sépare la France et la Belgique, voilà que l’ouvrage d’Hela Ouardi est traité dans toutes les pages des quotidiens belges, dont notamment Le Vif.be. Plusieurs éléments de fond attirent notre attention au regard du point de vue de la thèse de la chercheuse.
Afin de rendre le débat plus démocratique, nous nous permettons désormais de présenter quelques contre-arguments. D’abord, sur la question de la supposée fatigue psychologique du Prophète de l’islam à la fin de sa vie en raison d’un déclin de son autoritarisme. Si réellement l’idée du Prophète de l’islam avait été d’obtenir un agrégat de pouvoirs, pourquoi n’eût-il pas renoncé à son Dieu Unique lorsque les mecquois lui proposèrent un marché de plusieurs femmes et beaucoup d’argents ? Pourquoi passer par des étapes de persécutions sanglantes, mettre les musulmans dans un état de famine si, in fine, le but n’est pas le triomphe de Dieu et simplement l’avarice mondaine ? Il y a ici, dans l’idée d’une fatigue psychologique liée à l’autoritarisme, une incohérence avec le caractère du Prophète de l’islam.
Il faut ensuite noter que les Traditions de l’islam ne sont pas absolues et ne constituent une source historique pour les musulmans que si elles répondent à des critères très précis (conditions objectives et subjectives que l’on ne peut ici détailler). Une des conditions est que le récit rapporté soit conforme au caractère du Prophète de l’islam, ce qui ne semble pas être le cas pour ce qui est du déclin de la psyché rapporté à la fatigue constatée du Prophète.
Affirmant sur la base toujours de Traditions que celui qui deviendra le Calife Omar a refusé de prendre le serment du Prophète de l’islam afin de mieux comploter pour le pouvoir, l’auteure oublie plusieurs éléments chronologiques essentiels dans la vie du Prophète. D’abord, entre l’incident du refus de prendre le testament et la mort du Prophète de l’islam, ce sont écoulés sept jours et le Prophète de l’islam avait recouvert un peu de force entre-temps. Pourquoi n’a-t-il pas, à cet instant, réitéré son testament ? Car il savait que la réponse que lui avait apportée Omar était plus que suffisante, à savoir : « que le Coran et la Sunnah (Traditions) nous suffisent ».
Enfin, les livres authentiques rappellent constamment que la seule pensée qui traversait le Prophète de l’islam lorsqu’il était souffrant et durant ses derniers jours, était l’heure de la prière.
Or, il est particulièrement étonnant de voir que l’auteure ne trouve comme référence que quelques Traditions du Prophète, s’accablant, s’affligeant de la mort de son fils, alors qu’il avait déjà perdu plusieurs êtres chers avant. En définitive, l’ouvrage qui tente d’apporter une vision éclairée sur la mort du Prophète de l’islam ne fait que compiler certaines Traditions dont on peut douter de l’authenticité.
Vouloir donner au Prophète de l’islam des allures d’homme politique moderne du XXe siècle avec quelques traits caractéristiques de l’époque n’est assurément pas la vision qui se dégage des récits rapportés de sa vie. Pour toutes ces raisons, nous estimions utiles de publier ce contre point de vue.
Asif ARIF, Avocat au Barreau de Paris, Auteur, Directeur de la collection Religions & Laïcités aux éditions l’Harmattan, Directeur aux affaires publiques de l’Association Musulmane Ahmadiyya de France. Livre à paraître : 50 fiches pour comprendre la laïcité aux éditions Bréal.
Idrees AHMAD, Président de l’Association Musulmane Ahmadiyya de Belgique.
Asad MAJEEB, Imam (ministre du culte) de l’Association Musulmane Ahmadiyya.
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