Les charmes du fleuve du Congo se dévoilent sous les clichés de Kris Pannecoucke
Durant trois ans, le photographe Kris Pannecoucke a remonté le fleuve Congo. Un voyage à la beauté sidérante au coeur d’une société dévoilant ses contradictions et son charme vénéneux.
Sur une carte, on ne peut pas le rater. Avec ses 4 700 kilomètres (ce qui en fait le huitième plus long au monde), il traverse tout le pays en suivant une courbe sinusoïdale. Dans un Etat où les infrastructures routières restent une denrée rare, le fleuve Congo n’est pas seulement une matrice qui nourrit des centaines de milliers de familles et polarise une part importante de l’activité économique, c’est aussi très souvent la seule solution pour atteindre les zones les plus reculées.
Suivre son tracé permet de prendre le pouls d’une société complexe, plurielle, à la fois chaotique et immobile, bordélique et créative. S’inscrivant dans les pas de Stanley, de Conrad, et plus récemment de Thierry Michel (le film Congo River), le photographe flamand Kris Pannecoucke a remonté cette épine dorsale, depuis l’embouchure jusqu’à sa source. Une manière de renouer avec ses racines, lui qui est né et a grandi là-bas. Et de déclarer son amour pour ce peuple balloté entre deux rives : celle de l’espoir et celle de l’abîme.
Car oui, il y a de l’amour dans cette galerie de portraits magnétiques, une empathie bienveillante qui adoucit la douleur et la misère. » J’ai toujours été fasciné par ce pays de paradoxes, nous confie-t-il. Par ses paysages bien sûr, mais surtout aussi par la débrouillardise, la créativité et le potentiel de sa population. Et puis, il y a ce côté absurde et insaisissable. Comme me disait un ami congolais : » Si tu veux faire une parodie de Kinshasa, montre-la comme elle est, c’est déjà une parodie. » La pauvreté est présente mais j’ai voulu aussi montrer d’autres facettes moins connues, comme cette classe moyenne qui travaille et s’amuse. »
De fait, ses images aux teintes sourdes plongent dans toutes les strates de la société : on croise des pêcheurs, des paysans, des sapeurs, des gourous, des troubadours, des commerçants, et même des riches. Une vitalité électrisante traverse le livre même si l’équilibre semble toujours précaire, comme le rappellent en permanence les fantômes de bateaux mangés par la rouille et les squelettes d’immeubles éventrés. » Quand j’ai commencé ce projet en 2013, l’économie du Congo était en plein essor. La demande en cuivre explosait et les investisseurs accouraient. C’est même une banque congolaise qui a en partie financé le livre. Mais depuis 2016, c’est de nouveau chaotique. Kabila s’accroche au pouvoir et la situation est très instable. Même si, et on l’oublie souvent ici, le Congo est tellement grand, quasiment la taille de l’Europe, que ce qui se passe à l’est n’a pas d’incidence sur la côte, à l’autre bout du pays… »
Kris Pannecoucke ne se contente pas d’observer de loin, avec une distance affectée, non, il est au coeur de la mêlée, au plus près des êtres et des âmes. C’est ce qui rend ce panorama à la beauté instantanée précieux comme un diamant du Kasaï.
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