L’Ecosse ne peut organiser un référendum d’indépendance sans accord de Londres
La Cour suprême britannique a estimé sans surprise mercredi que l’Ecosse ne pouvait pas organiser un nouveau référendum d’indépendance sans l’accord de Londres, douchant les espoirs du gouvernement indépendantiste écossais qui entend placer la question au coeur des prochaines élections générales.
La Cour a unanimement conclu que la proposition de loi (pour un référendum, ndlr) relève des questions réservées » au pouvoir central à Londres, a expliqué le président de la Cour suprême Robert Reed. De fait, « le Parlement écossais n’a pas le pouvoir de légiférer pour un référendum d’indépendance ».
La Première ministre écossaise Nicola Sturgeon s’est déclarée « déçue » par le jugement de la Cour, estimant qu’une « loi qui ne permet pas à l’Ecosse de choisir son propre avenir sans l’accord de Westminster montre que toute notion de partenariat volontaire avec le Royaume-Uni est un mythe ».
Elle avait déjà dévoilé la question, « L’Ecosse doit-elle être un pays indépendant? », et même la date, le 19 octobre 2023, à laquelle elle souhaitait organiser cette nouvelle consultation.
Les Ecossais ont déjà refusé à 55% en 2014 de quitter le Royaume-Uni. Mais aux yeux des indépendantistes du SNP au pouvoir à Edimbourg, le Brexit intervenu depuis, auquel 62% des électeurs de la province se sont opposés, change la donne. Ils souhaitent que l’Ecosse réintègre l’Union européenne en tant qu’Etat indépendant.
Mais le gouvernement central à Londres s’oppose fermement à tout nouveau référendum d’indépendance et considère que le vote de 2014 a clos le débat pour une génération.
Anticipant un bras de fer judiciaire avec Londres, Nicola Sturgeon avait pris les devants en saisissant la Cour suprême pour que celle-ci se positionne sur la question qui divise les Ecossais.
« Clair et définitif »
La Cour a estimé qu’un tel référendum -même consultatif- aurait des conséquences directes sur l’union du Royaume-Uni, un domaine « réservé » au gouvernement central à Londres qui doit donc donner son accord avant la tenue d’un tel vote.
Devant les députés au Parlement, le Premier ministre britannique Rishi Sunak a dit respecter « le jugement clair et définitif » de la Cour suprême et appelé les responsables politiques à « travailler ensemble ».
De son côté, le ministre britannique chargé de l’Ecosse Alister Jack a affirmé qu’Edimbourg devait désormais se « concentrer (…) sur les problèmes qui comptent le plus » pour les Ecossais en pleine crise du coût de la vie au Royaume-Uni.
Face à cet échec en justice, Mme Sturgeon a répété lors d’une conférence de presse à Edimbourg qu’elle ferait des prochaines élections générales au Royaume-Uni, qui doivent se tenir d’ici à janvier 2025, un « référendum de facto » sur la question de l’indépendance.
Lors des élections locales de 2021, elle avait promis d’organiser un référendum légalement valide une fois tournée la page de la pandémie.
« Nous devons et nous trouverons d’autres moyens démocratiques, légaux et constitutionnels pour que le peuple écossais puisse exprimer sa volonté », a-t-elle affirmé mercredi.
« Droit fondamental et inaliénable »
« Ce n’est pas la fin de l’histoire », a réagi à l’extérieur de la Cour suprême David Simpson, 70 ans partisan de l’indépendance. « Rien n’est impossible. »
Opposé à l’indépendance, le chef de file des travaillistes en Ecosse, Anas Sarwar, a lui appelé à se « débarrasser » de ce gouvernement conservateur « pourri ». « Démontrons qu’on peut faire que le Royaume-Uni fonctionne pour toutes les régions du pays », a-t-il lancé sur la BBC.
Lors de l’audience le mois dernier, la plus haute magistrate écossaise, Dorothy Bain, avait fait valoir que « le droit à l’auto-détermination était un droit fondamental et inaliénable ».
Mais la Cour suprême a rejeté mercredi ses arguments, Robert Reed indiquant que le droit international en matière d’autodétermination ne s’appliquait qu’aux anciennes colonies ou à des populations opprimées par une occupation militaire, ou quand un groupe n’a pas accès à certains droits.
« J’aurais préféré une autre décision mais elle donne une réponse claire et je pense que c’est bienvenu », a indiqué à l’AFP à l’issue du jugement Philippa Whitford, députée indépendantiste.
« Je pense que même si de nombreux partisans de l’union vont peut-être se réjouir, ils doivent aussi réaliser que cela leur pose des questions sur la nature du Royaume-Uni. On nous dit constamment qu’il s’agit d’une union volontaire et ils doivent donc réfléchir au droit démocratique qu’ont les Ecossais de choisir leur propre avenir ».