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Le triomphe sans appel de Fillon : nouvel échec du microcosme

Etienne Dujardin Juriste et élu conseiller communal MR à Woluwe-Saint-Pierre

Il ne sourit pas souvent, mais aujourd’hui, l’austère Fillon doit bien rigoler et savourer son énorme victoire. Il y a quelques semaines encore, certains journalistes lui demandaient s’il irait au bout de la primaire. Toutes les unes de magazines étaient consacrées au duel Juppé-Sarkozy.

Les débats télévisés ont permis de faire émerger un Fillon austère, mais solide et connaissant ses dossiers. Parmi les candidats à la primaire, il est sans doute celui qui a le plus travaillé son projet, et ce, depuis des années. Avant qu’il soit favori, d’autres candidats lui ont d’ailleurs pillé l’une ou l’autre idée de son programme, le trouvant bien construit.

Sarkozy a perdu cette primaire, non parce que son positionnement était trop droitier, mais simplement parce que les électeurs ne l’ont plus cru. Il avait été élu en 2007 avec 53 % des voix, soit un mandat très clair. Il n’a ensuite pas réalisé les réformes structurelles promises et a envoyé des signes troublants à son électorat : son attitude bling-bling, son ouverture à la gauche, son manque de courage dans la réforme des retraites… Il a cependant apporté à la droite un héritage conséquent : celui d’avoir libéré une parole de droite devenue complexée. Il l’a fait dès 2002 et a compris avant tout le monde le danger que pouvaient représenter la pensée unique et le politiquement correct. Il avait d’ailleurs réussi à siphonner toutes les voix de Jean-Marie Le Pen en 2007 et avait laissé son parti en état de lambeaux. Les promesses non tenues ont malheureusement fait exploser le FN par la suite et ce dernier est aujourd’hui le premier parti de France.

Juppé, que tout le microcosme annonçait gagnant depuis des mois, s’est pris hier une énorme gamelle électorale. Malgré les relais médiatiques importants dont il disposait et une certaine sympathie de la gauche, il a complètement raté le coche. Il a suivi la même voie que Clinton en étant le vainqueur auto-désigné par les puissants, en invitant des stars ou autres hommes de réseaux à ses meetings. Ce n’est pourtant ni Alain Minc, ni Alain Delon qui pouvaient lui apporter un large réseau de votants. Il a surtout oublié qu’il se présentait à une primaire de la droite. Un électeur de droite s’en contrefiche d’avoir Bayrou ou la quasi-totalité de l’UDI en soutien. Un pays qui a 6 millions de chômeurs, une dette abyssale et qui a subi le terrorisme islamiste dans sa propre chair ne souhaite pas entendre parler de sa fameuse « identité heureuse » ni de changement à la marge sur le marché du travail, il veut une rupture radicale. Juppé, homme sage et prudent, mais déjà premier ministre en 1995, ne pouvait être l’homme du renouveau attendu.

Au fil des débats, Fillon s’est donc imposé comme l’homme de la situation. Il a réussi à incarner l’homme tranquille et posé, capable de réaliser les réformes structurelles qu’une droite tranquille souhaite voir venir. Il a réussi à s’imposer comme le candidat du peuple face au « microsome de l’intérieur du périphérique parisien » comme il l’appelle. Il a réussi à trouver les mots justes pour combattre le communautarisme, pour dénoncer les idéologues qui affaiblissent l’enseignement public, pour remettre de l’ordre dans les finances publiques, pour stimuler l’emploi, pour parler de l’identité de la France. Sa victoire est celle d’un libéralisme enraciné qui résiste aux flatteries de la bien-pensance. Enfin, la campagne de haine lancée à son égard cette dernière semaine lui a plutôt réussi. Jusqu’il y a un mois, les médias le traitaient avec indifférence et trouvaient son programme trop sérieux pour intéresser les Français. Depuis une semaine, il était dépeint par une certaine presse comme ultra-libéral, ultra-réac, autoritaire. Si être « ultra-libéral », c’est par exemple vouloir revoir à la baisse les dépenses publiques et éviter que les salaires des fonctionnaires ne soient payés par des emprunts d’Etat sur le marché bancaire, il doit y avoir beaucoup d' »ultra-libéraux ». La une Libération (quotidien en chute libre au niveau de ses ventes) a titré « Au secours, Jésus revient ». Nombre de médias n’ont toujours pas compris qu’ils doivent changer, qu’ils doivent décrire le réel et non caricaturer pour le plaisir. Une couverture médiatique si violente et déplacée ne fait finalement que renforcer le candidat victime des quolibets ou des sarcasmes d’une élite hors-sol qui tire à vue sur Fillon mais qui encense Fidel Castro.

La victoire de Fillon est aussi une victoire pour la démocratie. D’une part, la participation massive des votants lui donne une vraie légitimité. Le fait que des millions de téléspectateurs aient vu les différents débats montre que le citoyen s’intéresse toujours à la politique et veut qu’on lui propose une offre politique claire et assumée. C’est une victoire, d’autre part, parce que Fillon sera un adversaire redoutable pour le front national et il pourrait très bien venir pomper une grosse partie des protestataires qui votaient FN pour envoyer un signal. Marion Maréchal-Le Pen l’a déjà compris et a admis que le triomphe Fillon était une mauvaise affaire pour sa tante qui préférait de loin Juppé. Enfin, c’est un magnifique signal qui montre qu’on peut encore gagner en politique sans vendre du rêve, sans être démagogue ou simpliste, mais en disant la vérité sur la situation d’un pays.

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