Christian Makarian
« Le renforcement des pouvoirs des généraux dans l’entourage direct de Trump est saisissant »
Il y a d’abord l’effet recherché. Les Bachar al-Assad, les Kim Jong-un et tous ceux de leur engeance ont trouvé à qui parler. Un président américain qui montre ses biceps ; qui balaie les accusations d’isolationnisme ; en rupture totale – en apparence – avec son prédécesseur ; adepte de la méthode forte : « America ».
L’Amérique de Donald Trump souhaite montrer qu’elle est de retour, comme elle l’a illustré en frappant, le 4 avril, l’aéroport d’Al-Shayrat, en Syrie, d’où étaient partis les avions Sukhoi responsables du carnage accompli sur des civils innocents, dans le village de Khan Cheikhoun, au moyen d’armes chimiques effroyables. Une semaine plus tard, les forces américaines ont largué sur un nid de djihadistes afghans la fameuse GBU-43/B, la bombe non nucléaire la plus puissante du monde. Dans ces deux cas, on mesure la disproportion de la frappe par rapport aux dégâts réels causés ; message clair et abondamment diffusé. Pour ajouter à l’impression de redressement, c’est une petite armada qui a été envoyée en direction de la Corée du Nord (un porte-avions, un escadron aérien, deux destroyers lanceurs de missiles, un croiseur) pour répliquer aux dernières provocations militaires du régime de Pyongyang.
Il y a ensuite l’effet profond. En l’occurrence, le renforcement du pouvoir des généraux dans l’entourage direct du président américain est saisissant. Depuis Henry Kissinger, on avait pris l’habitude de voir le président entouré de conseillers décisifs porteurs d’un concept, qu’il s’agisse des » faucons » sous Ronald Reagan, des penseurs mondialistes sous Bill Clinton, des » néocons » sous George W. Bush, des théoriciens du leadership from behind sous Obama. Trump n’a rien de tel : son secrétaire d’Etat, Rex Tillerson, est le prototype du réaliste sans état d’âme et son vice-président, Mike Pence, a le profil du brave homme sans expérience. En guise de supercracks de la diplomatie, le 45e président des Etats-Unis s’appuie sur des généraux (James Mattis, H. R. McMaster…). Si la politique extérieure américaine devait être durablement conduite par des militaires de haut rang, on assisterait à une évolution sans pareille de la mission que l’Amérique se donne ; avec une perception fondée sur le clivage entre » alliés » et » régimes ennemis » au détriment d’une considération globale des rapports internationaux.
Il y a enfin l’effet induit. La ligne démonstrative choisie par Trump met ses alliés dans une nouvelle relation, très problématique. Du reste, il a lui-même changé de position sur l’Otan, d’abord qualifiée d' » obsolète « , avant qu’il ne corrige le tir avec une grande décontraction : » J’ai dit que l’Otan était obsolète. Il n’est plus obsolète… C’est un rempart pour la paix internationale. » Et cela, incontestablement, est de nature à nous inquiéter…
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