Le prince Philip, époux de la reine Elizabeth II, est mort
Le prince Philip, soutien sans faille pendant plus de sept décennies à son épouse Elizabeth II et à la couronne britannique, est mort vendredi à l’âge de 99 ans au château de Windsor.
Connu pour son caractère impétueux, voire ses gaffes mais aussi pour son dévouement à la royauté malgré les crises, le duc d’Edimbourg, né prince de Grèce et du Danemark, était sorti il y a trois semaines de l’hôpital où il avait passé un mois pour une infection puis un problème cardiaque.
« C’est avec un profond chagrin que sa majesté la reine annonce la mort de son époux bien aimé le prince Philip, duc d’Edimbourg », selon un communiqué du palais de Buckingham. « Son Altesse royale est décédée paisiblement ce matin au château de Windsor ». « D’autres annonces seront faites le moment venu », a précisé le palais.
Jusqu’aux funérailles, réduites par la pandémie de coronavirus, le Royaume-Uni observera une période de deuil national. Si l’époux de la reine peut de droit avoir des obsèques nationales, il avait exprimé sa préférence pour une plus modeste cérémonie militaire à la chapelle Saint-George du château de Windsor.
Lors d’une brève déclaration devant Downing Street, le Premier ministre britannique Boris Johnson a salué « la vie et le travail extraordinaires » du prince Philip. « Nous sommes en deuil, avec Sa Majesté la reine, nous lui présentons nos condoléances, à sa famille », a déclaré le chef du gouvernement.
L’ancien Premier ministre travailliste Tony Blair, au pouvoir au moment de la mort de Diana en 1997, a rendu hommage à un homme « de détermination et de courage ».
Au palais de Buckingham dans le coeur de Londres, les drapeaux ont été mis en berne et un texte annonçant la disparition de l’époux de la reine a été affiché sur les grilles. Les hommages ont commencé à affluer de l’étranger, l’ancien président américain George W. Bush estimant qu’il « représentait le Royaume-Uni avec dignité ». En Australie, dont Elizabeth II est la souveraine, le Premier ministre Scott Morrison a salué un homme qui « incarnait une génération ».
Le duc d’Edimbourg, qui aurait eu 100 ans en juin, avait été admis le 16 février dans un hôpital privé de la capitale britannique, le King Edward VII, officiellement pour une infection.
Il avait ensuite subi « avec succès », début mars, une intervention pour un problème cardiaque préexistant dans un autre établissement londonien, l’hôpital St Bartholomew’s, doté du plus grand service cardiovasculaire spécialisé en Europe.
Après son hospitalisation, le prince Philip était retourné il y a trois semaines à Windsor, à l’ouest de Londres, où il avait passé le confinement avec son épouse de 94 ans. Le duc d’Edimbourg s’est éteint « paisiblement » au château de Windsor.
L’hospitalisation du prince Philip était survenue dans une période de crise pour la famille royale, avec la diffusion le 7 mars aux Etats-Unis d’une interview explosive du prince Harry, petit-fils de la reine, et de sa femme Meghan Markle, près d’un an après leur retrait effectif de la monarchie et leur exil en Californie.
Le couple a dénoncé le racisme de certains membres de la famille royale, tout en précisant qu’il ne s’agissait ni de la reine ni de son époux, et Meghan a avoué avoir eu des pensées suicidaires.
– Record de longévité –
Deux pas en retrait, il a fidèlement accompagné la reine Elizabeth pendant plus de 73 ans. Loin de s’effacer, le prince Philip, décédé vendredi peu avant son centième anniversaire, était resté impétueux, malgré le sacrifice de sa carrière et les lourdeurs du protocole. « Mon premier, second et ultime emploi est de ne jamais laisser tomber la reine », avait-il expliqué à son secrétaire particulier, Michael Parker, juste après son mariage, en 1947.
Un dévouement auquel Elizabeth II avait rendu hommage, confiant publiquement qu’il avait été sa « force » et son « soutien ». Et pourtant, le prince Philip s’est longtemps heurté aux arcanes policés de la famille royale britannique avec son tempérament autoritaire, mais aussi ses plaisanteries douteuses voire des dérapages racistes.
Carrière militaire avortée –
Philip est né à Corfou le 10 juin 1921, avec les titres de Prince de Grèce et du Danemark. A 18 mois, son oncle, roi de Grèce, est contraint d’abdiquer, et son père est banni du pays après la guerre gréco-turque. Avec ses parents et ses quatre soeurs, Philip fuit à bord d’un navire de l’armée britannique.
C’est le début d’une enfance solitaire et agitée, entre la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni. Sa mère, dépressive, est hospitalisée puis entre dans les ordres, tandis que son père part s’installer à Monaco.
Philip, lui, est finalement envoyé en Écosse pour suivre sa scolarité dans un austère pensionnat. Il ne reverra sa famille qu’à de rares occasions.
A partir de 1939, il fait ses classes dans l’armée britannique, au Royal Naval College de Dartmouth (sud de l’Angleterre). Il y découvre sa vocation et y rencontre pour la première fois la princesse Elizabeth. Il a 18 ans, elle en a 13 et tombe sous le charme du beau militaire.
Il sert dans la marine pendant la Seconde Guerre mondiale. Il se distingue rapidement et devient l’un des plus jeunes lieutenants de la Royal Navy, promis à une brillante carrière.
Il se fiance après la guerre à Elizabeth. Philip est d’abord vu d’un mauvais oeil par les membres de sa belle-famille. « Ils le considéraient comme brutal, sans éducation, et estimaient qu’il serait probablement infidèle », a révélé Alan Lascelles, secrétaire personnel du roi Georges VI.
Mais « Lilibet » l’adore et leur union est célébrée le 20 novembre 1947. Philip doit renoncer aux titres qu’il avait reçus à la naissance mais devient duc d’Édimbourg. Il obtient la nationalité britannique et adopte le nom -anglicisé- de sa mère, Mountbatten.
En 1952, la mort du roi George VI propulse Elizabeth sur le trône. Au cours de la cérémonie de couronnement, il fait le serment d’être « l’homme lige » de la reine, et devient à jamais le second de son épouse.
Il est contraint de mettre un terme à sa carrière militaire, un déchirement. « C’était frustrant, je venais d’être promu commandant », reconnaîtra-t-il plus tard. « La partie la plus intéressante de ma carrière navale venait seulement de commencer ».
– Pragmatique –
« Je ne sais pas combien de temps il va tenir, il est comme refoulé », dira l’ex-roi de Yougoslavie. Mais animé par un grand sens du devoir, le prince Philip s’investit dans son nouveau rôle, jusqu’à devenir parrain de plus de 780 organisations, assumant notamment la présidence du WWF pendant quinze ans.
Volontiers ironique, il se construit une réputation de gaffeur, à coups de dérapages racistes et de blagues douteuses.
Le culte du prince Philip
Une tribu du Vanuatu considère le prince comme une divinité associée aux esprits du volcan Yasur. Selon la mythologie, un esprit a quitté une montagne voisine, s’est envolé pour un pays lointain et a épousé une reine.
Ce culte s’est développé après la visite du prince Philip, qui s’était rendu en uniforme immaculé de la marine au Vanuatu en 1974. Il est observé par les habitants du village de Yaohnanen sur l’île de Tanna. Au fil des ans, le duc a envoyé aux villageois trois portraits officiels, dont l’un où il pose avec un bâton de guerre qu’ils lui avaient envoyé.
Chef de famille quand son épouse est cheffe d’État, il entretient une relation notoirement compliquée avec l’aîné de ses quatre enfants, le prince Charles, souvent interprétée comme une répercussion de sa propre enfance, dénuée d’affection parentale.
« Charles est un romantique, je suis un pragmatique », concède-t-il à son biographe Gyles Brandreth. « Cela signifie que nous voyons les choses différemment ».
Mais la famille royale lui sait gré de son infatigable engagement en faveur de la monarchie. « Il est incroyable. Il a été présent toutes ces années, c’est notre roc », avait salué sa petite-fille, la princesse Eugénie.
Détenteur du record de longévité des conjoints des souverains au Royaume-Uni, le prince Philip avait pris sa retraite publique en 2017, à l’âge de 96 ans, après avoir honoré son 22.219e et dernier engagement solo: passer en revue une parade des Royal Marines, dont il était le général en chef.
En janvier 2019, la Land Rover qu’il conduisait avait percuté un autre véhicule en sortant d’une allée du domaine de Sandringham et s’était renversée. Sorti indemne de l’accident, il avait renoncé à conduire.
Cinq choses peu connues sur le prince Philip
– Sacrifices pour une princesse –
Philip, né en 1921 sur l’île grecque de Corfou où il vécut jusqu’à l’âge de 18 mois, a dû faire des sacrifices pour pouvoir épouser la princesse Elizabeth en 1947.
Il renonce d’abord à son titre de prince de Grèce et du Danemark pour prendre la nationalité britannique et devenir duc d’Edimbourg peu avant son mariage, puis prince du Royaume Uni en 1957.
Après la mort du roi George VI qui propulse son épouse sur le trône en 1952, Philip renonce à sa carrière d’officier dans la Royal Navy.
Orthodoxe, il accepte d’adhérer à l’anglicanisme et, pour faire plaisir à sa fiancée, arrête de fumer.
– ‘Grossier’ –
Si Elizabeth a toujours décrit le duc d’Edimbourg comme son « roc » et son « soutien », la famille Windsor est loin d’être convaincue par le fiancé qu’elle leur présente.
A en croire Sir Harold Nicolson, diplomate et écrivain, le roi George VI et son épouse le trouvaient « grossier, impoli et sans manière » et estimaient « qu’il serait probablement infidèle ». Ils tentèrent de présenter à leur fille d’autres candidats plus conformes au profil qu’ils recherchaient.
L’aristocratie britannique était, en cette période d’après-guerre, très mal à l’aise avec les accointances allemandes du prince. En privé, on rapporte que la reine-mère le surnommait « Le Hun ». Les trois soeurs du prince, mariées à des princes allemands proches du Reich, n’ont pas été invitées à son mariage avec Elizabeth.
– ‘Mon chou’ –
C’est Stephen Frears, réalisateur de « The Queen », qui vend la mèche du petit surnom royal. Dans une scène du film sorti en 2006, on y voit le prince Philip lancer à son épouse en entrant dans son lit, « pousse-toi, chou! » (move over, cabbage!).
« J’ai enquêté auprès du cercle royal et j’ai appris de source sûre que c’était comme ça que le duc appelait la reine », a affirmé le scénariste Peter Morgan interrogé à l’époque par le Times.
Ce terme affectueux proviendrait d’une traduction littérale du « mon chou » français, pays où le prince Philip vécut pendant sept ans pendant son enfance.
– Tensions avec Charles –
Les relations avec son fils aîné, Charles, « n’ont jamais été particulièrement chaleureuses » et tombèrent « au plus bas » en 1995, selon l’hebdomadaire Mail on Sunday.
Les deux hommes seraient entrés « en guerre » après la décision du duc de faire abattre 63 chênes dans le parc du château des Windsor. Le prince Charles aurait accusé son père de vandalisme, selon le journal.
Philip, généralement décrit comme un père froid, avait décidé d’envoyer le jeune Charles à Gordonstoun, austère pensionnat écossais où il fut lui-même élevé. « Un Colditz en kilts », devait commenter Charles ultérieurement, en référence à la forteresse allemande pour prisonniers de guerre.
– Peintre et collectionneur –
On connaît son goût pour l’équitation, le polo et les compétitions d’attelages, discipline dans laquelle il concourait pour le Royaume-Uni. Amateur de sensations fortes, il aime également piloter.
Mais on connait moins son goût pour la peinture: collectionneur de tableaux, il est également peintre à ses heures. En 1965, il réalise « Le petit-déjeuner de la reine, château de Windsor ».
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