La panda Ya Ya au zoo de Memphis, le 25 avril 2023.

« Le panda s’est transformé en dragon »: ou comment les relations Chine-USA prennent un fameux coup de bambou

Noé Spies
Noé Spies Journaliste au Vif

Si doux, si gentil, le panda est la carte de séduction politique privilégiée de la Chine, qui fait de l’animal un pion central de sa stratégie de softpower depuis des années. Si bien que l’ours herbivore est devenu un baromètre plutôt fiable de l’état des relations entre les Chinois et les Occidentaux. Mais la nouvelle politique de Xi Jinping temporise cette ‘pandamania’. Le retour de « Ya Ya », qui a vécu 20 ans aux USA, est « le symbole de l’état calamiteux des relations sino-américaines », observe Thierry Kellner (ULB), spécialiste de la politique étrangère de la Chine. Kung Fu Panda a pris a sacré coup de mou.

Après trois mois de discussions animées entre la Chine et les États-Unis, le panda ‘Ya Ya’ est revenu, jeudi, à Shanghai. Un fameux coup de bambou diplomatique.

Lorsque l’herbivore est arrivé aux États-Unis en 2003, des centaines de spectateurs l’ont acclamé à l’aéroport international de Memphis. Un moment fort dans les relations entre les deux pays. La Chine venait d’adhérer à l’Organisation mondiale du commerce : elle voulait nouer des liens économiques et coopérer dans la lutte contre le terrorisme.

Vingt ans plus tard, Ya Ya a été remis dans un avion, retour à l’expéditeur. Cette mascotte des relations cordiales sino-américaines semble désormais aussi misérable que l’atmosphère qui règne entre les deux pays. L’animal est maigre et souffre de perte de poils. De nombreux Chinois ont été choqués : ils pensent qu’il n’a pas reçu les soins et l’attention appropriés. Le zoo de Memphis a toujours nié ces allégations.

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Panda Ya Ya: tout un symbole

« Cette image d’un panda malade renvoyé en Chine symbolise l’état calamiteux des relations bilatérales sino-américaines, observe Thierry Kellner (ULB), spécialiste de la politique étrangère chinoise. C’est une métaphore parfaite de la dégradation des liens entre ces deux grandes puissances. »

Le panda est un symbole que la Chine a beaucoup utilisé pour renforcer des relations avec certains pays. Recevoir des pandas illustre à quel point il est positif d’avoir une bonne entente avec l’Empire du Milieu. Cette pratique a d’ailleurs a été baptisée « la diplomatie du panda ».

Ce panda est une métaphore parfaite de la dégradation des liens entre la Chine et les Etats-Unis.

Thierry Kellner

Animal très sympathique, herbivore, inoffensif, il symbolisait l’image que la Chine entendait donner d’elle-même.

« Cette diplomatie était très présente à l’époque de Hu Jintao (président de la Chine entre 2003 et 2013, NDLR.) lorsque la Chine mettait en avant cette idée d’un pays qui travaille surtout sur le softpower, avec un développement pacifique valorisant et rassurant. Cette image-là a été très transformée ces dernières années avec Xi Jiping, qui ne s’inscrit plus du tout sur la même ligne », distingue Thierry Kellner.

« Les lignes ne sont plus parallèles »

La politique étrangère globale de la Chine a en effet considérablement évolué, autour d’une logique beaucoup plus assertive. « Cette symbolique du panda est un peu tombée en désuétude. Si avant on pouvait voir la Chine comme un panda, maintenant, on a plus l’impression d’avoir un dragon en face de soi », illustre l’expert de la Chine.

Il est vrai qu’entre les deux pays, certains sujets crachent le feu. Taiwan, TikTok, l’espionnage, ou le positionnement sur la guerre en Ukraine ne sont que certaines des mèches qui peuvent mener au détonateur. Chine et Etats-Unis doivent gérer des différences très importantes, tout en essayant d’éviter que la situation ne s’embrase.

« Les lignes ne sont plus du tout parallèles. La Chine se considère comme leader du Sud global et du modèle alternatif aux Occidentaux. Tout en présentant les Etats-Unis comme étant sur le déclin », analyse Thierry Kellner.

C’est là toute la contradiction de la politique étrangère chinoise actuelle : elle entretient des mauvaises relations politiques et diplomatiques avec les Etats qui sont ses meilleurs partenaires économiques.

Thierry Kellner

Malgré cette compétition féroce, les deux puissances sont contraintes de maintenir des canaux de communication. Si certains parlent beaucoup de découplage, les relations commerciales restent solides. Les Occidentaux représentent une grosse partie du commerce extérieur chinois. Pour la Chine, nos marchés sont essentiels.

« C’est là toute la contradiction de la politique étrangère chinoise actuelle : elle entretient des mauvaises relations politiques et diplomatiques avec les Etats qui sont ses meilleurs partenaires économiques », résume Thierry Kellner, pour qui le nature du régime chinois est la source de tous les problèmes.

« Ce parti communiste monopolistique ne veut pas voir son pouvoir remis en question. Il se méfie du discours occidental sur la séparation des pouvoirs, la liberté de la presse, les droits de l’homme. D’où ces gesticulations sur l’exceptionnalisme chinois. La fin fond du problème est le maintien au pouvoir du parti communiste. »

panda

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