Le bilan du pape François jugé décevant concernant les affaires de pédophilie
Beaucoup de paroles mais peu d’actes: trois ans après l’élection du pape François, les victimes de prêtres pédophiles se disent amères et déçues, estimant que l’Eglise a encore beaucoup à faire pour écarter et punir les coupables.
L’audition récente par une commission australienne du cardinal George Pell, N.3 du Vatican, et la plainte pour non-dénonciation d’un prêtre pédophile contre le cardinal Philippe Barbarin, archevêque de Lyon, posent encore une fois la question — au-delà de la responsabilité ou non de ces prélats — des décennies d’indifférence de la hiérarchie puis de ses efforts pour étouffer les scandales.
Des victimes n’ont pas toujours été écoutées, des évêques se sont souvent contentés de muter les prêtres criminels, le Vatican n’a pas révoqué ces évêques ou l’a fait tardivement. Pour les associations de victimes, la conspiration du silence reste tolérée au plus haut niveau, malgré les promesses de sévérité de François.
Le pontife argentin, qui fête dimanche le troisième anniversaire de son élection, est devenu une véritable star grâce à son style simple, son attention aux plus pauvres et ses efforts pour réformer l’institution et la rapprocher des simples fidèles.
Mais il n’a pas réalisé le tournant espéré pour mettre fin au scandale des prêtres pédophiles, qui a détruit la vie de dizaines de milliers de victimes à travers le monde et a jeté un profond discrédit sur l’Eglise.
Beaucoup de paroles mais peu d’actes
François a eu des paroles très fermes sur le sujet. Il a recommandé aux évêques ayant protégé des pédophiles de démissionner et a créé au Vatican une instance judiciaire vaticane pour les juger.
Il a aussi créé une commission internationale d’experts, mais leur mandat limité à des recherches et propositions sur la prévention, sans intervention sur des cas individuels, a été très critiqué.
Et même s’il a rencontré des victimes de prêtres pédophiles à Rome et à Philadelphie, Jorge Bergoglio a fortement déçu ces dernières semaines pour n’avoir pas reçu les victimes d’affaires très médiatiques au Mexique, où il s’est rendu récemment, et celles venues à Rome d’Australie à l’occasion du témoignage du cardinal Pell.
Alors que le film « Spotlight », sur les prêtres pédophiles à Boston, a reçu l’Oscar du meilleur film, la pédophilie « risque de devenir une épine dans le pied » de ce pontificat, estime le vaticaniste et biographe du pape Marco Politi.
Pour lui, « le test décisif pour juger du sérieux des hiérarchies ecclésiastiques » reste la question de la dénonciation à la justice. Or, « en dehors des cas où la loi du pays l’impose, la majorité des épiscopats ne veut pas en entendre parler ».
Pour Ignazio Ingrao, vaticaniste de l’hebdomadaire Panorama, outre cette incapacité de nombreux épiscopats locaux à « dépasser la mentalité du secret et de l’étouffement des scandales », les velléités du pape sont aussi tempérées par le fait qu’au Vatican, la Congrégation pour la doctrine de la foi, chargée d’examiner les cas dénoncés, manque de personnel pour venir à bout de la montagne de dossiers.
« Je crois cependant qu’il n’y a aucun doute sur la volonté de François d’observer la tolérance zéro. Il a dit clairement que les autorités ecclésiastiques devaient collaborer avec les autorités civiles », estime-t-il.
Si direct sur tant de sujets, le pontife argentin semble réticent à parler de ce drame. Sur son site Crux, le vaticaniste américain John Allen y voit « une hésitation à s’aventurer dans des situations qu’il pense ne pas bien comprendre ».
Le scandale qui secoue les Etats-Unis ou l’Irlande depuis des années, avec d’énormes affaires judiciaires, une couverture médiatique intense, la révélation d’un nombre élevé d’agresseurs et de victimes, n’est « pas arrivé jusqu’en Argentine au temps où Bergoglio était à Buenos Aires », note M. Allen.
Le vaticaniste du site Vatican Insider, Andrea Tornielli, proche du pape, ne voit pour sa part aucune réticence de Jorge Bergoglio « à parler du sujet et à sanctionner ».
« Le pape a eu des mots sans équivoque, parlant de sacrifices diaboliques. Il cherche à changer les mentalités », explique-t-il à l’AFP. « On comprend très bien les critiques des victimes ou de leurs proches. Mais le travail le plus important à accomplir est de créer les conditions pour que ces épisodes d’étouffement des scandales ne se répètent plus », a-t-il ajouté.