Carte blanche
L’aide au développement plus nécessaire que jamais (carte blanche)
Selon les statistiques de l’OCDE publiées aujourd’hui, l’aide au développement mondiale a augmenté en 2020, mais elle ne correspondait qu’à 1% des financements mobilisés dans le monde pour des mesures de relance économique face à la crise du COVID-19. En Belgique, l’aide a représenté 0,47% du revenu national brut, toujours bien loin de l’objectif de 0,7% des Nations Unies. Pourtant, les financements en aide au développement ont rarement été aussi nécessaires : les conséquences de la pandémie liée à la COVID-19 menacent d’annuler une décennie de progrès réalisés dans la lutte contre la pauvreté. Pour faire face aux conséquences sociales de la crise, les gouvernements doivent augmenter massivement l’aide pour qu’elle atteigne les 0,7% dès 2030.
Carte blanche co-signée par Eva Smets, Directrice Générale d’Oxfam Belgique et Arnaud Zacharie, Secrétaire Général du CNCD-11.11.11
L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) publie aujourd’hui les chiffres annuels de l’aide publique au développement (APD). En 2020, la Belgique a mobilisé 0,47% de son revenu national brut (RNB) en aide au développement, contre 0,41% en 2019. Cette augmentation est principalement imputable à la forte baisse du RNB en 2020, suite à la récession provoquée par la pandémie de Covid-19, et non à un investissement majeur supplémentaire dans la coopération au développement. L’aide belge reste en outre inférieure à la moyenne européenne qui se situe à 0,5% du RNB en 2020.
Cela représente néanmoins un premier signe positif, après plusieurs années de baisse successive de l’aide belge. Mais cela reste encore très loin de l’objectif de 0,7%, un objectif international dont l’anniversaire a été tristement fêté à l’automne 2020. Car de nombreux pays, dont la Belgique, n’ont jamais tenu leur promesse en 50 ans, privant ainsi les pays du Sud de 5000 milliards de dollars.
Pourtant, les besoins ont rarement été aussi évidents. La pandémie a placé le monde dans une situation économique inédite, provoquant une hausse de la pauvreté et des inégalités dans quasiment tous les pays du monde, simultanément. C’est un défi de taille que la Covid-19 pose, au-delà de la crise sanitaire en elle-même qui a pourtant déjà tué plus de 2,8 millions de personnes. C’est aussi un défi sur le long terme qui menace des décennies de progrès réalisés pour faire reculer la pauvreté dans le monde. D’après la Banque Mondiale, sans action urgente, le nombre de personnes vivant dans la pauvreté serait supérieur en 2030 à celui enregistré avant la pandémie. Un recul qui menace directement l’accomplissement des Objectifs de Développement Durable adoptés en 2015 par l’Assemblée générale des Nations Unies. L’UNESCO estime par exemple que les progrès réalisés ces vingt dernières années en matière d’éducation des filles risquent d’être réduits à néant par la pandémie et la crise socio-économique qui l’accompagne. Selon le Fonds monétaire international (FMI), les pays en développement auront besoin de 200 milliards de dollars supplémentaires pour la reconstruction post-Covid, d’ici à 2025.
L’accord de gouvernement de la coalition Vivaldi s’engage explicitement à établir une trajectoire pour que l’aide belge atteigne 0,7% du RNB en 2030. Cela ne doit pas seulement être la répétition d’une promesse traditionnelle, car l’aide publique au développement reste un outil unique et irremplaçable. La pertinence de l’aide ne doit pourtant plus être démontrée : elle a permis d’éradiquer quasi totalement la poliomyélite, de sauver 27 millions de vies par le seul Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, ou encore de scolariser 34 millions d’enfants supplémentaires entre 2000 et 2015… La Belgique a d’ailleurs reconnu le rôle de l’APD dans la réponse à la Covid-19 dès les débuts de la pandémie, puisqu’elle publiait un communiqué dans ce sens avec d’autres pays de l’OCDE le 9 avril 2020.
L’aide au développement n’est certes pas un remède miracle. Elle doit s’inscrire dans un ensemble cohérent de politiques en faveur d’un développement juste et durable. Les effets de la crise actuelle vont se faire sentir sur le long terme, en particulier dans les pays à faible revenu qui ne disposent pas des marges de manoeuvre budgétaires pour financer des plans de relance et de reconstruction. Il faudra plus de dix ans aux personnes les plus pauvres pour se relever de ces impacts économiques. En plus d’augmenter considérablement l’aide au développement, il est donc plus important que jamais de plaider en parallèle pour d’autres mesures structurelles fortes, telles que l’annulation de dettes, la lutte contre l’évasion fiscale ou la mise à disposition de la connaissance et de la technologie nécessaires pour garantir à toutes et tous l’accès aux vaccins contre la Covid-19.
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