La ville portuaire de Marioupol assiégée: « Nous nous acheminons réellement vers une tragédie inimaginable »
Marioupol, un port stratégique du sud de l’Ukraine, encerclé et constamment bombardé par les Russes, est dans une situation « désespérée », selon un haut responsable de MSF, qui appelle à agir pour éviter « une tragédie inimaginable ».
« C’est vraiment quasi désespéré », a admis Stephen Cornish, le patron de MSF Suisse et l’un des coordinateurs de l’action de l’ONG en Ukraine depuis le début de l’invasion russe le 24 février.
« Des centaines de milliers de personnes (…) sont littéralement assiégées », dit-il dans un entretien à l’AFP. « Les sièges sont une pratique médiévale qui a été interdite par les lois modernes de la guerre et ce pour une bonne raison », estime-t-il, en raison des souffrances infligées aux populations civiles, qui ne peuvent se mettre en sécurité.
A Marioupol, il n’y pas de chauffage, pas d’eau et la nourriture commence aussi à manquer. Les bombardements sont incessants.
Les autorités militaires locales estiment que 1.207 personnes sont mortes dans la ville, mais comme pour la plupart des bilans, il n’est que partiel, beaucoup de corps se trouvant sans doute sous les décombres.
Protéger les civils
Stephen Cornish rappelle que le droit international « exige de protéger les civils, ils doivent voir leurs besoins de base assurés: nourriture, eau, médicaments et très certainement pouvoir rester en dehors du conflit ».
« Comme on peut le voir, et pas seulement à Marioupol, mais aussi selon des informations crédibles qui parviennent de Kharkiv et Dnipro et d’autres endroits, tous les efforts nécessaires ne sont pas faits pour épargner les civils », dit le responsable humanitaire, maniant la litote.
« Nous nous acheminons réellement vers une tragédie inimaginable », met-il en garde avant d’ajouter: « Il est encore possible de l’éviter et il nous faut l’éviter ».
MSF a plus de 100 personnes sur le terrain en Ukraine. L’ONG a réussi à ouvrir une clinique mobile vendredi dans la ville de Vinnytsia, dans l’ouest du pays, pour s’occuper des innombrables personnes déplacées par les combats.
Mais le principal défi, c’est surtout le nombre très important de zones soumises en même temps aux combats.
« Il y a des dizaines d’endroits qui ont besoin d’une aide médicale d’urgence et nous ne sommes tout simplement pas encore en mesure de le faire », reconnaît-il.
« Réellement choquant »
Pour Stephen Cornish, comme pour le monde entier, le bombardement par les Russes d’un hôpital pour enfants de Marioupol « est réellement choquant pour nos consciences, pour notre humanité ». « C’est totalement inadmissible, et il n’y a pas de mots pour comprendre comment cela peut être permis à notre époque ».
Le bombardement a fait trois morts, dont un enfant, et a totalement dévasté les installations.
Si MSF n’avait personne à l’hôpital, un certain nombre de collaborateurs et leurs familles sont enfermés dans Marioupol.
D’autres infrastructures hospitalières ne sont pas épargnées. Au 11 mars, l’OMS répertoriait une trentaine d’attaques sur des ambulances, du personnel médical et des infrastructures de santé. Ces attaques, qui ont fait 12 morts et 34 blessés, sont potentiellement des crimes de guerre.
Dignité, humanité
L’équipe de MSF sur place continue à pouvoir communiquer.
« Je peux vous dire que nous attendons ces communications avec beaucoup d’impatience, et nous sommes soulagés quand nous avons des nouvelles et qu’ils vont bien », reconnaît Stephen Cornish.
Mais le niveau de violence empêche l’équipe « de continuer à apporter de l’aide dans les structures hospitalières » et ça « c’est totalement inadmissible à notre époque », s’insurge l’humanitaire. « Il faut tout faire pour assurer que nous restaurions de la dignité et de l’humanité ».
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