La relégation et la solitude du fumeur
C’est l’histoire d’un repenti du tabagisme qui jette un dernier regard, non sans nostalgie, sur son parcours de fumeur.
Agrégé de philosophie, Nathan Devers fait dans Espace fumeur (1) l’éloge de la « pause clope », elle qui lui offrait « quelques moments d’absence sans jamais (lui) faire changer de lieu ». Mais que devient la cigarette, cet outil de convivialité? « Combien de fois, de nos jours, un fumeur offre-t-il une cigarette à un parfait inconnu qu’il ne reverra jamais? », s’interroge l’auteur frappé par la solitude de plus en plus grande du consommateur.
« La typologie entre fumeurs et non-fumeurs, qui commence à gagner les lieux publics et les esprits, chasse la cigarette de l’air ambiant pour lui imposer un coin. Les espaces fumeurs s’invitent partout, comme pour mieux chasser les fumeurs du monde commun. » Dès lors, pointe l’inquiétude: « A quoi risque de ressembler ce monde aseptisé d’hygiénisme et d’obsession médicale qui s’inaugure devant nous, où le culte du « bien-être » semble tourner à vide? ».
Si la dimension sanitaire du tabagisme est absente de l’essai de Nathan Devers, sa réflexion n’élude pas les méfaits psychologiques de ses dix ans de consommation, la dépendance et le « système de récompenses » insidieux que le rendez-vous avec la cigarette lui procurait. Un sentiment factice que, devenu non- fumeur, l’auteur réussit à décrypter: « Le problème reposait moins dans la constitution d’un « système de récompenses » que dans la pauvreté des récompenses que je m’accordais », reconnaît-il. Ce récit, qui est aussi une balade en littérature et en philosophie, est de nature et de facture à attirer les fumeurs comme les non-fumeurs.
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