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« La rage va revenir en Belgique : ce n’est qu’une question de temps »

Annick Hus Journaliste freelance

La question n’est pas si, mais quand le premier cas de rage se déclarera dans notre pays. « Depuis quelques années, il n’y a plus de rage en Belgique, mais le commerce de chiots d’Europe de l’Est risque d’importer la maladie », estime le vétérinaire Neil Steleman.

Neil Steleman a analysé les données de 92 516 animaux enregistrés, dont 67 343 chiens munis d’un passeport qui ont quitté la Slovaquie en 2016. Et on ne parle pas de l’importation illégale.

Sur les 67 343 chiots enregistrés en Slovaquie en 2016, 13 785 figurent dans la banque de données belge. 20% des chiens nés en Slovaquie se retrouvent donc dans notre pays.

« L’état détermine que les sociétés d’exportation reconnues doivent élever leurs animaux elles-mêmes. En réalité, ces éleveurs reconnus sont des grossistes qui achètent des animaux auprès de particuliers pour ensuite les vendre. Les données démontrent en effet que 11 561 chiens ont été élevés par quatre sociétés. À l’aide de particuliers, elles rassemblent des chiots trop jeunes et porteurs de toutes sortes d’infections et de maladies. Du coup, le risque d’importer la rage augmente », explique Steleman.

Interdire les centrales d’achat

Pourtant, notre législation interdit la coopération avec les grandes centrales d’achat. « En 2016, le propriétaire Roland Toth de Falcon a fourni 2 792 chiens de 61 races différentes. Si nous ne comptons pas les animaux parents, cela signifie que Toth doit héberger 1100 animaux à tout moment. Si vous visitez Falcon, vous verrez que ce n’est pas possible. Pourtant, l’entreprise dispose d’une licence illimitée pour vendre les chiots aux éleveurs-commerçants belges. »

Récemment, Falcon a ouvert une première filiale en Belgique. Entre-temps, le commerce de chiens installé en Flandre-Occidentale a été reconnu par les autorités. Il existe donc une ligne directe entre la Slovaquie et la Belgique pour importer des chiots.

Steleman: « L’origine des chiots exportés par une centrale comme Falcon est impossible à détecter. Souvent, ils sont ramassés dans la rue ou élevés dans des conditions misérables dans des écuries à la campagne. En Slovaquie, la rage existe toujours. Si les chiens entrent en contact avec les renards ou les chauves-souris, ils peuvent entraîner une explosion de rage. »

Vétérinaires slovaques

Sur les 13 785 chiens venus de Slovaquie en 2016, 48% ont été vaccinés par deux vétérinaires. « Domko Ratislav est l’un d’entre eux. Il a déclaré pas moins de 4 381 (32%) chiots en bonne santé pour être transporté en Belgique. Au moins 268 d’entre eux n’ont pas survécu au voyage. »

« En un an, ce vétérinaire a vacciné 11 968 chiens dans son pays natal. C’est une très belle prestation vu qu’il aurait dû voir 33 chiots par jour. Or, en réalité il a fourni ce travail en à peine 126 jours, ce qui signifie qu’en moyenne, il vaccine 95 chiens par jour contre la rage. Le 18 janvier 2016, il a même vacciné 348 chiens, ce qui revient à un vaccin toutes les deux minutes, et cela pendant 12 heures. Soit le docteur Ratislav travaille rapidement et il ne fait donc pas bien son boulot, soit il manipule les données en fonction des exigences du pays de destination et nous avons affaire à de la fraude et des faux en écriture. »

Les données de Steleman prouvent aussi que Ratislav a vacciné les 4 381 chiens à destination de la Belgique un lundi. 3 228 chiens sur 4381 sont nés un week-end, douze semaines avant le jour de vaccination. « Selon les dates de naissance validées par Ratislav et notées dans le passeport, il n’y a presque pas de chiens qui naissent le mardi, le mercredi ou le jeudi. La moyenne slovaque nous apprend cependant qu’en Slovaquie les naissances de chiens sont également réparties sur toute la semaine. »

Chiffres réalistes

Le vétérinaire Bert Vangheluwe n’est guère surpris par les données de Neil Steleman. « Ils me semblent très réalistes. Au fond, c’est fou qu’on n’ait encore constaté aucun cas de rage, étant donné qu’on passe son temps à importer de jeunes chiens mal vaccinés. Ces pratiques sont dangereuses pour la santé publique. Les vétérinaires exercent une influence indirecte sur la santé humaine. Si nous négligeons notre travail et vaccinons mal ou pas du tout les chiens contre la rage, nous exposons les humains à cette maladie mortelle. « Il y a quelques années, Bert et son père Luk Vangheluwe, le vice-président de l’époque de l’Ordre des Vétérinaires et quelques autres personnes, ont dénoncé le commerce de chiens illégal issu d’Europe de l’Est. « Nous avons entrepris différentes actions pour faire cesser la maffia canine. Nous avons même déclaré aux autorités de l’opportunité d’intercepter un transport illégal. Malheureusement, c’était juste un jour de pont… On ne peut vraiment pas nier que l’état est trop laxiste contre ce genre de pratiques. Tant qu’on ne démantèle pas ces réseaux illégaux, on ne peut rien faire. »

Qui est compétent?

Nous avons soumis les chiffres à l’AFSCA et au Bien-être animal, une compétence régionale. Pour l’AFSCA c’est clair : l’agence est uniquement compétente pour l’importation de chiots, ni plus ni moins. Pour les questions spécifiques, mieux vaut s’adresser aux collègues des régions et autres services publics.

Bien que l’AFSCA prétend ne pas avoir beaucoup voix au chapitre dans le domaine de l’importation de chiots d’Europe de l’Est, l’agence a mis en garde à plusieurs reprises contre la propagation de cette maladie. En 2012, elle a diffusé un communiqué de presse intitulé « La rage est toujours une maladie mortelle ! » En 2015, l’agence a également qualifié la maladie de danger permanent pour l’Europe.

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