La libération d’Olivier Vandecasteele, avant celle d’Ahmadreza Djalali? Pourquoi le professeur de la VUB croupit en prison depuis 7 ans
Olivier Vandecasteele a quitté les geôles iraniennes, après 455 jours d’enfermement. Ahmadreza Djalali, professeur invité de la VUB, y meurt à petit feu depuis 7 ans, après sa condamnation à mort en 2016 pour espionnage du régime de Téhéran. Pourquoi la Belgique ne fait pas de son cas une priorité ? Explications.
Soulagement. Le mot était sur toutes les lèvres à l’annonce de la libération d’Olivier Vandecasteele, arrivé sur le sol belge après une détention de 455 jours en Iran. Le travailleur humanitaire a pu retrouver sa famille, en échange du retour d’Assadollah Assadi – condamné à 20 ans de prison pour un projet d’attentat terroriste – au sein de la République islamique. Certains, dont la N-VA, estiment qu’Alexander De Croo et son équipe ministérielle ont cédé au chantage iranien, devenu la marque de fabrique de la désormais célèbre diplomatie des otages.
Pourtant, alors qu’Olivier Vandecasteele et les siens peuvent souffler, un autre otage lié à la Belgique croupit dans les inhospitalières geôles iraniennes. Depuis 7 ans, Ahmadreza Djalali, professeur invité de la VUB (Vrije Universiteit Brussel), est détenu par le régime pour soupçons d’espionnage. « Il oscille entre la vie et la mort », confie Philippe Hensmans, directeur de la section belge francophone d’Amnesty International. « L’état de santé du professeur Djalali est très mauvais », confirme Firouzeh Nahavandi, professeure émérite à l’ULB et spécialiste de l’Iran. « Il a un besoin urgent de soins et d’une opération mais rien ne bouge », déplore-t-elle.
Comment expliquer le choix du gouvernement de libérer Olivier Vandecasteele, détenu par le régime iranien depuis moins longtemps qu’Ahmadreza Djalali ? « La différence, cadre Firouzeh Nahavandi, c’est que l’Iran considère Djalali comme 100% Iranien (l’homme a la double nationalité : Suédois et Iranien, NDLR), alors qu’Olivier Vandecasteele est Belge ». La professeure émérite explique que l’Iran applique aux individus binationaux comme le professeur de la VUB les mêmes droits qu’à ses citoyens. Traduction : moins de droits que dans leur second pays. En parallèle, le cas d’Ahmadreza Djalali – universitaire – aurait suscité moins d’émotion que celui d’Olivier Vandecasteele – humanitaire.
L’affaire Djalali suscite moins d’adhésion que l’affaire Vandecasteele
En Belgique, Amnesty International s’est fait le porte-parole des deux hommes détenus en Iran. Une pétition, d’abord, demandant la libération d’Ahmadreza Djalali, avait récolté 130.000 signatures. Un soutien important, mais bien moindre que celui témoigné à Olivier Vandecasteele : quelque 420.000 personnes ont signé la pétition le concernant, lancée en décembre 2022. « Les recteurs d’université se sont unis pour la libération de leur collègue », se souvient le directeur de la section belge francophone d’Amnesty International. « Mais à l’époque déjà, certains ont minimisé la situation, évoquant le fait qu’il n’est pas complètement suédois ou qu’il donnait ses cours à distance, et n’était donc pas présent en Belgique ».
Même s’il n’y a aucune justification valable à la détention du professeur invité à la VUB, Firouzeh Nahavandi comprend pourquoi la résolution de son cas n’est pas une priorité pour le gouvernement belge. « Le titre de professeur invité à la VUB est le seul lien qui rattache Ahmadreza Djalali à la Belgique. C’est à la Suède d’avancer pour faire bouger les choses ». Le traité de transfèrement conclu entre la Belgique et l’Iran ne peut pas servir de caution pour la libération du chercheur. L’un des seuls espoirs auxquels sa famille se raccroche serait que la Suède conclue un tel accord avec la République islamique. Une piste déjà évoquée, puisqu’un ancien gardien de prison iranien – qui risque la prison à vie dans le pays scandinave – pourrait servir de monnaie d’échange.
Ahmadreza Djalali est un universitaire. Il n’a pas de connexion directe avec le régime iranien
Firouzeh Nahavandi, professeure émérite à l’ULB et spécialiste de l’Iran
Vers une exécution d’Ahmadreza Djalali ?
En sept ans de détention, les menaces de mise à mort visant Ahmadreza Djalali se sont mutlipliées depuis Téhéran. Sans succès pour le moment, mais jusqu’à quand ? « La République islamique est capable de tout, rappelle Firouzeh Nahavandi. Des otages ont déjà été exécutés par le passé ». Un passé récent, puisqu’Alireza Akbari, un homme politique irano-britannique lui aussi accusé d’espionnage, a été exécuté le 14 janvier dernier. Mais un détail joue en la faveur du professeur invité à la VUB. « Ahmadreza Djalali est un universitaire. Il n’a pas de connexion directe avec le régime iranien », précise Firouzeh Nahavandi.
Quelles autres solutions envisager pour stopper la longue détention d’Ahmadreza Djalali ? Nos deux experts se rejoignent. « L’Union européenne doit prendre des mesures collectives pour contrer la diplomatie des otages de l’Iran, conseille la spécialiste de l’Iran. Actuellement, j’ai l’impression que les Etats-membres se la jouent perso ». De son côté, Philippe Hensmans continuera la lutte avec Amnesty International. « Si la Belgique et l’Europe ne font rien, le chantage des otages est amené à se renouveler. Au-delà des questions de détention, il faut se poser la question de l’impunité des services iraniens sur nos territoires. Libérer des personnes dangereuses comme Assadollah Assadi n’est pas une solution viable ». Le directeur de l’ONG qui lutte pour les droits humains rappelle « qu’il y a encore d’autres Olivier Vandecasteele en Iran, dont on ne connait pas la situation ».
Si les chiffres varient car les informations disponibles sont incomplètes, il y aurait entre 15 à 25 ressortissants européens encore détenus dans les cachots iraniens.
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