France: la gauche tient son choix pour Matignon, mais avec qui gouverner? «Le NFP aura besoin de soutien pour mettre en place son programme»
Plus de deux semaines après les législatives, la France n’a toujours pas de gouvernement de plein exercice. Alors que le Nouveau Front Populaire s’est – enfin – mis d’accord sur un nom pour Matignon, le président Macron joue la montre jusqu’à la fin des JO.
A vos marques, prêts… patientez! Alors que le coup d’envoi des Jeux olympiques approche à grands pas, la France est toujours sans gouvernement de plein exercice. Le pays connaît une situation politique confuse depuis le second tour des législatives anticipées. Le résultat, marqué par un score historique du Rassemblement national et par une Assemblée nationale divisée en trois blocs, n’a pas permis de dégager de majorité claire. En attendant, l’actuel Premier ministre Gabriel Attal reste à la tête d’un gouvernement d’affaires courantes avec un rôle politique limité. Le scénario peine à se décanter et les citoyens se lassent.
Enfin une Première ministre… ou pas
Pourtant, il faudra (encore) attendre. Emmanuel Macron, très en retrait depuis le scrutin, a été limpide lors de son entretien sur France TV: surfant sur la vague des JO, il ne nommera pas de nouveau gouvernement d’ici mi-août. «Une bonne occasion pour lui de gagner du temps», admet Simon Persico, professeur de sciences politiques à Sciences Po Grenoble.
Selon le président français, il lui incombe de nommer un Premier ministre et de lui confier la formation d’un gouvernement, avec «un rassemblement le plus large qui lui permette d’agir et d’avoir la stabilité.» Le hic? Le Nouveau Front Populaire, arrivé en première position lors du second tour, venait de proposer une Première ministre. C’est finalement le nom de Lucie Castets, haute fonctionnaire de la ville de Paris et relativement inconnue du grand public, qui a fait consensus à gauche. Une personnalité engagée dans les luttes associatives pour la défense et la promotion des services publics.
Une proposition balayée d’emblée par le chef de l’Etat. Furieux, le leader de La France insoumise (LFI) Jean-Luc Mélenchon a accusé le président de vouloir «imposer de force son front républicain», assurant qu’il n’était pas question de s’allier avec lui. Un «détournement coupable», a de son côté critiqué le chef du Parti socialiste (PS) Olivier Faure.
La gauche à la recherche d’une figure de proue
Il faut dire que le nom s’est fait attendre. Les quatre partis qui constituent le NFP ont peiné à se mettre d’accord. «Le problème, c’est qu’ils ont dû s’organiser très vite, analyse Simon Persico. Les élections européennes ont divisé la gauche, avec une campagne violente et fratricide.» Après la dissolution de l’Assemblée nationale, les forces de gauche ont dû s’allier et se rejoindre sur des enjeux importants. «Il fallait se mettre d’accord sur le programme, qu’ils ont réussi à rédiger de manière assez rapide, mais aussi sur les députés: quelle circonscription, quel candidat, quel parti? Une question importante n’a cependant pas été tranchée: celle du leadership, pointe-t-il. C’est normal, car il y a un côté très symbolique à prendre un chef quand il y a quatre partis. C’était déjà un enjeu conflictuel pendant la campagne.»
A l’issue du second tour des législatives, le bloc politique NFP est arrivé en tête. «Comme en Belgique, c’est celui qui a la plus grande dynamique qui est censé construire le gouvernement, ou en tout cas en être formateur. Et là, il fallait quelqu’un, une figure de proue. Cela a créé des tensions.» Il juge cependant que deux semaines pour accorder ses violons, ce n’est «pas non plus complètement hallucinant. Mais cela montre qu’ils n’étaient pas vraiment préparés et très divisés.»
Les JO en France, le temps de négocier en toute discrétion
Cette séquence démontre la difficulté de faire équipe, même dans un collectif a priori relativement homogène d’un point de vue idéologique et politique. «Pour constituer un gouvernement, il faudra convaincre d’autres blocs. Cela pourrait ne pas être une coalition gouvernementale, mais au moins un accord pour ne pas les faire tomber avec des motions de censure. Une forme de soutien sans participation, par exemple.»
Un défi qui tient plus du marathon que du sprint, car la négociation prendra du temps. Simon Persico recommande qu’elle ait lieu le plus discrètement possible. «Ces derniers temps, beaucoup de choses se sont passées via médias interposés, avec beaucoup de visibilité, remarque-t-il. Cela entrave les éventuels compromis. Et devant les citoyens, cela donne une image de magouille, ce qui n’est pas forcément le cas.» La trêve politique des JO donne donc un peu d’air pour discuter à l’abri des regards.
France: un gouvernement pour la rentrée?
Gabriel Attal pourrait néanmoins être amené à passer le relais à la fin de cet été. «Je pense que c’est l’objectif», estime Simon Persico. Selon lui, la Première ministre désignée par le NFP aura, en attendant, fort à faire pour convaincre. Cette dernière a déjà déploré «l’inconséquence» et le «déni de démocratie» d’Emmanuel Macron, et lui demande de prendre ses responsabilités et de la nommer sans attendre. Elle a par ailleurs jugé impossible une coalition avec le camp présidentiel en raison de désaccords profonds. Parmi ses grandes priorités se trouve notamment l’abrogation de la très impopulaire réforme des retraites.
Difficile pour l’instant de dessiner d’éventuelles alliances. Or, sans majorité absolue à l’Assemblée nationale, le NFP va devoir trouver des coéquipiers. «L’essentiel de leur énergie a été dépensé à négocier entre eux. Ils n’ont donc pas encore discuté avec les autres formations.» Maintenant que leur choix pour Matignon est fait, ils vont pouvoir s’y mettre, estime-t-il. Mais la partie est loin d’être gagnée. «Lors des votes à l’Assemblée nationale, pour la présidence, les membres du bureau et les membres des commissions, cela a été compliqué. Pour l’instant, il y a une instabilité très forte au Parlement. Le NFP ne peut, en l’état, pas gouverner et mettre en place son programme. Il leur faudra, a minima, un soutien extérieur.»
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