La fin de la partie a-t-elle sonné pour Donald Trump ?
La Cour suprême examine la légalité des décisions du Colorado et du Maine d’empêcher Donald Trump de concourir aux primaires. Dernier espoir démocrate?
Le camp démocrate au pouvoir à Washington fait mine de ne pas s’en affliger mais rien n’y fait: les sondages d’opinion de ces dernières semaines sont sans équivoque. Dans la majorité des Etats pivots, les fameux «swing states», réputés incertains et pouvant faire pencher la balance d’un côté ou de l’autre, l’ancien président Donald Trump conforte son avance sur son rival Joe Biden. Seuls deux Etats sur huit contredisent cette tendance. Plus inquiétant encore pour les stratèges démocrates, le ralliement historiquement ultramajoritaire de trois segments significatifs de l’électorat à la cause progressiste tend à s’éroder: les diplômés de moins de 35 ans, l’électorat afro-américain et les hispaniques. En ce qui concerne le second, autrefois capté à quelque 90% par la gauche, le taux d’adhésion n’est plus que de 70%. Le discours de Donald Trump semble de plus en plus séduire les Afro-Américains.
L’arbitrage de la Cour suprême
Ces bases étant posées, la question qui interroge tout un pays concerne désormais la possibilité qu’aura, ou non, Donald Trump de pouvoir se présenter au scrutin des primaires organisé par le camp républicain, puis, dans un second temps, à l’élection générale prévue au début de novembre prochain. Les primaires commencent dans l’Etat de l’Iowa (Midwest) le 15 janvier, avant de prendre leur envol lors du Super Tuesday du 5 mars prochain lors duquel près d’un tiers des délégués à l’échelle nationale seront choisis, les jeux étant alors presque faits.
Il paraît peu probable que quiconque dans le camp conservateur puisse empêcher Donald Trump de défendre les couleurs de son parti en novembre prochain. Sauf la justice. Le milliardaire, acculé par les tribunaux sur quatre fronts distincts, a eu, mi-décembre, la désagréable surprise de voir la Cour suprême du Colorado – un Etat dominé par les démocrates – décider de le disqualifier pour les primaires de son parti. Plus tard, le Maine, petit Etat du nord-est du pays, également de tendance progressiste, a pris la même décision. Par la suite, trois Etats, dont un swing state, le Michigan, se sont déclarés opposés à des mesures anti-Trump. Mais les décisions prises dans le Colorado et le Maine pourraient faire boule de neige.
Le discours de Donald Trump semble de plus en plus séduire les Afro-Américains.
Un premier élément de réponse sera donné le 8 février par la Cour suprême des Etats-Unis, saisie du cas du Colorado par les avocats de l’ancien président. L’issue en est extrêmement incertaine: les meilleurs juristes que comptent les Etats-Unis sont divisés sur la question, et admettent volontiers que le cas relève d’une zone grise constitutionnelle. En l’espèce, la section 3 du quatorzième amendement, adopté en 1868 à l’issue de la guerre civile américaine, prévoit d’empêcher que se présentent à des responsabilités politiques des candidats ayant participé à une insurrection ou à une rébellion contre les institutions démocratiques américaines. Les arguments déployés par les avocats du milliardaire consistent sans surprise à l’exonérer de telles charges.
Les républicains se sont en tout cas réjouis de voir Jack Smith, procureur spécial en charge du procès contre les individus ayant fomenté l’invasion du Capitole, se rallier à leurs vues, ce dernier ayant décidé d’attaquer Trump sur la base d’autres motifs légaux quant à son rôle dans cette journée noire pour la démocratie américaine. Si d’aucuns espèrent en revanche voir la Cour suprême, dont trois des juges ont été nommés par Trump, défendre par devoir partisan les intérêts républicains, leurs espoirs risquent d’être douchés: l’institution s’est en effet montrée depuis le départ de l’ancien président d’une rigoureuse impartialité dans les dossiers qui le concernaient.
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La posture favorite de Donald Trump
Il reste en revanche une carte de poids dans la manche du camp trumpiste: celle d’invoquer la nullité d’une décision «type Colorado», en soutenant que les primaires, organisées par les partis eux-mêmes, ne sont pas régies par des lois électorales bipartisanes. Un tel angle d’attaque, s’il devait faire mouche, aurait des conséquences symboliques majeures. Donald Trump, en remportant largement les primaires de son parti, ferait face à d’éventuelles interdictions de se présenter aux élections générales dans sa posture favorite: celle de victime d’un système politico-légal et médiatique tout entier organisé contre lui. C’est là un point sur lequel l’électorat républicain dans sa grande majorité insiste: plus de 70% des électeurs conservateurs estiment, au regard des événements du 6 janvier 2021, qu’il est «temps de passer à autre chose».
Devrait-il accéder à nouveau aux responsabilités suprêmes en janvier 2025, Donald Trump a en tout cas prévu de ne pas faire une entrée à la Maison-Blanche aussi improvisée et perturbée qu’en 2017. Et un mot, cinglant, a-t-il prévenu, constituera, son credo: retribution (vengeance), contre le camp démocrate. Le camp trumpiste, bien aidé par diverses organisations ultraconservatrices, entend remettre un ordre particulier dans les institutions: remplacer toute une série de fonctionnaires, procéder à une refonte du département de la Justice, et lancer des procès tous azimuts contre le camp démocrate, notamment contre le fils Biden, accusé de prise illégale d’intérêts à l’époque où il conseillait une société privée d’énergie ukrainienne. L’Ukraine, justement, sera aussi concernée au premier plan par un éventuel retour de Trump à la Maison-Blanche, dans un sens contraire aux intérêts de Kiev, notamment sur la question de l’aide militaire mais pas seulement. L’ancien président a promis de régler lui-même la guerre en cours, ce qui équivaudrait sans aucun doute à acter une perte de territoires pour l’Ukraine.
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