Carte blanche
La fessée, c’est pour Greta ou pour le climat ?
Depuis l’ascension fulgurante de Greta Thunberg et le succès des » marches climat « , certaines critiques ont émergé. Si les prises de parole des jeunes mobilisés peuvent et doivent être critiquées – comme toute pensée, a fortiori politique – la forme et l’objet d’un nombre croissant de critiques se révèlent irrationnels.
Lors de la venue de G. Thunberg à l’Assemblée nationale française, certains députés ont boycotté et critiqué, au risque de montrer une certaine malhonnêteté voire un déni profond. En voici quelques exemples : les jeunes seraient incohérents, des « gosses » et ils prôneraient une « pensée unique » …
L’argument de la « cohérence »
Un des arguments utilisés pour dénigrer l’action des marches pour le climat est celui de l’incohérence : « ces jeunes manifestent avec leurs iPhone et partent en vacances en avion ». Impossible à vérifier, mais admettons que ce soit vrai. Cet argument est étonnant, car nous sommes tous composés d’incohérences, et celles-ci sont présentes tout au long de nos vies. Faut-il ne jamais avoir fumé dans sa vie pour dire que fumer tue ? Faut-il ne jamais rouler en voiture pour inciter son collègue à venir au travail à vélo ? Faut-il vivre sans smartphone pour sensibiliser sa génération au réchauffement climatique ? L’idéal et l’idée que je défends peut être vraie, optimale, nos comportements humains ne le seront pas toujours pour autant.
Est-ce que l’idéal n’est du coup plus désirable ? La perfection étant inatteignable, ne doit-on plus s’améliorer ? Si la moindre incohérence discrédite l’ensemble du travail, alors aucun progrès n’est possible. Cette critique pose une autre question : si les incohérents sont disqualifiés, quelle est la solution pour lutter contre le dérèglement climatique ? S’il faut attendre d’être parfait pour agir, on risque d’attendre longtemps : améliorons-nous collectivement ! Pour notre avenir, nous avons deux choix, faire de son mieux ou ne rien faire.
L’argument de la jeunesse
Dans la même lignée, et avec tout aussi peu d’originalité, vient l’argument de la jeunesse, et ce malgré l’aspect intergénérationnel des marches, savamment occulté. « Le temps ne fait rien à l’affaire, quand on est con, on est con » disait Brassens. On ne peut pas lui donner tort. Ici aussi, l’argument consiste simplement à discréditer la personne qui parle et non le message. Pourtant, si je dis que le ciel est bleu, cela reste vrai, peu importe l’âge auquel je le dis. Les faits scientifiques tangibles sur le réchauffement sont là.
Une variante est de dire que ces jeunes écervelés n’ont aucune légitimité pour parler de ce sujet. De nouveau, cela mène à une impasse : cela reviendrait à dire qu’on ne peut qu’écouter que les experts – ce que demandent finalement les jeunes des marches. Le résultat sera d’ailleurs le même si on écoute ces experts : il faut agir ! Au-delà de ça, réussir à rassembler autant de jeunes dans autant de pays différents et faire de l’environnement le sujet principal des derniers mois, cela confère en soi de la légitimité.
L’argument du « politiquement correct », du « totalitarisme » et de la « pensée unique »
Un dernier argument vu et revu est celui du politiquement correct. Par exemple, un député RN se demandait s’il sortait du politiquement correct en refusant de se prosterner devant « cette enfant de 16 ans ». Eh bien non. Politiquement correct, totalitarisme de la pensée, pensée unique… Tous ces mots cherchent à montrer qu’une opinion discordante n’est pas possible dans notre espace public. Or, non seulement toutes ces personnes expriment librement leur point de vue, mais elles ont même l’occasion de débattre au sein d’hémicycles, de conférences, via des cartes blanches… Si l’argument de la censure ne tient pas la route, il est clair que ces propos restent regrettables moralement. Non pas parce qu’ils expriment une opinion contraire, mais parce qu’ils sont souvent outranciers, réducteurs, ciblés sur la personne, insultants et même parfois menaçants. Une variante de cette critique est de voir en G. Thunberg, A. Charlier ou encore A. De Wever, des « gourous apocalyptiques » à la tête d’une secte. Au-delà de l’absurdité de l’argument, si une secte vous dit de vous engager pour votre futur, d’être critiques et de chercher les faits scientifiques, nous pensons que ce n’est pas le principal danger moderne.
Pour conclure, si les détracteurs des jeunes leaders des marches climats veulent être constructifs et pertinents, ils doivent viser les arguments, pas les personnes. En ciblant les porte-paroles, ils évitent la vraie question : la température moyenne globale augmente, les océans se réchauffent et la banquise fond[1], face à ces faits scientifiques, que fait-on ?
Christophe De Beukelaer – Président des Jeunes cdH et député régional bruxellois
Mathieu de la Croix – attaché politique des Jeunes cdH
[1] Pour les chiffres précis, voir https://www.climate.gov/maps-data (exprimé en 10^22 joule pour les océans).
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