Assdola Assadi (à droite), reçu par le président Raïssi à son retour en Iran, l’an dernier. © AFP

La capture d’Olivier Vandecasteele a-t-elle été organisée par l’Iran “juste” pour récupérer un prisonnier ? L’interview qui le laisse penser

Clément Boileau
Clément Boileau Journaliste

L’essentiel

• Le « diplomate » condamné à 20 ans de prison en Belgique pour terrorisme, Assadolah Assadi, a été libéré l’an passé suite à un échange diplomatique avec Olivier Vandecasteele.
• Assadolah Assadi a récemment donné une interview à la télévision iranienne. Il y explique comment le gouvernement iranien a ordonné la recherche d’espions.
• Les documents internes au régime captés par des pirates informatiques de l’opposition en exil laissent penser que la capture du Belge avait été imaginée dès l’origine pour servir de monnaie d’échange.
• Une dizaine d’Occidentaux sont actuellement toujours retenus en Iran.

Le «diplomate», condamné à 20 ans de prison en Belgique pour terrorisme, libéré l’an passé suite à un échange diplomatique, est intervenu sur la chaîne des gardiens de la révolution. Au milieu de certaines contre-vérités, Assadi révèle malgré lui comment l’Iran a planifié la capture de l’humanitaire belge.

Bienvenue sur Fars TV, l’antenne de l’agence de presse du Corps des gardiens de la révolution islamique, l’organisation paramilitaire qui soutient ardemment le régime iranien. Avec, ce 2 août dernier, un invité de marque: un certain Assadolah Assadi, «diplomate» condamné en Belgique à vingt ans de prison pour terrorisme (le régime avait visé un meeting de l’opposition en exil à Villepinte, en France, en 2018) ; ce dernier est depuis revenu au bercail après avoir bénéficié d’un échange avec un ressortissant belge, l’humanitaire Olivier Vandecasteele, capturé en février 2022 et emprisonné pendant 455 jours. Avant sa libération, celui-ci avait été jugé de façon expéditive pour espionnage pour le compte d’agents étrangers (les États-Unis, assurait l’Iran) et trafic de devise, puis condamné à 40 ans de prison et 74 coups de fouet.

Libérer Assadi: une priorité du régime

Côté belge, l’affaire a connu plusieurs rebondissements: d’abord encadré par un traité controversé entre les deux pays, l’échange s’est finalement appuyé sur un tour de passe-passe juridique, qui a permis non seulement la libération d’Olivier Vandecasteele mais aussi d’autres Occidentaux retenus dans les geôles iraniennes. Côté iranien, la récupération d’Assadolah Assadi, détenteur d’informations cruciales sur la politique menée par le régime au-delà de ses frontières – et notamment, dans ses ambassades -, était une priorité.

Le gouvernement du docteur Raïssi, a ordonné de chercher des espions en Iran.

Assadolah Assadi, auprès de Fars TV, ce 2 août.

Interrogé par l’agence des gardiens de la révolution, Assadolah Assadi – par ailleurs inscrit sur la liste européenne des personnes, groupes et entités impliqués dans des actes de terrorisme – répercute allègrement la propagande du régime, lequel a toujours nié les faits de terrorisme imputés à Assadi . Mais, ce faisant, l’homme décrit sans le vouloir le modus operandi qui a permis sa libération – ce que l’on appelle communément la «diplomatie des otages» à l’iranienne.

«Pour résumer, comment se passe la libération de quelqu’un qu’on appelle ‘terroriste’ et qui est condamné par un tribunal à 20 ans de prison là-bas (NDLR, en Belgique)?», demande le présentateur de Fars TV assis face à Assadolah Assadi, qui répond ceci: «Le gouvernement du docteur Raïssi (NDLR: le président iranien, décédé dans un crash d’hélicoptère le 19 mai dernier), a ordonné de chercher des espions en Iran, et ils ont trouvé cet espion belge (NDLR: Olivier Vandecasteele), qui a été arrêté par le MOIS (les renseignements iraniens, NDLR), ce qui a mis [mon] affaire sur la bonne voie. II se faisait passer pour un travailleur humanitaire», poursuit-il, alors que des photos du Belge défilent à l’écran. «Il semble qu’il avait un lien de famille avec le Premier ministre belge (NDLR: jamais établi)». «Cela (NDLR: la capture de Vandecasteele) a poussé les autorités belges à revenir à la table des négociations et à demander un échange», assure enfin Assadi, avant que des images de son retour au pays, voilà un an, ne soient diffusées.

Vandecasteele, toujours au centre des négociations

Évidemment, l’Iran n’a jamais pu prouver qu’Olivier Vandecasteele était un espion, Belge ou Américain. Mais surtout, une série de documents internes au régime, captés par des pirates informatiques de l’opposition en exil et consultés par Le Vif, laissaient déjà penser que la capture du Belge avait été imaginée dès l’origine pour servir de monnaie d’échange. Courant mars 2023, un document préparatoire iranien en vue d’une négociation secrète entre l’Iran et plusieurs pays occidentaux mentionnait explicitement le retour d’Assadi contre celui de Vandecasteele. Quelques jours plus tôt, le 30 avril, un haut représentant des affaires diplomatiques iraniennes annonçait au chef des prisons du régime le «transfèrement» d’un «dénommé Vandecasteele». Environ un mois auparavant, un autre document révélait que les Belges avaient tenté d’obtenir la libération, en plus de Vandecasteele, d’Ahmadreza Jalali, ressortissant suédo-iranien accusé d’espionnage et condamné à mort depuis. Un round de négociation qui avait précédé une entrevue entre le Premier ministre Alexander de Croo et le président iranien Ebrahim Raïssi. Sans succès, les Iraniens ayant manifestement ciblé spécifiquement Olivier Vandecasteele (citoyen belge) pour l’échanger contre Assadi – c’est d’ailleurs cet argument, celui de la nationalité – belge – de l’otage, qui ressort de l’échange qui a précédé l’entrevue entre De Croo et Raïssi.

«C’est une preuve que l’arrestation d’Olivier Vandecasteele ne fut réalisée que pour l’utiliser comme monnaie d’échange dans le cadre d’une prise d’otage devenue depuis longtemps politique officielle du régime des mollahs, et cela ne peut qu’ouvrir la voie aux autres chantages similaire vis-à-vis des ressortissants étrangers» déclare pour sa part Aladdin Touran, membre de la commission des affaires étrangères du CNRI (NDLR: représentant une partie de l’opposition en exil, visée par la tentative d’attentat à Villepinte). Une dizaine d’Occidentaux sont actuellement toujours retenus en Iran.

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