La Belgique renverra-t-elle bientôt les demandeurs d’asile déboutés en Afghanistan?
Après une pause de plusieurs mois, le Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides (CGRA) envisage de prendre à nouveau des décisions sur la protection subsidiaire des Afghans qui sont venus dans notre pays. » Depuis le changement de pouvoir, le risque de violence aléatoire a manifestement diminué « , déclare le commissaire général Dirk Van den Bulck à notre confrère de Knack.
A la surprise générale, après le retrait des États-Unis en août 2021, les talibans ont pris le pouvoir en Afghanistan à la vitesse de l’éclair. Dans la capitale Kaboul, il y a eu une évacuation à grande échelle. La Belgique s’est concentrée sur les Belges et leurs familles, les profils vulnérables tels que les militants des droits de l’homme et les Afghans qui avaient aidé les troupes belges sur place.
La situation tendue et les actions d’évacuation ont provoqué une augmentation du nombre de demandes d’asile. En août, 948 ressortissants afghans ont déposé une demande dans notre pays, soit un peu plus qu’au cours des mois précédents. Il ne s’agit pas d’un phénomène purement belge : depuis le mois d’août, les Afghans constituent le plus grand groupe de personnes qui présentent une demande d’asile dans l’Union européenne.
Suspension
Malgré la prise de pouvoir en Afghanistan, le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides (CGRA) tente depuis quelques mois de déterminer si les demandeurs afghans ont droit au statut de réfugié. Ce statut est accordé à une personne qui risque une persécution personnelle dans son pays d’origine pour diverses raisons, telles que la croyance religieuse ou l’affiliation politique. Normalement, une décision négative sur le statut de réfugié ne signifie pas automatiquement la fin de la procédure d’asile.
En général, le CGRA examine également si une personne a quitté son pays en raison d’une situation de guerre plus générale ou d’un risque de préjudice grave. Lorsque le CGRA considère que c’est le cas, il accorde au demandeur le statut de protection subsidiaire. Cependant, en raison de la situation incertaine et volatile, la CGRA n’a pris aucune décision à ce sujet depuis la mi-août.
Cette suspension prendra bientôt fin. Début février, le CGRA souhaite prendre de nouvelles décisions sur la protection subsidiaire des Afghans. Et il y a de bonnes raisons à cela, déclare Dirk Van den Bulck. « Depuis le changement de pouvoir dans le pays, le risque de violence aléatoire a manifestement diminué par rapport à la période précédente ». Des rapports récents des Nations Unies et de l’Agence européenne pour l’asile, auxquels le CGRS a collaboré, partagent cette analyse. L’Allemagne et la France ont précédé notre pays.
Le taux de reconnaissance des Afghans étant en moyenne très élevé, la majorité d’entre eux recevront probablement une réponse positive. « Mais ce ne sera pas le cas pour tout le monde », déclare Van den Bulck. « Il est possible que les Afghans qui ont été évacués vers la Belgique au cours des derniers mois ne bénéficient pas de la protection internationale. »
Retour
La question est de savoir si le CGRA ira aussi loin. Depuis la prise du pouvoir par les talibans, la situation humanitaire s’est considérablement détériorée. Les investissements étrangers ont disparu, l’inflation est très élevée et l’économie est au bord de l’effondrement. La sécheresse et le manque d’aide d’urgence menacent de provoquer des pénuries alimentaires. Les Nations unies, qui estiment que 98 % des Afghans n’ont pas assez à manger, demandent 4,5 milliards d’euros pour rendre la situation gérable.
Van den Bulck dit qu’il est bien conscient de la situation. « La question est maintenant de savoir si la situation humanitaire est telle que le statut de protection subsidiaire doit être accordé à tous, à certains groupes ou catégories de personnes ou à personne. J’ai l’intention de prendre bientôt une décision à ce sujet ».
En tout état de cause, toute personne qui ne se verrait accorder ni le statut de réfugié, ni la protection subsidiaire n’a pas non plus de droit de séjour en Belgique. Si la personne en question n’est pas enregistrée dans un autre État membre de l’UE ou si elle ne bénéficie pas déjà d’une protection internationale, elle doit retourner en Afghanistan. Elle peut le faire sur base volontaire (avec ou sans le soutien de Fedasil) ou par un rapatriement forcé via l’Office des Étrangers.
Et c’est là que le bât blesse. Depuis l’arrivée au pouvoir des talibans, la Belgique n’a plus de relations diplomatiques avec l’Afghanistan. Le retour forcé, qui avait lieu avant le changement de pouvoir, est donc très difficile.
Le cabinet du Secrétaire d’État à l’Asile et à la Migration Sammy Mahdi (CD&V) ne veut pas préjuger de la forme que pourrait prendre un éventuel retour, préférant attendre la décision de Van den Bulck. En outre, Mahdi se tourne vers le niveau européen pour négocier avec les talibans
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