Pierre Hazette
L’ interpellante histoire des chiffons de papier
2018 : cent ans que la Première Guerre Mondiale a pris fin. Pour nous Belges, elle avait commencé le 4 juillet 1914, le jour où le Chancelier allemand, Bethmann-Hollweg , avait déclaré que le Traité, garantissant la neutralité de la Belgique, signé par les puissances européennes , en ce compris son pays, n’était qu’un chiffon de papier.
2038 : rentrant de Munich, où ils avaient trahi leur engagement de défendre la Tchécoslovaquie, le Premier Ministre français, Edouard Daladier, et son homologue britannique, Lord Chamberlain, furent accueillis avec des vivats.
Le Premier français, sortant de l’avion sous les applaudissements, aurait marmonné : « Les cons ! » et Churchill aurait commenté l’accord dans une formule dont il avait le secret : « Ils avaient le choix entre le déshonneur et la guerre. Ils ont choisi le déshonneur et ils auront la guerre.. »
C’était le 9 septembre 1938.
Encore un anniversaire dont il conviendrait, peut-être de tirer les leçons.
C’est que des chiffons de papier, il en traîne quelques-uns dans le sillage de Trump.
Les Etats-Unis ont signé l’accord international, connu sous l’appellation de COP 21. Le dérèglement climatique en révèle la pertinence, mais Trump en a fait un chiffon de papier.
Le traité sur la dénucléarisation de l’Iran a mis des mois à sortir des chancelleries. Il a fait l’objet d’un engagement international. Trump n’en a cure. Les intérêts américains sont en Israël ou en Arabie saoudite. Voilà de quoi faire un autre et inquiétant chiffon de papier.
On peut citer d’autres exemples : la dernière réunion du G7 se termine sur une déclaration commune à laquelle le Président américain adhère, avant de tweeter son désaccord, à peine installé dans Air Force One.
Quelques jours plus tard, en Finlande, il humilie la Justice de son pays et ses propres services de renseignements pour sceller son entente avec Vladimir Poutine. Il lui suffira de prétendre, dès son retour au pays, qu’il a oublié une négation dans sa phrase.
Il n’est pas sage de s’amuser de la versatilité de Donald Trump, non pas qu’elle manque de vis comica, mais parce qu’elle révèle des intentions maintes fois répétées.
N’a-t-il pas applaudi le Brexit ?
N’a-t-il pas affirmé que l’Union européenne était l’ennemie des USA ?
Oui, sans doute, mais il a fait bon accueil à la délégation de la Commission européenne. Il a même donné l’accolade à son Président Jean-Claude Juncker, le Dr Big Bisou de la diplomatie européenne.
Le Ministre français de l’économie a peut-être pensé à la réflexion de Daladier au retour de Munich , mais Il a exprimé son scepticisme en termes plus académiques. Rendons-lui cette justice.
Le scepticisme, voire le pessimisme du Ministre le Maire me paraît justifié.
Que peuvent partager, derrière leur poignée de mains, Trump et Poutine ? Qu’ont-ils pu manigancer pour torpiller la candidature de la candidate démocrate, Hillary Clinton ?
Une réponse s’impose : le démantèlement de l’Union européenne.
Une date se profile : le scrutin européen de mai 2019.
Les démocrates- chrétiens, les sociaux-démocrates, les libéraux et, peut-être, les écologistes devront aligner des arguments convaincants pour s’assurer une majorité au Parlement, car en face d’eux, les souverainistes, les populistes, les démagogues, les eurosceptiques, les illibéraux, les antieuropéens, la droite dure et l’extrême droite, l’extrême gauche, aussi, pourront puiser à pleines mains dans les valises de dollars et commenter les fake news que les hackers de Moscou déverseront sur l’opinion publique européenne.
La partie risque d’être serrée car les Américains comme les Russes auront beau jeu de fournir à leurs alliés de l’intérieur des exemples de méfaits, réels ou supposés, causés par des migrants ou des immigrés, les revendications provocatrices des islamistes salafistes ou encore les menaces toujours présentes de violences djihadistes.
La Pologne, la Hongrie, la Tchéquie, la Slovaquie, l’Autriche, la Bavière, la Croatie, la Slovénie, l’Italie, la Grèce et qui sait, après quelques milliers de migrants en plus, l’Espagne, pourraient libérer des masses électorales abusées par les propos simplistes des apprentis-corciers à l’oeuvre partout en Europe. Ce serait le deuxième tour gagnant de Le Pen !.
L’annonce de l’installation prochaine à Bruxelles de Steve Bannon révèle le metteur en scène, le régisseur et le pourvoyeur de fonds de la tragédie qui s’annonce.
Steve Bannon, qui fut l’inspirateur de Trump pendant la campagne électorale et les premiers mois de la Présidence, est un homme qu’Ivanka Trump présente comme le conseiller qui fait sortir de son père tout ce qui s’y trouve de mauvais. Son témoignage dans « Fire and fury » mérite un peu d’attention.
Bannon, c’est l’extrême droite dans tout ce qu’elle recèle de plus odieux.
Bannon est dans nos murs.
Aux urnes, citoyens d’Europe.
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