.

Joe Biden voit très grand et joue son va-tout, profitant d’une (fragile) majorité au Congrès

Le Vif

Des projets d’investissements colossaux pour créer des « millions d’emplois » juste après un plan titanesque de relance économique: président depuis moins de trois mois, Joe Biden voit grand, très grand, car il sait que son étroite fenêtre d’action risque de se refermer dès 2022.

« Je pense qu’il sait qu’il laissera sa marque dans l’histoire au cours des deux prochaines années, sa marque de président, alors il y va fort », estimait cette semaine David Axelrod, ancien conseiller de Barack Obama.

Le président démocrate a gagné, en plus de son élection, le « joker » d’un Congrès dominé par son parti. Mais ses majorités sont fragiles. Et à la Maison Blanche comme chez les parlementaires, on se souvient trop bien des précédents présidents qui ont perdu, dès les élections parlementaires des « midterms », deux ans après leur investiture, le contrôle du Congrès: Donald Trump en 2018, Barack Obama en 2010, George W. Bush en 2006 ou encore Bill Clinton en 1994.

Face à ce risque, deux stratégies s’offrent aux locataires de la Maison Blanche: gouverner plus au centre, en cherchant le consensus afin de protéger leur majorité. Ou tout miser sur leurs débuts pour faire adopter leurs grandes réformes, quitte à perdre le Congrès.

Avant les « midterms » de novembre 2022, Joe Biden affiche clairement son choix: il veux aller vite pour tenter de transformer l’Amérique en profondeur. Le temps presse d’autant plus que, même s’il affirme compter se représenter en 2024, la possibilité que le plus vieux président de l’histoire des Etats-Unis, âgé de 78 ans, soit de nouveau candidat dans quatre ans est « plutôt mince », soulignait mardi David Axelrod dans son podcast « Hacks on Tap ».

Farouche opposition

« C’est ambitieux! C’est audacieux! Et nous pouvons le faire! », a lancé Joe Biden, en présentant mercredi son projet d’investir quelque 2.000 milliards de dollars sur huit ans dans les infrastructures, pour créer des « millions d’emplois », lutter contre le changement climatique et tenir tête à la Chine.

A peine trois semaines plus tôt, il avait signé son gigantesque plan de soutien à la première économie mondiale. Avec, déjà, un montant époustouflant de 1.900 milliards de dollars.

Soit, pour les deux plans, une enveloppe totale potentiellement plus élevée que le PIB de l’Allemagne.

Grand connaisseur des rouages du Congrès, où il a passé plus de 35 ans comme sénateur, Joe Biden aime à se présenter comme un partisan des négociations, de la main tendue à l’autre camp. Mais la Maison Blanche a prévenu: il n’hésitera pas à avancer sans les républicains si aucun accord ne se profile.

Or les premières réactions à son projet d’infrastructures laissent présager une farouche opposition: « Je vais le combattre à chaque étape », a tonné jeudi le chef de la minorité républicaine au Sénat, l’influent Mitch McConnell.

« L’art du possible »

Dès lors, comment Joe Biden compte-t-il avancer? « Réussir en politique passe par l’art du possible »: le vieux routier de la politique avait affiché son pragmatisme, lors de sa première conférence de presse, le 25 mars.

Mais la tâche sera ardue au Congrès.

A la Chambre des représentants, il ne peut s’offrir qu’une petite poignée de défections. Sa présidente Nancy Pelosi, habile stratège, s’est néanmoins montrée confiante de pouvoir faire adopter le plan d’infrastructures au début de l’été.

Au Sénat en revanche, l’horizon apparaît plus compliqué, puisque les démocrates n’ont qu’un avantage infime, et devront donc impérativement voter en bloc. Or des tiraillements entre centristes et progressistes ne manqueront pas d’émerger sur un projet d’une telle ampleur.

Échapper au revers des « midterms »?

Les tractations internes vont ainsi occuper les démocrates pendant ces prochains mois. Avec en tête la crainte de perdre leur contrôle du Congrès en novembre 2022.

La reprise de l’économie et une possible sortie de la pandémie pourraient toutefois leur permettre d’éviter le camouflet traditionnel des « midterms ».

« La plus grande exception à cette tendance furent les midterms de 2002 », note Miles Coleman, politologue à l’université de Virginie, lorsque dans une Amérique traumatisée par les attentats du 11-Septembre, les républicains, sous George W. Bush, avaient même gagné des sièges.

« Biden et les démocrates pourraient-ils éviter la pénalité habituelle des midterms? Oui », juge-t-il, en ajoutant toutefois une mise en garde: « Devraient-ils compter là-dessus? Sans doute pas. D’autant que leurs majorités sont très étroites. »

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire