Joseph Ndwaniye
Je n’ai pas bien compris pourquoi ils se font la guerre
Hier, c’est maman qui est venue me chercher à l’école. Et comme d’hab, elle ne voulait pas de musique. «Il est 18 heures. Tu sais que c’est le moment des nouvelles! C’est important de se tenir au courant de ce qui se passe dans le monde. Et puis, après une journée de travail, j’ai besoin de calme.» Du calme… tu parles. La guerre par-ci, la guerre par-là! C’est ça, le calme! Mais bon, j’ai rien dit. Quand un adulte a décidé, nous les enfants, nous sommes bien obligés d’écouter. Et quand nous sommes arrivés à la maison, papa écoutait aussi un journal, mais à la télé, cette fois. Et quelles étaient les nouvelles? La guerre, encore la guerre, toujours la guerre… et en images, ce n’était pas beau à voir. Papa dit qu’elle n’est pas nouvelle celle-ci. Il dit que c’est même l’une des plus anciennes, entre Israël et la Palestine. De nouveau la guerre et les morts…
Faire la paix exige une compréhension mutuelle. Cela s’appelle la fraternité.
A l’école, on a parlé de la guerre entre la Russie et l’Ukraine, aussi, avec plein de blessés et de morts. Mais je n’ai pas bien compris pourquoi ils se font la guerre. J’ai alors demandé à maman: «C’est quoi la guerre?» Elle a réfléchi un instant puis m’a dit de demander à papa, qu’il saurait mieux expliquer. Mais lui, il n’a pas été content. «Pourquoi tu n’expliques pas toi-même? C’est à toi qu’il a posé la question!» Et voilà mes parents qui se disputent! «Vous n’allez pas faire la guerre vous aussi!» «Mais non, a répondu papa, la guerre c’est quand les gens se battent avec des armes. En général, c’est entre deux pays qui n’arrivent pas à s’entendre sur un problème important. Des vieilles jalousies, des territoires disputés pour des richesses.» «Pourquoi en ce moment, il y a beaucoup de guerres?» «Des guerres, il y en a toujours eu, mon enfant, malheureusement.» «Elles ne vont pas arriver chez nous?» «Non, c’est loin de la Belgique.» «C’est vrai, maman? Mais la maîtresse a dit que ça pouvait nous arriver si on ne parvient pas à s’entendre. Elle a dit aussi qu’il y a des guerres dont on ne parle pas souvent en Europe, par exemple à l’est du Congo où il y a beaucoup de morts.» «Parce que c’est une guerre entre Congolais, dit maman, c’est loin d’ici.» «Mais non, s’énerve papa, ce sont des mercenaires qui viennent nous attaquer pour piller nos richesses!»
C’est chaque fois pareil, quand on parle du pays où ils sont nés, ils élèvent tout de suite la voix. «Vous êtes comme la Russie et l’Ukraine, comme Israël et la Palestine. Chacun dit qu’il a raison et que l’autre a tort. Je ne comprends pas les adultes, vous dites aux enfants qu’ils doivent s’entendre et vous ne donnez pas l’exemple.» «On n’est pas toujours obligés d’être d’accord, mais ce n’est pas pour cela qu’il faut entrer en guerre», dit papa. Ma mère demande à mon père s’il connaît un seul conflit qui a été réglé par la guerre. Mon père répond que non. Puis ils s’énervent de plus en plus. De toute façon, les guerres n’ont pas la même importance aux yeux du monde occidental. Là, ils sont d’accord. «Pourquoi on parle peu de la guerre de chez nous alors qu’elle a déjà fait des millions de morts?», enchaîne maman. Puis ils se sont calmés. La guerre entraîne des souffrances des deux côtés. «Il y a des gens qui travaillent à construire la paix», répond papa. «Pourquoi, alors, cette solution de paix ne l’emporte-t-elle pas?» «Parce que les gens n’ont plus confiance entre eux. L’être humain est complexe, mon fils. Faire la paix exige une compréhension mutuelle. Cela s’appelle la fraternité.»
Joseph Ndwaniye est infirmier et écrivain.
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