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Japon: la secte Moon et les funérailles nationales controversées d’Abe
L’assassinat en juillet de l’ancien Premier ministre japonais Shinzo Abe – dont les funérailles nationales sont organisées ce mardi – a braqué les projecteurs sur l’Eglise de l’Unification, accusée de pressions financières sur ses membres et de liens controversés avec le parti au pouvoir.
L’assassin présumé d’Abe, Tetsuya Yamagami, en voulait à cette organisation religieuse, surnommée « secte Moon », car sa mère lui aurait fait d’importants dons jusqu’à mener leur famille à la ruine. Le suspect pensait aussi qu’Abe était proche de la secte. Cette affaire rejaillit aussi vivement sur le Parti libéral-démocrate (PLD, droite nationaliste au pouvoir au Japon), au sein duquel Abe, son ancien leader, était resté influent en coulisses.
Qu’est-ce que la « secte Moon »?
La « secte Moon », officiellement appelée « Eglise de l’Unification » ou depuis plus récemment « Fédération des familles pour la paix mondiale et l’unification« , a été créée en 1954 par Sun Myung Moon (1920-2012) en Corée du Sud. Elle se mêle rapidement de politique en adoptant initialement une ligne anticommuniste, pour être bien vue par le régime militaire sud-coréen de l’époque. Moon a aussi côtoyé des chefs d’Etat étrangers, soutenant par exemple Richard Nixon aux Etats-Unis lors du scandale du Watergate. En France, son Eglise a brièvement entretenu des liens avec le Front national dans les années 1980. L’organisation est devenue progressivement un empire économique présent dans de nombreux secteurs, faisant de son fondateur un milliardaire.
Connue pour célébrer des mariages collectifs de masse, l’Eglise est aujourd’hui contrôlée par Hak Ja Han, la veuve et seconde épouse de Moon, avec laquelle il a eu une dizaine d’enfants. En 2012, l’organisation affirmait compter trois millions de fidèles dans le monde, un chiffre exagéré selon des experts.
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Au Japon, où elle était devenue populaire dans les années 1980, la secte a été accusée d’avoir pratiqué des « ventes spirituelles » à des prix exorbitants et d’avoir imposé des objectifs de dons à ses fidèles, ce qui lui a valu de nombreux procès. L’Eglise a nié tout méfait, désavouant l’action de l’assassin présumé d’Abe et promettant des réformes pour empêcher ses fidèles de faire des dons « excessifs ».
Quel rapport avec Abe?
Shinzo Abe n’était ni membre ni conseiller de la secte Moon. Mais il faisait partie des personnalités conviées à des conférences organisées par des entités proches de l’Eglise de l’Unification. Il s’était notamment exprimé en 2021 à l’un de ces colloques, organisé en ligne et auquel l’ex-président Donald Trump avait aussi participé. Après l’assassinat d’Abe le 8 juillet en plein meeting électoral à Nara (ouest du Japon), des révélations sur des liens de proximité entre l’Eglise et des élus japonais, en particulier du PLD, se sont multipliées. Une enquête interne du PLD publiée début septembre a montré que près de la moitié de ses parlementaires avaient des relations avec l’Eglise de l’Unification.
Quelles conséquences pour le pouvoir?
L’actuel Premier ministre japonais, Fumio Kishida, issu comme Shinzo Abe du PLD, s’est retrouvé sur la défensive durant l’été alors que sa cote de popularité chutait. Son parti avait pourtant remporté haut la main des élections sénatoriales deux jours après l’assassinat. M. Kishida a remanié son gouvernement en août et a assuré que tous les élus du PLD allaient rompre leurs relations avec l’Eglise. Mais cela ne l’a pas empêché de continuer à dégringoler dans les sondages. Outre les liens du PLD avec l’Eglise de l’Unification, le choix unilatéral de M. Kishida d’organiser des funérailles nationales pour Abe – un hommage rarissime pour un ancien responsable politique au Japon depuis l’après-guerre et qui va coûter l’équivalent de 12 millions d’euros – cristallise la colère de nombreux Japonais.
Un homme a tenté de s’immoler par le feu mercredi dernier près des bureaux du Premier ministre et des manifestations se sont poursuivies jusqu’aux funérailles. Regrettant que celles-ci n’aient pas fait l’objet d’une discussion parlementaire en amont, plusieurs formations d’opposition, dont la principale d’entre elles, le Parti démocrate constitutionnel (PDC, centre-gauche), ont décidé de les boycotter. Selon les derniers sondages de médias nippons, environ 60% des personnes interrogées s’opposent à cet hommage national.