Iran: que va-t-il advenir d’Elnaz Rekabi, l’athlète qui a osé grimper sans voile ?

Elnaz Rekabi, la championne d’escalade qui avait participé sans voile aux championnats d’Asie d’escalade en Corée du Sud, est réapparue ce mardi en Iran après avoir disparu quelques jours. Elle parle aujourd’hui d’un geste accidentel suite à des soucis techniques. Vérité ou volte-face forcée?  Son avenir semble quoi qu’il en soit incertain.

La star iranienne de l’escalade Elnaz Rekabi a été ramenée par avion ce mercredi matin tôt en Iran, selon une vidéo de l’agence officielle iranienne Irna. Elle n’avait plus été aperçue depuis qu’elle avait participé sans foulard aux championnats d’Asie d’escalade en Corée du Sud. Un geste qui avait été perçu comme un soutien aux manifestations déclenchées après la mort de Mahsa Amini arrêtée à Téhéran pour « port de vêtements inappropriés » en raison d’un voile couvrant insuffisamment ses cheveux au regard de la police des mœurs.

Geste de solidarité ou réel oubli ?

Participer sans voile n’a en effet rien d’anodin, un mois jour pour jour après les faits et dans un contexte déjà ultra tendu. Surtout en sachant que la République islamique impose aux sportives iraniennes le port du voile même dans les compétitions à l’étranger. En participant deux fois sans foulard à la compétition – une fois en le remplaçant par un simple bandana et une autre en ne portant qu’un simple bandeau noir – Elnaz Rekabi a ouvertement enfreint le code vestimentaire strict de l’Iran. De quoi largement s’attirer l’ire des autorités iraniennes.

Selon ses amis et sa famille, ils auraient perdu le contact avec elle lundi soir. Ce n’est que mardi que l’ambassade d’Iran en Corée du Sud a déclaré que Rekabi avait quitté le pays et était en route pour Téhéran. Dans la foulée, un message fut publié sur son compte Instagram aux 200.000 abonnés. On peut y lire qu’elle s’excusait d’avoir grimpé sans foulard « en raison d’un mauvais timing, et de l’appel inattendu pour que je grimpe sur le mur, mon foulard s’est détaché involontairement ».

Elnaz Rekabi sous pression ?

Il n’est toujours pas clair si elle a écrit le texte elle-même et de son propre chef malgré le fait qu’elle ait répété cette explication à la presse à son arrivée à Téhéran.

Elle a ainsi déclaré ce mercredi matin aux médias présents, vêtue d’un blouson à capuche noir et d’une casquette de baseball, qu’ »en raison du climat qui régnait pendant les finales de la compétition et du fait que j’ai été appelée à prendre le départ quand je ne m’y attendais pas, je me suis retrouvée emmêlée dans mon équipement technique (…). À cause de cela, je n’ai pas fait attention au foulard que j’aurais dû porter. Je suis rentrée en paix en Iran, en parfaite santé et selon le programme prévu. Je présente mes excuses au peuple iranien pour les tensions créées », ajoutant ne pas avoir « l’intention de dire au revoir à l’équipe nationale ».

Bien qu’accueillie par sa famille et des dizaines de partisans scandant « Elnaz est une héroïne », on ignore, selon la BBC, où elle a ensuite été emmenée. Certains craignent qu’elle n’aille directement en prison. Une thèse confortée par le fait que, selon plusieurs médias, Rekabi serait revenue de Séoul sous la contrainte d’officiels Iraniens. La BBC en persan a ainsi rapporté qu’elle n’aurait dû quitter la Corée du Sud que mercredi, mais que son vol avait été avancé de manière inattendue. Le site d’informations Iran Wire rapporte que le président de la fédération iranienne d’escalade l’aurait attirée à l’ambassade d’Iran pour la conduire directement à l’aéroport. Il aurait promis à Elnaz Rekabi qu’elle pourrait rentrer saine et sauve en Iran à condition de remettre son téléphone et son passeport, selon le média. L’ambassade d’Iran à Séoul dément cependant « toutes les fausses informations et la désinformation » au sujet de sa situation.

Les Etats-Unis ont critiqué mercredi soir le traitement réservé par les autorités iraniennes à Elnaz Rekabi, Washington avertissant de l’attention qui sera porté à son sort en Iran. « Le monde et le peuple iranien auront le regard tourné vers la manière dont elle sera traitée » a déclaré à la presse un porte-parole du département d’Etat américain, Vedent Patel. Il a qualifié son retour visiblement forcé de Corée du Sud d' »inexcusable ».

Seule une autre athlète iranienne avait osé avant elle

Elnaz Rekabi n’est que la deuxième Iranienne à se faire connaître pour avoir participé non voilée à une compétition sportive depuis l’avènement de la République islamique en 1979. Avant elle, seule la boxeuse Sadaf Khadem l’avait osé en 2019. Elle est exilée en France depuis.  Elle n’est par contre pas la première sportive à s’exprimer en faveur du droit des femmes. Le sport est même devenu un sujet extrêmement sensible en Iran depuis les manifestations. Plusieurs sportives iraniennes de renom se sont exprimées en faveur des droits des femmes. Des footballeurs célèbres ont également été inquiétés pour des commentaires sur le mouvement, comme la légende du foot Ali Daei, qui s’est vu brièvement confisquer son passeport.