Iran: que faire pour libérer Olivier Vandecasteele ? « Il y a deux démarches contradictoires »
Ce mardi, la condamnation du travailleur humanitaire Olivier Vandecasteele est tombée : 40 ans et 74 coups de fouet. Si l’information n’a pas encore été confirmée par le ministère belge des Affaires étrangères, la dureté de ce supposé jugement pose des questions quant aux marges de manœuvre possibles pour sa libération. Quelles démarches sont possibles ? Analyse avec le professeur en relations internationales de l’UCLouvain Michel Liégeois.
Arrêté le 24 février dernier, le Belge Olivier Vandecasteele, jugé notamment pour « espionnage contre la République islamique d’Iran au profit d’un service de renseignement étranger », aurait reçu les résultats de son jugement. Au total, 40 années de prison ont été retenues contre lui et 74 coups de fouet.
Une peine lourde qui s’ajoute à des conditions de détention sordides. Son état de santé inquiète et cette dernière information ne devrait pas rassurer la famille. Mais pour Michel Liégeois, professeur en relations internationales à l’UCLouvain, cette condamnation n’est pas forcément surprenante, d’autant plus que la peine capitale aurait pu être prononcée. « De notre perspective, cela parait complètement disproportionné, d’autant que le procès a été tronqué, que les droits de la défense n’ont pas été respectés et qu’on ne voit pas bien la matérialité des faits qui lui sont reprochés. Maintenant, par rapport aux pratiques du régime, on a quand même échappé au pire. Pour des faits comme ceux-là, on a déjà vu des condamnations à mort. Cela veut dire qu’on n’a pas une échéance d’une exécution qui forcerait la diplomatie à trouver une solution coûte que coûte avant une date précise », indique le professeur, tout en précisant qu’une urgence « humanitaire et médicale » est malgré tout de rigueur.
Cette condamnation montre très clairement les intentions de l’Iran face à l’État belge, qui souhaite utiliser Olivier Vandecasteele en monnaie d’échange. Depuis 2021, le diplomate iranien Assadollah Assadi est retenu en Belgique, condamné à 20 ans de prison pour la création d’un projet d’attentat « terroriste » contre l’opposition iranienne. Si un échange entre les deux prisonniers aurait pu être possible, cela n’est plus le cas depuis début décembre 2022. En effet, en mars de la même année, un traité de transfèrement avec l’Iran avait été signé, mais la Cour constitutionnelle a entre-temps décidé de le suspendre, justifiant ce choix par le fait qu’une fois le diplomate iranien de retour dans son pays, ce dernier n’exécuterait pas sa peine.
Ce dernier point démontre la difficulté des actions possibles de la Belgique face à l’Iran pour espérer une libération, selon Michel Liégeois. « Il y a une très grande asymétrie entre les deux acteurs du conflit. Ici, on a un gouvernement belge qui doit tenir compte de la famille et de l’opinion publique. L’option de totale fermeté de la part de la Belgique est, en théorie, une position qui pourrait se tenir mais qui est intenable politiquement en prenant tout en compte. Du côté iranien, on ne se préoccupe pas de ces questions. Il n’y a aucune pression interne ni de mouvement en faveur des droits de l’Homme se préoccupant du sort d’Olivier Vandecasteele, notamment parce qu’ils ont d’autres conflits internes à gérer en ce moment. »
Deux démarches contradictoires
Si la Belgique est soumise aux lois internationales, elle n’est pas non plus pieds et poings liés. Mais les possibilités ne sont pas infinies et doivent passer absolument par une phase de négociations. « Dans la relation bilatérale entre deux pays, il existe fréquemment des contentieux qui ne sont pas forcément du domaine publique. A l’occasion d’un marchandage comme celui-là, toute une série de choses peuvent être mises sur la table, cela ne se gère qu’en négociant. »
Pour le professeur de l’UCLouvain, la réussite de celles-ci ne peut se gérer qu’en passant par de la discrétion dans les pourparlers. « En même temps, il est important qu’on n’oublie pas le sort des otages. Il est important d’en parler, via des articles, des pétitions. » Ce mercredi matin sur le plateau de LN24, le commissaire européen à la Justice Didier Reynders avait appuyé cette option, en affirmant que « dans des cas comme cela, il faut utiliser toutes les opportunités. C’est très important d’être sur place et d’établir un contact en tête-à-tête. Par ailleurs, il est nécessaire de montrer l’intérêt de la population qui soutient cette démarche. Les manifestations, les pétitions sont des éléments importants. » Une pétition d’Amnesty International pour la libération immédiate d’Olivier Vandecasteele est d’ailleurs en ligne depuis le 16 décembre 2022 et a déjà récolté plus de 40.000 signatures.
Tous s’accordent, la discrétion est de mise dans la communication sur le sujet. Malgré tout, « il faut qu’on montre aussi aux Iraniens qu’il y a une émotion de la population par rapport à ces pratiques. Il y a donc deux objectifs un peu contradictoires », conclut Michel Liégeois.
Le professeur prend exemple sur le journal télévisé français Antenne 2 en 1986, en plein guerre civile libanaise. Du 29 mars jusqu’à leur libération un peu plus d’un mois plus tard, le visage et le nom des huit otages retenus au Liban étaient diffusés durant le générique d’ouverture, avec comme annonce « Aujourd’hui samedi 29 Mars 1986 les otages français au Liban n’ont toujours pas été libérés. » Une action comme celle-ci pourrait donc s’apparenter au juste milieu tant demandé et conseillé.
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