L’équipe iranienne de football féminin à Perth, en Australie, en novembre 2023. © GETTY

Pourquoi le football féminin est un enjeu politique majeur en Iran

François Janne d'Othée

Dans la théocratie iranienne, le sport féminin est au cœur des luttes de pouvoir entre conservateurs et réformistes, rapporte la chercheuse Caroline Azad.

La recherche de terrain n’est pas facile en Iran, encore moins pour y scruter le football féminin, révélateur majeur des fractures de la société. Dans Femmes d’Iran, football et résistances, un condensé de sa thèse de doctorat à l’ULB, la journaliste et chercheuse belge d’origine iranienne Caroline Azad explique à quel point cette discipline cristallise les rivalités politiques dans ce pays, tandis que «l’Etat semble peu enclin à négocier le contrôle qu’il exerce sur l’image et la visibilité des athlètes féminines». Elle relate par le menu son projet de match, en 2021 en Belgique, entre l’équipe nationale féminine iranienne et celle du Sporting de Charleroi, qui n’a jamais pu aboutir.

Durant ses interviews au pays des ayatollahs, l’autrice a tout fait pour ne pas mettre en danger ses interlocutrices. Souvent, les invitées n’acceptaient de parler qu’après avoir reçu l’assurance que l’enquête n’a rien de politique, et ne concerne pas le voile. Pourtant, du voile obligatoire, il en est question tout au long de l’étude. Une coach raconte comment, au Myanmar, les Iraniennes furent obligées de jouer sous une forte chaleur avec des manches longues, des collants sous le short et des chaussettes, alors que leurs adversaires évoluaient en tee-shirt, les cheveux à l’air. «Tout le monde fut impressionné par la motivation de nos joueuses», raconte la coach. Le hijab, pourtant contesté par les sportives, fut davantage un moteur qu’un frein.

«La ségrégation sexuelle est centrale dans la théocratie iranienne.»

Après la fermeture des frontières consécutive au Covid, en raison aussi du danger de retourner à Téhéran, Caroline Azad en a profité pour éplucher les comptes Instagram des footballeuses. Elles y expriment leurs souffrances, leurs revendications, les discriminations… Ce qui les motive est moins la volonté d’en finir avec le régime que l’opposition aux injustices à leur égard et l’aspiration à valoriser leur statut. «Il faudrait permettre aux hommes de nous entraîner», lâche l’une d’elles. Or, la ségrégation sexuelle est centrale dans la théocratie iranienne, jusque sur les gradins, malgré quelques concessions sous la pression de la Fifa.

La fenêtre d’expression s’est à nouveau fermée après le 16 septembre 2022 et la mort en détention de Mahsa Amini, arrêtée trois jours plus tôt pour «port de vêtements inappropriés», ce qui déclencha une vague de contestation aussitôt violemment réprimée. Depuis, l’Etat fait tout pour invisibiliser la résistance des femmes et étouffer le célèbre slogan «Zan, Zendegi, Azadi» (femmes, vie, liberté), qui n’apparaît plus que furtivement dans l’espace digital.

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