Insurrection au Brésil : « La tâche de Lula sera immense et difficile »
Ce sont de véritables scènes insurrectionnelles qui se sont déroulées autour des trois lieux emblématiques du pouvoir brésilien, dimanche. A Brasilia, des milliers de manifestants pro-Bolsonaro ont pris d’assaut le Congrès, le palais présidentiel et la Cour suprême en signe d’opposition au président Lula, officiellement investi le 1er janvier dernier. Si le calme est aujourd’hui revenu dans la capitale, ces émeutes annoncent un début de mandat compliqué pour le nouveau président.
Plusieurs milliers d’opposants au président Luiz Inacio Lula da Silva ont afflué à Brasilia dimanche, avec pour intention de mettre à sac les symboles de la démocratie brésilienne. Frédéric Louault, professeur de sciences politiques à l’ULB et spécialiste du Brésil, analyse leurs motivations : « Au contraire de l’assaut du Capitole aux Etats-Unis qui avait pour but de dénoncer les résultats d’élections considérées comme frauduleuses, l’objectif premier des émeutiers pro-Bolsonaro est d’intimider Lula. En convergeant massivement vers la capitale, ils souhaitent montrer qu’ils sont capables de mettre la pression sur le président et qu’ils sont prêts à la maintenir pendant la durée de son mandat ».
« Les protestataires cherchent à pousser Lula à la faute »
Moins d’une semaine après son entrée en fonction, le nouveau président se voit dès lors contraint de gérer une vague de contestation à son encontre, doublée d’un enjeu de sécurité publique. « Pour faire face aux protestations, Lula a déjà dû décréter une intervention des forces fédérales, pointe le politologue. Il se retrouve aussi obligé de faire usage de la répression face à des protestataires qui cherchent à tout prix à le pousser à la faute ».
Au-delà de cette difficulté immédiate, c’est aussi la suite de son mandat qui risque d’être semée d’embuches. « Le président se retrouve pris dans un étau, observe Frédéric Louault. Il subit d’un côté les menaces de nouvelles tentatives de déstabilisation de la part des bases militantes de Bolsonaro, qui ne comptent pas le lâcher. D’une autre part, il se trouve sous l’épée de Damoclès des militaires qui ont pris une place importante au niveau politique sous son prédécesseur, et que les émeutiers essayent de pousser à un coup d’Etat ».
Un pays à reconstruire
En outre, après la présidence de Bolsonaro qu’il a qualifiée de « désastreuse », Lula hérite d’un pays à reconstruire. Il doit aussi faire face aux attentes de la population brésilienne, en termes de lutte contre la pauvreté notamment. « Le principal objectif de sa présidence est de réinstaurer une démocratie solide, analyse le politologue. Pour cela, il doit relancer l’économie et recréer un socle commun de vivre ensemble, afin de montrer aux Brésiliens les effets positifs que peut produire un système démocratique. En raison de accusations de corruption dont il a fait l’objet par le passé, il lui faut aussi gouverner de façon irréprochable ».
Mais pour mener à bien ces réformes, Lula ne bénéficie que d’une marge de manœuvre limitée. Pour faire face à l’opposition bolsonariste très représentée au Congrès, le président doit en effet gouverner au sein d’une large coalition, ce qui complique sa prise de décision. D’après le professeur de l’ULB, c’est donc une tâche immense et des conditions difficiles qui attendent Lula pour son troisième mandat à la tête du Brésil.
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Louise Delvaux
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