Inquiète pour la pluralité des médias en Pologne, l’UE va se pencher sur le respect de l’Etat de droit
L’Union européenne va lancer une première étape d’évaluation contre la Pologne dans le cadre d’une procédure, encore jamais utilisée, visant à faire face à toute menace contre l’Etat de droit au sein d’un Etat membre, après le vote d’une loi controversée sur les médias publics.
L’UE brandit ainsi la menace d’un recours à une procédure mise en place en mars 2014, « outil d’alerte précoce » –selon le vocabulaire alors employé– pour se prémunir contre des « menaces systémiques envers l’Etat de droit », dont le gouvernement conservateur polonais issu des élections de mi-novembre pourrait être le premier à faire les frais.
Pour sa rentrée, la Commission, à la demande de son président Jean-Claude Juncker, va organiser une discussion sur la situation de l’Etat de droit en Pologne.
« Le débat à la Commission le 13 janvier ouvre la phase d’évaluation du cadre pour l’État de droit introduit en mars 2014. Il est à ce stade trop tôt pour spéculer sur les prochaines étapes possibles », a expliqué à l’AFP un porte-parole de la Commission, qui confirmait les déclarations de l’un de ses membres, l’Allemand Günther Oettinger, au quotidien Frankfurter Allgemeine Zeitung (FAZ).
Depuis quelques jours, l’exécutif européen multipliait les avertissements. Le vice-président Frans Timmermans a pris la plume à deux reprises « pour demander des renseignements » sur les nouvelles lois portant sur le Tribunal constitutionnel dans un premier temps, et plus récemment sur les médias publics.
« La liberté et le pluralisme des médias sont cruciaux dans une société pluraliste d’un Etat membre respectueux des valeurs communes sur lesquelles l’Union est fondée », a-t-il écrit au ministre polonais des Affaires étrangères Witold Waszczykowski, dans une lettre en date du 30 décembre que l’AFP a pu consulter.
« Guérir notre pays »
« Nous voulons simplement guérir notre pays de quelques maladies afin qu’il puisse se remettre », a répondu ce dernier dans un entretien au journal allemand Bild à paraître lundi.
La nouvelle loi a été voté par les deux chambres polonaises les 30 et 31 décembre, dans la précipitation et malgré les protestations internationales.
Elle assure aux conservateurs, de fait, le contrôle des médias publics: les nouvelles dispositions font expirer immédiatement les mandats des instances dirigeantes actuelles de la télévision et radio publiques, laissant au ministre du Trésor la compétence de nommer et révoquer les nouveaux patrons.
« Je suis désolé mais durant les huit dernières années (du gouvernement libéral précédent, ndlr), nous n’avons eu de pluralisme dans les médias même pas pour un sou, et pas un seul commissaire européen, pas un seul député européen ne l’a déploré », a rétorqué à la télévision privée TVN24 Marek Magierowski, le chef du bureau de presse de la présidence polonaise.
« Nous remplaçons les chefs de groupes de médias parce qu’avant tout la télévision publique et, en partie aussi, la radio publique sont devenues jusqu’au fond des médias du parti » libéral, a-t-il ajouté. Il n’a ensuite pas exclu que le président Andrzej Duda puisse signer dès lundi la loi.
En tête des voix discordantes en Europe, l’Allemagne a vu ses relations avec le gouvernement dirigé par le parti Droit et Justice (PiS) rapidement se dégrader, alors même que la chancelière Angela Merkel avait félicité « chaleureusement » la Premier ministre Beata Szydlo lors de sa nomination.
Le 14 décembre, l’Allemand Martin Schulz, président sociale-démocrate du Parlement européen, avait parlé de « coup d’Etat » et de situation « dramatique » en Pologne après les premières mesures prises par le nouveau gouvernement.
Plus largement, les relations entre Berlin et Jaroslaw Kaczynski, le chef du PiS connu pour sa germanophobie, sont compliquées. Il a, au fil des années, accusé Mme Merkel de vouloir « la soumission de la Pologne » dans un livre en 2011 ou encore comparé en 2007 l’Allemagne actuelle avec celle du début des années 30, juste avant l’arrivée d’Hitler au pouvoir.
La nouvelle procédure sur le cadre pour l’Etat, prévoit, en théorie, une recommandation de la Commission dans un deuxième temps, si le problème n’a pas trouvé de solution satisfaisante lors de la phase d’évaluation.
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