© getty images

Il y a 50 ans, le renversement d’Allende : un mystère autour de la mort de Pablo Neruda?

Gérald Papy
Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

La journaliste Laurie Fachaux-Cygan rassemble des éléments troublants qui mettent en doute la thèse du décès dû à un cancer.

Dans un Chili soumis à la répression implacable de la dictature, le poète Pablo Neruda, connu pour son engagement communiste, décède le 23 septembre 1973 à l’hôpital Santa Maria de Santiago, douze jours après le coup d’Etat qui a renversé le président Salvador Allende. Le lauréat du prix Nobel de littérature en 1971 était atteint d’un cancer de la prostate. Le certificat médical de décès avance cette raison pour justifier sa mort. L’épouse de l’écrivain, Matilde Urrutia, ne fera jamais publiquement état de doute sur cette version, et la Fondation Pablo Neruda estimera qu’il n’est pas raisonnable d’en envisager une autre.

C’est pourtant ce que fait la journaliste Laurie Fachaux-Cygan dans Chambre 406. L’affaire Pablo Neruda (1). Ses doutes sur la thèse officielle trouvent leur origine dans le témoignage du chauffeur du poète, Manuel Araya. Il explique que le jour du décès, Matilde Urrutia et lui se trouvent dans la maison de campagne du couple, éloignée de Santiago. Au vu de l’évolution de son cancer et de l’insécurité créée par le putsch, Pablo Neruda a accepté de se rendre au Mexique. L’épouse et le chauffeur préparent le voyage et ne rejoignent que le 23 septembre dans l’après-midi la clinique Santa Maria où Pablo Neruda a été hospitalité plus pour sa sécurité qu’en raison de son état de santé, assure Matilde Urrutia. «Son cancer n’était pas développé au point de le tuer.» La veille, Pablo Neruda a requis sa présence en urgence à l’hôpital. Faute de téléphone à la disposition de son épouse, c’est une tierce personne qu’il a contactée, et il aurait dit être indisposé après avoir reçu une piqûre. Une fois arrivés à Santiago, l’épouse et le chauffeur sont confrontés à une autre démarche étrange. Un jeune docteur, qui leur est inconnu, demande à l’homme de confiance de Pablo Neruda d’aller chercher un médicament dans une pharmacie. Manuel Araya est arrêté à un barrage militaire et détenu pendant plusieurs jours dans le stade de Santiago où sont tués et torturés de nombreux opposants. Pablo Neruda meurt dans la soirée du 23 septembre.

Son cancer n’était pas développé au point de le tuer.

Au retour de la démocratie au Chili, des investigations seront menées pour essayer de déterminer la cause exacte de la mort du poète. Des experts scientifiques affirmeront au terme d’une étude approfondie que «Pablo Neruda n’est pas mort d’un cancer de la prostate». D’autres, après exhumation de son corps et examen de sa dentition, arriveront à retrouver des traces d’une bactérie, Clostridium botulinum, indice potentiel d’une inoculation du botulisme. Pour autant, la thèse de l’assassinat ne sera jamais prouvée. Laurie Fachaux-Cygan suggère pourtant qu’il existait bien un mobile pour qu’Augusto Pinochet se débarrasse de l’opposant. Depuis le Mexique, il aurait pu symboliser aux yeux du monde et organiser la résistance démocratique à la dictature militaire. L’autrice inscrit donc son enquête dans le mouvement du Chili contemporain pour «se réconcilier avec sa mémoire et pour affronter ensemble un avenir commun».

(1) Chambre 406. L’affaire Pablo Neruda. Enquête sur la mort mystérieuse du poète chilien, par Laurie Fachaux-Cygan, Ed. de l’Atelier, 208 p.
(1) Chambre 406. L’affaire Pablo Neruda. Enquête sur la mort mystérieuse du poète chilien, par Laurie Fachaux-Cygan, Ed. de l’Atelier, 208 p. © National

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire