« Hold-up », le documentaire controversé qui dénonce une « manipulation » mondiale sur le Covid
Le documentaire » Hold-up « , sorti en France ce 11 novembre, entend dénoncer les « mensonges et corruptions » autour de la crise sanitaire. Mais il finit par dévier vers un complotisme confus. Décryptage.
Le documentaire indépendant Hold-Up, sorti officiellement en France ce 11 novembre sur la plateforme de VOD Vimeo, fait grand bruit, et pas que sur les réseaux sociaux. Sa bande-annonce et quelques extraits frappants sont rapidement devenus viraux. Dès lundi, le film a été diffusé gratuitement sur des plateformes de streaming, contre la volonté de ses producteurs, qui se plaignent d’un « piratage« . Ils rappellent qu’ils souhaitent diffuser le film uniquement en version payante dans un premier temps.
Une position étonnante alors que le documentaire d’une durée de 2h45 (voir la bande-annonce ici) a été financé via une campagne de crowdfunding. Cette levée de fonds a été appuyée sur Facebook par des groupes liés aux Gilets jaunes ou des groupes de soutien au controversé professeur marseillais Didier Raoult. Elle a très vite atteint son objectif initial de 20.000 euros sur la plateforme Ulule, grimpant par la suite à près de 200.000 euros.
L’ambition de ce documentaire sur la crise sanitaire, qui devrait être traduit dans sept langues, est de tirer au clair les « erreurs commises au plus haut niveau » de l’Etat, des médias et de la communauté scientifique dans la gestion de l’épidémie de Covid-19 en France, annoncent ses producteurs.
Son réalisateur, Pierre Barnérias, est un ancien journaliste passé par TF1, Europe 1 ou Ouest-France et réalisateur, ces dix dernières années, de plusieurs films sur la foi, ainsi que sur la fin de vie et « l’au-delà », explique CheckNews, le service de fact-checking du quotidien français Libération. Depuis quelques mois, sa chaîne Youtube ThanaTV (70 000 abonnés) s’est muée en porte-voix des « Covido sceptiques ». Il y multiplie les interviews de scientifiques ou soignants qui sont tous sur la même longueur d’onde: le gouvernement nous cache des choses sur le Covid-19.
« Un complotisme très confus «
Le documentaire taxé de « conspirationniste » par ses premiers détracteurs est salué par d’autres pour sa lucidité. Il se présente comme une enquête journalistique, mais qui ne l’est que sur la forme, observe Libération. « Les propos des intervenants ne sont jamais ni contextualisés ni questionnés. Le documentaire insiste sur des controverses bien établies (un long passage promeut l’hydroxychloroquine en s’appuyant sur l’étude rétractée du Lancet). « Hold-up » dévie peu à peu vers un complotisme très confus « , analyse le journal français.
Le personnage central du documentaire est Christian Perronne, chef du service maladies infectieuses dans un hôpital de la banlieue parisienne. Ce dernier critique fortement la politique gouvernementale. Il est aussi un fervent partisan du professeur Didier Raoult dont on vient d’apprendre ce jeudi qu’il risquait la radiation de l’Ordre des Médecins en France. Avant la pandémie, Christian Perronne s’était fait connaître pour ses thèses controversées sur l’origine de la maladie de Lyme (qui serait due selon lui à une prolifération cachée de tiques modifiées par un chercheur nazi).
Au total, une quarantaine d’intervenants sont convoqués dans Hold-Up. Une bonne partie s’exprime dans les colonnes de France Soir (ancien journal devenu une plateforme alimentée par des bénévoles) et sont membres de l’association BonSens, un « lobby citoyen » qui regroupe des personnalités critiques vis-à-vis de la gestion de la crise sanitaire, explique Libération.
On retrouve parmi eux, Silvano Trotta un Youtubeur pro-Trump qui commente abondamment sur sa plate-forme aux 170 000 abonnés un complot lié au Covid (qu’il nomme la « plandémie »). Silvano Trotta explique aussi à ses nombreux abonnés que la lune est « artificielle » et « creuse ». On retrouve également dans le documentaire Laurent Toubiana, fer de lance dans l’Hexagone des experts « rassuristes ». Ou encore, Jean-Dominique Michel, anthropologue suisse qui évoquait en mars 2020 une « hallucination collective » à propos de la pandémie.
Un manque de pluralisme
Hold-Up devrait aussi plaire aux groupes anti-masques. Le port du masque y est ainsi fustigé à grand renfort de micros-trottoirs ou d’allégations douteuses sur le fait que le « masque ne sert à rien quand vous n’êtes pas malade ».
Lire aussi notre dossier : Fact-checking: les antimasques ont-ils raison?
Des observateurs critiquent le manque de pluralisme affiché par Hold-up où toutes les personnes tiennent, à peu de choses près, le même discours. A cela, les réalisateurs rétorquent : « Il n’y avait absolument aucune intention, aucun calcul de notre part. On a donné la parole à des gens qui avaient besoin d’une tribune. »
« Notre but, selon l’un des producteurs du film, Christophe Cossé: avertir, ou alerter, informer la population de ce qui est en train de se tramer de façon totalement pernicieuse et extrêmement bien calculée. » Dans une longue tribune sur le site France Soir, il estime que « se profile la vaccination massive, et son corollaire, le fichage de chaque individu. En France, en Europe, mais dans le monde entier, au prétexte d’un virus pas plus offensif qu’un autre Covid saisonnier. Quelle incroyable et phénoménale entreprise de manipulation globale, au service d’une sombre idéologie, qui avant d’accomplir son dessein, distille la peur, la menace et la confusion afin que chacun perde ses repères pour mieux embrasser le pouvoir et l’autorité dans une servitude volontaire et rassurante. »
« Great Reset »
Une autre théorie controversée véhiculée dans le documentaire est celle de la fabrication du Covid-19 dans un laboratoire. Un homme présenté comme un ancien opérateur du renseignement se vante anonymement qu’une « source de l’Agence de sûreté nucléaire » lui aurait dit « que le virus avait été fabriqué ». Une affirmation, jamais contredite dans le documentaire, mais qui va à l’encontre de toute la littérature scientifique sur le sujet, rappelle Libération dans son factchecking. Un autre intervenant va même jusqu’à accuser l’Institut Pasteur d’avoir fabriqué le virus, reprenant une intox basée sur un brevet mal compris.
Le documentaire fait aussi le lien obscur entre nanoparticules, cryptomonnaies et Covid, le tout sur fond de déploiement de la 5G pendant le confinement. Pour ses auteurs, il s’agirait là d’un plan machiavélique appelé « Great Reset ». Cette « Grande Réinitialisation » n’a pourtant rien de bien secret fait savoir Libération: il s’agit d’un projet porté par le Forum économique mondial de Davos visant à réfléchir aux moyens d’assurer une « croissance économique plus durable » à l’occasion de la crise économique causée par la crise sanitaire. Et les réalisateurs d’Hold-Up de désigner les « véritables » coupables de cette grande machination, à savoir, les classiques des théories conspirationnistes que sont Bill Gates, David Rockefeller ou le Français Jacques Attali.
« Une propagande complotiste »
En France, le documentaire a suscité l’ire de nombreux politiques qui dénoncent « une propagande complotiste ». « Ce n’est pas un docu, ce n’est pas du journalisme, c’est une propagande complotiste à budget blockbuster. Honteusement cautionné par quelques politiques en errance« , dénonce, entre autres, la présidente déléguée des députés LREM Coralie Dubost, sur Twitter.
« Attention FakeNews complotiste« , met également en garde le député et ancien secrétaire d’Etat chargé du Numérique Mounir Mahjoubi (LREM), qui demande la « démission » de la députée Martine Wonner (groupe Libertés et Territoires), l’une des intervenantes du film.
L’actrice Sophie Marceau a, de son côté, soutenu le docu sur les réseaux sociaux en postant l’affiche sur son compte Instagram.
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