Harvey Weinstein reconnu coupable et immédiatement incarcéré
Reconnu coupable d’agression sexuelle et de viol, Harvey Weinstein, est passible de 25 ans de prison au maximum, mais ne risque pas la perpétuité. Il est emprisonné en attendant de connaître sa peine le 11 mars. Le point sur le verdict.
Le producteur déchu Harvey Weinstein a été reconnu coupable lundi d’agression sexuelle et de viol. Harvey Weinstein, 67 ans, est passible de 25 ans de prison au maximum, mais ne risque pas la perpétuité, car le jury l’a disculpé de la circonstance aggravante de comportement « prédateur », qui aurait pu lui valoir la prison à vie. Sa peine sera déterminée ultérieurement par le juge James Burke, qui a présidé aux débats.
« Nous allons faire appel », a réagi la principale avocate d’Harvey Weinstein, Donna Rotunno, à la sortie du tribunal. « La bataille n’est pas terminée. » Harvey Weinstein a été placé en détention en attendant de connaître sa peine, le 11 mars. « Bien entendu, il est déçu mais il est fort. Il est solide mentalement et il continuera de se battre », a-t-elle affirmé lorsque des journalistes lui ont demandé comment le producteur déchu s’en sortait après avoir été incarcéré.
Première victoire du #MeToo
Il s’agit de la première reconnaissance de culpabilité dans une affaire post-#MeToo, celle de l’acteur Bill Cosby résultant de poursuites entamées en 2015, avant que le mouvement anti-agressions sexuelles ne commence en octobre 2017.
Le jury a eu besoin de cinq jours pour parvenir à une décision à l’unanimité sur certains chefs, condition nécessaire pour prononcer un verdict. Les jurés devaient se déterminer sur le témoignage de trois femmes, parmi les plus de 80 qui ont accusé Harvey Weinstein de harcèlement ou d’agression sexuelle.
Procureur: les femmes « ont changé le cours de l’histoire »
Le procureur de Manhattan a estimé lundi que les six femmes qui ont témoigné contre Harvey Weinstein et les deux femmes procureurs en charge du dossier avaient « changé le cours de l’histoire », dans une déclaration après qu’Harvey Weinstein eut été jugé coupable d’agression sexuelle et de viol.
« Un viol est un viol qu’il soit commis par un inconnu dans une ruelle sombre, ou par un partenaire dans une relation intime », a-t-il souligné devant les journalistes. « C’est un viol même s’il n’y a aucune preuve matérielle et si ca s’est passé il y a très longtemps ».
Au final, le jury ne l’a jugé coupable que des deux chefs les « moins graves », l’agression sexuelle de l’ancienne assistante de production Mimi Haleyi, en 2006, et le viol de l’aspirante actrice Jessica Mann, en 2013. Il a, en revanche, relaxé le producteur d’un chef de viol plus grave lié à Jessica Mann, mais surtout de la circonstance aggravante de comportement « prédateur ».
L’agression de Mimi Haleyi et le viol présumé de Jessica Mann étaient poursuivis en tant que tels, tandis que le viol d’une troisième femme, la comédienne Annabella Sciorra, bien que prescrit, pouvait, lui, déclencher cette circonstance aggravante. Mais le jury a également déclaré Harvey Weinstein non coupable de ce viol remontant à l’hiver 1993, près avoir demandé à réentendre le témoignage de l’actrice durant ses délibérations.
Témoins discrédités
Tout au long du procès, la défense avait cherché à discréditer le récit des trois femmes. Les avocats d’Harvey Weinstein ont produit une série de courriers électroniques montrant que Mimi Haleyi et Jessica Mann avaient maintenu le contact, de leur propre initiative, avec l’accusé après les faits présumés.
Dans le cas de Jessica Mann, la victime présumée a même concédé avoir eu des relations sexuelles sans opposition avec Harvey Weinstein jusqu’en 2016. « Ce n’était pas une relation », avait martelé la procureure Joan Illuzzi-Orbon. « Jessica Mann était la poupée de chiffon d’Harvey Weinstein. » Mimi Haleyi a elle raconté avoir eu un rapport sexuel initié par l’accusé deux semaines environ après le viol présumé, sans manifester de résistance. Jessica Mann a dit avoir maintenu des relations avec l’ancien magnat du cinéma par « peur », tandis que Mimi Haleyi a expliqué qu’il s’agissait pour elle de maintenir une « relation professionnelle ».
La défense avait cherché à dépeindre deux femmes opportunistes, prêtes à se soumettre aux caprices du producteur, voire à ses pulsions sexuelles, pour tenter de mettre un pied à Hollywood. Les avocats d’Harvey Weinstein avaient aussi laissé entendre que les deux plaignantes avaient témoigné par intérêt, pour augmenter leurs chances d’obtenir du producteur des dommages et intérêts une fois celui-ci condamné. « Elles ont sacrifié leur dignité, leur intimité, leur quiétude dans l’espoir de faire entendre leur voix » au procès, leur avait opposé la procureure.
Time’s Up: « une nouvelle ère pour la justice »
Le mouvement Time’s Up, né dans la foulée de #MeToo pour lutter contre les agressions sexuelles au travail, a estimé lundi que le verdict de culpabilité rendu contre Harvey Weinstein marquait « une nouvelle ère pour la justice ».
« Le verdict du jury envoie un puissant message au monde sur l’ampleur des progrès accomplis depuis que les femmes qui sont sorties du silence contre Weinstein ont déclenché un mouvement inarrêtable ».
Jurisprudence
La procureure Joan Illuzzi-Orbon et son adjointe Meghan Hast avaient souligné qu’en fait d’opportunités, elles n’avaient quasiment rien obtenu du magnat d’Hollywood. L’accusation a aussi rappelé qu’aucune des deux femmes n’avait attaqué en justice Harvey Weinstein pour obtenir réparation financière et qu’elles n’avaient aucun intérêt à venir témoigner au procès.
Ce verdict de culpabilité pourrait constituer un tournant pour le mouvement #MeToo, mais aussi pour la jurisprudence de ce type d’affaires, qui donnent très rarement lieu à des condamnations. M. Weinstein doit encore répondre d’une autre inculpation pour deux agressions sexuelles à Los Angeles, annoncée début janvier.
Transféré non pas à la prison mais à l’hôpital après le procès
Harvey Weinstein, 67 ans, se déplaçait à l’aide d’un déambulateur au cours du procès, et s’est plaint de douleurs à la poitrine et d’hypertension, selon les propos d’un porte-parole dans les médias américains. Il était en route vers la prison de Rikers Island en attente de connaitre la nature de sa condamnation, mais il a été à la place transféré à l’hôpital Bellevue qui dispose d’une aile dédiée aux traitements des détenus.
Donna Rotunno, l’avocate de M. Weinstein, a demandé au juge de ne pas envoyer son client vers la prison, en raison de plusieurs opérations du dos qui ont échouées et des traitements médicamenteux dont il a besoin pour éviter qu’il devienne aveugle.
Les dates-clés de l’affaire Weinstein
2017: Révélations
Le 5 octobre, le New York Times publie des témoignages de femmes accusant Harvey Weinstein de harcèlement sexuel pendant près de trois décennies, et révèle qu’il a passé des accords avec au moins huit femmes, achetant leur silence.
Cinq jours après, le magazine The New Yorker cite plusieurs femmes, dont l’actrice italienne Asia Argento, accusant le producteur de viol ou d’agressions sexuelles. « Toutes les accusations de relations sexuelles non consenties sont réfutées par M. Weinstein », affirme la porte-parole du producteur. Les témoignages se multiplient contre le producteur et contre d’autres célébrités, du cinéma, de la télévision ou de la mode.
Le 14 octobre, M. Weinstein est exclu de l’Académie du cinéma qui remet les Oscars, sanction rarissime.
2018: Première inculpation
Le procureur de Manhattan inculpe M. Weinstein le 25 mai pour un viol à New York en 2013 – sur une femme dont l’identité n’a pas été révélée – et une agression sexuelle en 2004 sur Lucia Evans, qui cherche à être actrice.
Le 2 juillet, l’accusation ajoute trois chefs d’inculpation pour un « acte sexuel forcé » datant de juillet 2006, sur une troisième femme identifiée comme Mimi Haleyi, ex-assistante de production.
Rebondissement en octobre: l’avocat Ben Brafman obtient l’abandon du chef d’inculpation concernant Lucia Evans, décrédibilisée car elle avait confié à une amie avoir accepté de faire une fellation au producteur en échange d’un rôle.
2019: Nouvel acte d’accusation
M. Weinstein se sépare de Ben Brafman, puis change une nouvelle fois d’avocats six mois plus tard pour finalement confier sa défense à une nouvelle équipe emmenée par une avocate de Chicago, Donna Rotunno, spécialisée dans la défense des hommes accusés d’agressions sexuelles.
Le procureur fait modifier l’acte d’accusation pour inclure les allégations d’Annabella Sciorra, actrice de la série « Les Soprano », qui affirme avoir été sexuellement agressée par M. Weinstein en 1993 à Manhattan. Si les faits la concernant sont prescrits, ils permettent aux procureurs d’étayer le chef d’inculpation de comportement sexuel « prédateur », qui implique des agressions à répétition et est punissable de la perpétuité.
Sur le plan civil, le 11 décembre, un accord de principe est trouvé pour solder les actions en justice de plus d’une trentaine de femmes, moyennant le paiement de quelque 25 millions de dollars par les assureurs de M. Weinstein. L’accord, qui ne mentionne aucune reconnaissance de culpabilité de M. Weinstein et a été dénoncé par certaines victimes supposées, reste à valider par un juge.
2020: Coupable (en partie)
Le 6 janvier, au premier jour de la sélection des jurés pour le procès, le procureur de Los Angeles annonce un nouvel acte d’accusation contre le producteur de cinéma, avec deux femmes l’accusant d’agressions sexuelles en 2013. Aucune date n’a été fixée pour ce procès.
Le procès new-yorkais démarre le 22 janvier. Six femmes défilent pour accuser le producteur, à commencer par Annabella Sciorra, qui livrera le témoignage le plus convaincant. La femme qui accuse Harvey Weinstein de viol se dévoile pour la première fois: Jessica Mann va raconter sa relation compliquée avec le producteur, mélange de peur et d’empathie à l’en croire, qui va constituer l’un des moments les plus troublants du procès. Déstabilisée par la défense, elle craque au deuxième jour de son contre-interrogatoire, faisant douter d’une condamnation du producteur.
Le 24 février, Weinstein est condamné pour agression sexuelle et viol, mais exonéré des accusations les plus graves qui lui faisaient risquer la perpétuité. Le mouvement #MeToo salue « une nouvelle ère » pour la justice américaine, la défense annonce qu’elle va faire appel.
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