Ce à quoi on peut s’attendre après l’assassinat du chef du Hamas Ismaïl Haniyeh
Attaques sur Israël par l’Iran ou ses «proxis», nouvelle intifada en Cisjordanie, attentats en Europe: la nature des représailles reste incertaine, mais représailles il y aura. Le gouvernement Netanyahou a franchi une ligne rouge.
L’attention était braquée sur une possible escalade de la confrontation entre Israël et le Hezbollah libanais. Montée de la tension il y a eu avec une attaque dans le sud chiite de la capitale Beyrouth. Mais le véritable tournant dans la guerre entre l’Etat hébreu et les dirigeants palestiniens de Gaza et leurs alliés a eu pour théâtre quelques heures plus tard l’Iran et sa capitale Téhéran. Le chef politique du groupe islamiste palestinien Hamas, Ismaïl Haniyeh, y a été assassiné au cours d’une attaque aérienne attribuée à Israël. Nouvelle preuve de la capacité de projection de son armée qui, depuis le 7 octobre 2023 et le massacre de plus d’un millier de citoyens israéliens par le Hamas, a mené des opérations ciblées au Liban, en Syrie, y compris à Damas, en Irak, au Yémen, et, une nouvelle fois, en Iran.
Ce que disent les circonstances de l’assassinat
Le chef politique du Hamas, qui réside à Doha au Qatar, avait fait le déplacement à Téhéran pour assister le mardi 30 juillet à la cérémonie d’investiture du nouveau président iranien, Massoud Pesezkhian, élu à l’issue des élections présidentielles du 5 juillet. Il séjournait dans «l’une des résidences spéciales pour les vétérans de guerre, dans le nord de Téhéran», selon l’agence de presse iranienne Fars. Un projectile aérien guidé l’a tué, ainsi que l’un de ses gardes du corps, ajoute cette source ainsi que le média Nour.
Ismaïl Hanyeh, en tant que chef politique du Hamas, figurait parmi les personnalités désignées par Israël comme responsables du massacre du 7 octobre, même si des informations ont accrédité depuis lors la thèse d’une opération «Déluge d’Al Aqsa» principalement mise en oeuvre par le chef militaire du Hamas dans la bande de Gaza, Yahya Sinouar, et le responsable de sa branche militaire, les Brigades Ezzedine al-Qassam, Mohammed Deif. Ismaïl Hanyeh était donc, aux yeux des Israéliens, une «personne à abattre». Qu’il ait été assassiné en Iran s’explique. Une opération contre lui au Qatar ou en Turquie, où il s’est rendu à plusieurs reprises depuis octobre, aurait provoqué des réactions encore plus hostiles et un embarras plus grand dans les chancelleries occidentales. En l’assassinant à Téhéran, les Israéliens pointent en filigrane les liens que le Hamas entretient avec la République islamique, et la part de responsabilité qu’ils imputent aussi aux dirigeants iraniens dans le massacre 7 octobre, approuvé implicitement selon eux par Téhéran.
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L’opération de Téhéran, réussie dans l’entendement du gouvernement de Benjamin Netanyahou qui ne l’a pas commentée comme de coutume, indique à tout le moins la qualité de la surveillance des activités des dirigeants du Hamas par la technologie israélienne, potentiellement la récolte de renseignements sur le terrain iranien pour localiser la cible, et, aussi, une forme d’incompétence des services de sécurités iraniens et de naïveté des dirigeants qui imaginaient peut-être qu’Israël n’oserait pas frapper en plein coeur du centre politique de la République islamique.
Ce que vont être les conséquences de l’assassinat
Politiquement, l’assassinat du chef du Hamas clôt de facto les négociations en cours pour la libération des otages et l’établissement d’une trêve humanitaire dans la bande de Gaza. Tantôt moribondes, tantôt en passe d’aboutir, il est difficile d’imaginer qu’elles puissent reprendre à court terme. Le sort des otages encore en vie risque aussi d’en pâtir. Ces circonstances vont sans doute encourager l’armée israélienne à tenter de «finir le travail» dans le territoire palestinien pour rencontrer les objectifs de la guerre, l’éradication du Hamas et… la libération des personnes détenues.
« L’assassinat du chef Ismaïl Haniyeh est un acte lâche qui ne restera pas sans réponse », a déclaré Moussa Abou Marzouk, membre du bureau politique du Hamas, quelques heures après l’attaque de Téhéran. Mais que peut encore le Hamas contre Israël?
Dans la bande de Gaza, on peut s’attendre à une intensification de la résistance de ses combattants face à l’offensive israélienne. Mais ses forces ont été considérablement affaiblies depuis l’entrée de Tsahal dans le territoire le 27 octobre 2023. Des tirs de roquettes sur Israël sont probables mais la capacité de nuisance des groupes palestiniens à Gaza est, là aussi, réduite par dix mois de guerre.
Un autre front pourrait s’ouvrir en Cisjordanie, territoire palestinien dirigé par l’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas, qui a dénoncé l’assassinat d’Ismaïl Haniyeh comme «un acte lâche et une grave escalade». De nombreux affrontements ont eu lieu depuis le 7 octobre entre Palestiniens et colons israéliens, entre Palestiniens et forces de sécurité israéliennes. Mais l’agitation a été relativement contenue et n’a pas débouché sur une nouvelle intifada comme on aurait pu le craindre. La disparition du chef de Hamas peut changer la donne d’autant que le Hamas y a gagné en popularité face au Fatah, le parti historique palestinien, de Mahmoud Abbas. Un appel à la grève générale a été lancé dès mardi dans ces territoires.
On peut s’attendre aussi à des actions des alliés du Hamas au Proche-Orient, membres de l’axe de la résistance parrainé par l’Iran. Les rebelles houthis du Yémen, entrés dans la confrontation avec Israël quelques semaines après le 7 octobre, ont réussi le 19 juillet à faire exploser un drone armé à Tel-Aviv, faisant un mort et cinq blessés dans la population. Des groupes islamistes irakiens sont aussi susceptibles d’atteindre des cibles israéliennes. Enfin, le puissant Hezbollah libanais est l’adversaire de proximité le plus redoutable pour l’Etat hébreu. En raison du contexte propre au Liban, au bord de l’effondrement, on pensait généralement qu’il n’aurait pas intérêt à se lancer dans une guerre totale avec son voisin méridional. Mais l’assassinat d’Ismaïl Haniyeh en Iran, conjugué à la réplique d’Israël à l’attaque d’un terrain de football le 27 juillet sur le plateau du Golan occupé (douze enfants tués) au cours de laquelle Fouad Chokr, le plus haut commandant militaire du mouvement, a été tué à Beyrouth le 30 juillet, pourrait modifier sensiblement la position du Hezbollah. Avant l’opération de Téhéran, il n’avait pas exclu de frapper Haifa ou Tel-Aviv.
Au rang des conséquences de l’assassinat d’Ismaïl Haniyeh, il faudra aussi scruter la réaction de l’Iran. L’opération est en soi une violation de la souveraineté de la République islamique et un questionnement de ses alliances. Si une attaque sur son territoire à l’encontre d’un de ses alliés restait impunie, quel message cela renverrait-il à tous ses partenaires? «Téhéran a le devoir de venger Haniyeh», a proclamé mardi le Guide de la révolution islamique, Ali Khameneï. On se souviendra que c’est après une attaque de son consulat à Damas le 1er avril de cette année que l’Iran avait mené une opération sans précédent contre Israël, par le tir d’une centaine de missiles et de drones dans la nuit du 13 au 14 avril. La plupart avaient été interceptés. Et les belligérants n’avaient pas surenchéri. Qu’en sera-t-il après les représailles iraniennes à l’assassinat sur son sol du «frère» Ismaïl Haniyeh?
On le voit, les conséquences de l’assassinat du chef du Hamas pourraient être particulièrement préjudiciables pour Israël et être de plusieurs natures. Des attentats à l’étranger contre des intérêts israéliens ne sont pas non plus à exclure, commandités ou «spontanés». Nul doute que la sécurité des athlètes israéliens de Jeux olympiques gagnerait à être encore renforcée. Car le monde est entré depuis ce mardi dans une nouvelle période de vives menaces et de grand danger.
«L’assassinat du chef du Hamas clôt de facto les négociations en cours pour la libération des otages.»
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