Hamza, demi-frère du roi de Jordanie, accusé d’avoir comploté contre le royaume
Le prince Hamza, demi-frère du roi Abdallah II de Jordanie, a tenté de déstabiliser le royaume et de porter atteinte à la sécurité du pays, a affirmé dimanche le vice-Premier ministre, tout en annonçant une quinzaine d’arrestations, dont des personnes ayant occupé des postes à responsabilité.
Le prince Hamza, demi-frère du roi Abdallah II de Jordanie, a tenté de déstabiliser le royaume et de porter atteinte à la sécurité du pays, a affirmé dimanche le vice-Premier ministre, tout en annonçant une quinzaine d’arrestations, dont des personnes ayant occupé des postes à responsabilité.
Hamza, qui s’est vu retirer le titre de prince héritier en 2004, et les autres suspects ont collaboré avec une puissance étrangère pour « porter atteinte à la sécurité » de la Jordanie, a indiqué le vice-premier ministre, Aymane Safadi, lors d’une conférence de presse, sans préciser de quelle puissance étrangère il s’agissait.
Avant d’en arriver à ce constat, « les services de sécurité ont suivi durant une longue période les activités et les mouvements du prince Hamza ben Hussein, de Cherif Hassan ben Zaid et de Bassem Awadallah et d’autres personnes visant la sécurité et la stabilité de la patrie », a-t-il argué.
La sédition a été tuée dans l’oeuf
Aymane Safadi, vice-premier ministre
Le prince Hamza avait annoncé samedi soir avoir été « assigné à résidence » dans son palais à Amman.Dans une vidéo transmise à la BBC par son avocat, Hamza a affirmé que le chef d’état-major de l’armée s’était rendu à son domicile et lui avait signifié qu’il n’était « pas autorisé à sortir ». Il a nié avoir pris part à un complot, et a accusé les autorités de son pays de « corruption » et d' »incompétence ».
« Sécurité et stabilité »
La « sécurité » et la « stabilité » de la Jordanie représentent une « ligne rouge » qui ne doit pas être franchie, a mis en garde dimanche matin le journal d’Etat Al Rai.
Agé de 41 ans, Hamza est le dernier fils du roi Hussein, né d’un quatrième et ultime mariage avec la reine Noor, d’origine américaine. Conformément au souhait de son père, décédé en 1999, il avait été nommé prince héritier lorsque Abdallah II était devenu roi. Mais, en 2004, le souverain lui a retiré ce titre pour le donner à son propre fils aîné, Hussein.
La reine Noor a pris la défense de son fils, dénonçant sur Twitter des « calomnies »: « Je prie pour que la vérité et la justice l’emportent pour toutes les victimes innocentes », a ajouté celle qui avait déjà critiqué ces derniers mois les autorités du royaume.
Le général Youssef Huneiti, chef d’état-major, avait précisé samedi dans un communiqué que le prince Hamza avait été « appelé à arrêter les activités qui pourraient être utilisées pour porter atteinte à la stabilité et à la sécurité du royaume ». Il avait démenti son arrestation. »Personne n’est au-dessus de la loi. La sécurité et la stabilité de la Jordanie passent avant tout. Toutes les mesures qui ont été prises l’ont été dans le cadre de la loi et après une enquête approfondie », avait-il relevé.
Pour Barah Mikaïl, professeur à l’université Saint Louis à Madrid et directeur de la société de conseils Stractegia, « il n’y a pas beaucoup de raisons de douter de la version du pouvoir jordanien ». « Celui-ci est très bien structuré côté renseignements et maillage national, et le contrôle étroit en particulier des personnes soupçonnées de pouvoir atteindre à la monarchie est un fait », a-t-il expliqué à l’AFP. « Le pouvoir jordanien a besoin de rassurer autour de lui et il se passerait bien de la présence d’un complot ourdi à son encontre, surtout à l’approche de l’anniversaire du royaume ».
Faut-il craindre pour le pouvoir jordanien à brève échéance? « Je ne le crois pas. Les choses semblent contenues », a-t-il ajouté.
Il n’y a pas beaucoup de raisons de douter de la version du pouvoir jordanien.
Au total, au moins 16 personnes ont été interpellées, parmi lesquelles deux personnalités, Bassem Awadallah (un ancien conseiller du roi) et Cherif Hassan ben Zaid, selon M. Safadi, qui a précisé que les services de sécurité avaient recommandé au roi de les renvoyer devant la cour de sûreté de l’Etat.
« Rancoeur »
D’après un analyste jordanien ne souhaitant pas être identifié pour des raisons de sécurité, le prince Hamza avait ces derniers temps « multiplié devant son cercle d’amis les critiques contre ce qu’il qualifiait de corruption au sein du pouvoir ».
Toujours selon cette source, « il y a certainement de la rancoeur de sa part car il n’a jamais digéré d’avoir perdu son titre de prince héritier ».
Le royaume de Jordanie doit célébrer le 11 avril son 100e anniversaire.
Dimanche, premier jour de la semaine en Jordanie, une apparence de normalité a régné dans les rues d’Amman, même si les développements de samedi soir étaient sur toutes les lèvres. Petit pays dépourvu de ressources naturelles et largement dépendant des aides étrangères, la Jordanie est toutefois perçue comme stratégique au regard des tensions régionales.
Les pays arabes, monarchies en tête, font bloc derrière Amman
Les monarchies arabes, du Golfe au Maroc, ont apporté dimanche leur soutien au pouvoir jordanien, secoué depuis la veille par une lutte de pouvoir au sein de la famille royale..
L’Arabie saoudite, poids lourd régional et grand allié des Etats-Unis, comme la Jordanie, a été la première à réagir. Le palais royal a exprimé sur Twitter « son appui total » à la Jordanie « et aux décisions et mesures prises par le roi Abdallah II et le prince héritier Hussein pour sauvegarder la sécurité et la stabilité ».
Les Emirats Arabes Unis ont réagi dans les mêmes termes, tandis que l’émir du Qatar, cheikh Tamim ben Hamad Al-Thani, a directement appelé Abdallah II pour lui exprimer son « soutien », selon un communiqué de son cabinet.
Le Koweït, Bahreïn et Oman, autres membres du Conseil de coopération du Golfe (CCG), ont eux aussi apporté leur soutien à la Jordanie, qui dépend grandement de l’aide internationale et de ses riches voisins pétroliers et gaziers du Golfe.
Le tout premier appel à Abdallah II est toutefois venu d’un autre royaume, celui du Maroc, a indiqué Rabat. Le roi marocain Mohammed VI, arrivé au pouvoir en 1999 comme Abdallah II, a dit « sa solidarité entière et naturelle » et son « soutien total à toutes les décisions prises » par le souverain jordanien.
L’Egypte a exprimé sa « solidarité totale », selon le porte-parole de la présidence égyptienne, Bassem Radyet, et l’Irak a affirmé se « tenir aux côtés du royaume jordanien ».
Le président égyptien Abdel, Fattah al-Sissi, et le Premier ministre irakien, Moustafa al-Kazimi, doivent prochainement rencontrer à Bagdad Abdallah II pour un sommet.
La Ligue arabe a salué le « grand prestige » d’Abdallah II « auprès du peuple jordanien comme auprès des Arabes en général » par la voix de son secrétaire général, Ahmed Aboul Gheit, dans une déclaration de soutien au royaume jordanien.
En Israël, voisin de la Jordanie, le ministre de la Défense Benny Gantz a estimé qu’il s’agissait « d’affaires intérieures », ajoutant qu’une « Jordanie forte et prospère est dans l’intérêt sécuritaire et économique d’Israël ».
Le journal américain Washington Post a de son côté évoqué un complot visant à renverser le roi.
Portrait d’Hamza, le prince qui a vu le trône lui échapper deux fois
Fils du roi Hussein et de sa dernière épouse, américaine, le prince Hamza a vu le trône lui échapper deux fois: la première en raison de son jeune âge et la seconde quand l’actuel roi Abdallah II l’a écarté de la succession en 2004.
D’après un analyste jordanien qui ne veut pas être identifié pour des raisons de sécurité, le prince Hamza avait, ces derniers temps, « multiplié devant son cercle d’amis les critiques contre ce qu’il qualifiait de corruption au sein du pouvoir ».
Selon cette même source, « il y a certainement de la rancoeur de sa part, car il n’a jamais digéré d’avoir perdu son titre de prince héritier », il y a plus de 15 ans. Mais la mère du prince Hamza, la reine Noor, a pris dimanche la défense de son fils en dénonçant sur Twitter une « calomnie ». « Je prie pour que la vérité et la justice l’emportent pour toutes les victimes innocentes », a-t-elle ajouté.
D’origine américaine, la reine Noor, née Lisa Halaby, est la quatrième et dernière épouse du roi Hussein — elle en deviendra la veuve à la mort du souverain deux décennies plus tard. De leur union naîtra le prince Hamza, qui a eu 41 ans le 29 mars.
Après des études secondaires à Londres, le jeune prince intègre l’académie militaire Sandhurst, où il accompli un parcours brillant, comme avant lui son demi-frère Abdallah, de 18 ans son aîné.
Il embrasse une carrière militaire et sert même en ex-Yougoslavie dans une unité jordano-émiratie, avant d’être d’être diplômé de Harvard. Sportif accompli, il était aussi un pilote émérite, comme le fut son père.
« Trop jeune »
Dans la course pour la succession, la maladie du roi Hussein va toutefois se jouer de ses ambitions. A la mort du souverain, en février 1999, Hamza est trop jeune pour lui succéder. Abdallah, fils aîné de la reine Muna, deuxième épouse du roi, accède au trône.
Conformément au désir exprimé par le défunt souverain, c’est toutefois Hamza qui hérite du titre de prince héritier. La mesure ne sera toutefois que temporaire: cinq ans plus tard, le roi Abdallah II finit par lui retirer la succession, au profit de son propre fils Hussein.
Dans une lettre, le souverain se justifie auprès de son demi-frère par ses mots: « le fait que vous occupiez cette position symbolique (d’héritier) a restreint votre liberté et nous a empêchés de vous confier certaines responsabilités que vous êtes pleinement qualifié pour assumer ».
Mais Hamza ne voit sûrement pas les choses d’un même oeil.
« La chance de devenir roi lui a échappé à deux reprises, quand son père est mort prématurément — il était trop jeune — et quand son frère lui a retiré son titre » d’héritier, résume l’expert interrogé par l’AFP.
Le 2 juillet 2009, Abdallah II confirme son fils aîné Hussein comme successeur.
Hamza, un passionné d’écologie père de cinq filles et d’un garçon, s’éloigne peu à peu des premiers cercles du pouvoir.
Malgré tout, ce samedi, « son sang royal lui a évité la prison », avance l’expert: « Car dans la famille régnante, on n’emprisonne pas un prince, on l’écarte. »
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