Dans une rue de Sanaa, un panneau vante l'intention des Houthis de détruire les navires «ennemis» en mer Rouge. © getty images

Guerre Israël-Hamas : pourquoi on se rapproche de plus en plus d’une confrontation avec l’Iran

Gérald Papy
Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Les assassinats à Beyrouth d’un leader du Hamas et à Damas d’un général iranien augmentent les risques d’embrasement régional. Les contenir sera un des défis de l’année.

Dans l’analyse de la guerre entre Israël et le Hamas, prédomine le sentiment que la contagion du conflit à d’autres fronts sera limitée parce que l’Iran, le puissant acteur derrière les groupes engagés dans la «guérilla» actuelle contre Israël ou les Etats-Unis, n’y aurait pas intérêt. Il tire déjà les dividendes du conflit par l’affirmation croissante de son rôle dans le combat palestinien et par la remise en cause du rapprochement entre certains pays arabes et l’Etat hébreu, consacrés par les accords d’Abraham. Et pourtant…

L’assassinat, le 2 janvier, du numéro deux du bureau politique du Hamas, Saleh al-Arouri, dans le bombardement d’un immeuble de la banlieue sud de Beyrouth, faisant suite à celui, le 25 décembre, du chef en Syrie de la Force Al-Qods des Gardiens de la révolution iraniens, Razi Moussavi, fait craindre que ce pronostic ne soit plus d’actualité. Embrasement régional ou pas? La réponse dépendra dans un premier temps de la réaction du Hezbollah, allié de l’Iran, à l’opération attribuée aux Israéliens sur le sol libanais alors que jusqu’à présent, il est resté relativement mesuré dans l’expression de sa solidarité avec le Hamas contre l’Etat hébreu.

Le risque est d’autant grand que les affrontements impliquant soit Israël, soit les Etats-Unis avec des supplétifs ou, même, des corps d’armée de l’Iran se sont multipliés depuis le début du mois de décembre. Le fait le plus marquant de cette confrontation a été, sur le modèle de ce qui s’est passé à Beyrouth, l’attaque aux missiles d’une habitation d’un quartier du sud de Damas qui a coûté la vie à Razi Moussavi. Général de brigade iranien, il était le plus haut gradé en Syrie du corps des Gardiens de la révolution, armée idéologique du régime de Téhéran. Commandant au sein de la Force Al-Qods, unité d’élite en charge des opérations étrangères, il avait pour mission d’assurer la coordination militaire des forces alliées aux Gardiens de la révolution en Irak, en Syrie et au Liban.

L’épisode rappelle l’attaque qui avait coûté la vie à une autre figure de la Force Al-Qods, son chef en personne, le général Ghassem Soleimani, mort dans une frappe américaine près de l’aéroport de Bagdad, en Irak, le 3 janvier 2020. Le président iranien Ebrahim Raïssi a assuré qu’«Israël paiera le prix fort» pour l’assassinat de son représentant en Syrie. La réplique devrait en toute logique viser des intérêts israéliens. D’autant que, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme, Tsahal serait aussi impliquée dans la mort de 19 combattants «affiliés à l’Iran» dans des frappes à l’est du pays de Bachar al-Assad, le 30 décembre.

Depuis l’attaque d’Israël par le Hamas, le 7 octobre, et l’offensive massive de Tsahal dans la bande de Gaza, les attaques de bases américaines en Syrie et en Irak par des groupes armés liés à l’Iran furent régulières. Elles se sont ajoutées aux attaques des rebelles houthis soutenus par Téhéran depuis le nord du Yémen contre des navires commerciaux naviguant en mer Rouge. Cette dernière extension de la guerre Israël-Hamas a poussé les Etats-Unis à mettre en place une coalition internationale de protection du trafic dans cette zone reliant l’océan Indien et la Méditerranée. Elle a officiellement mené sa première opération le 31 décembre, dirigée par les Etats-Unis, en coulant trois bateaux des rebelles qui avaient attaqué un porte-conteneurs du transporteur danois Maersk. Dix miliciens yéménites pro-iraniens ont été tués.

Saleh al-Arouri, assassiné le 2 janvier en plein Beyrouth, était le numéro deux du bureau politique du Hamas.
Saleh al-Arouri, assassiné le 2 janvier en plein Beyrouth, était le numéro deux du bureau politique du Hamas. © getty images

Là aussi, le risque d’escalade n’est pas exclu. Le ministre britannique de la Défense, Grant Shapps, a ainsi averti que le Royaume-Uni était prêt à mener des actions directes contre les combattants houthis. Or, entre protection défensive des navires en mer Rouge et opération pro- active sur le sol du Yémen, il y a une montée en gamme de l’action des Occidentaux qui pourrait à terme, qui sait, entraîner une implication plus grande de l’Iran. Pays à propos duquel l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a tenu à rappeler, le 26 décembre, qu’il «avait augmenté sa production d’uranium hautement enrichi (NDLR: à 60%) au cours des dernières semaines alors qu’il en avait ralenti le rythme depuis le milieu de l’année 2023»…

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