Guerre en Ukraine : vente de gaz contre levée des sanctions
La Russie lie la normalisation de l’approvisionnement aux Européens à l’abandon des mesures de rétorsion à l’invasion de l’Ukraine. Les Vingt-Sept sont pressés de trouver des solutions. Mais la décision traduit aussi la fébrilité qui prévaut à Moscou face à l’échec de la guerre.
La Russie ne dissimule plus ses intentions derrière des prétextes techniques. Alors que son armée ne parvient plus à conquérir des pans significatifs de territoires à l’est de l’Ukraine depuis la conquête de Lyssytchansk, le 5 juillet dernier, et doit faire face à une contre-offensive de l’armée ukrainienne dans le sud depuis le 29 août, elle a annoncé le 5 septembre que l’approvisionnement en gaz par le gazoduc Nord Stream 1 ne reprendra pas complètement tant que «l’Ouest collectif» ne lèvera pas les sanctions prises contre elle depuis l’invasion de l’Ukraine.
Conséquence logique et redoutée, le même jour, le prix du gaz sur la plateforme d’échange TTF (Title Transfer Facility) aux Pays-Bas, qui sert de référence en Europe, s’est à nouveau affolé, grimpant de 13%, pour atteindre 242 euros le mégawattheure, avant de redescendre à 232 euros le 6 septembre. Il y a un an, il coûtait 28 euros le mégawattheure… De quoi ajouter de la pression sur les dirigeants européens et sur les ministres de l’Energie qui se réunissent ce vendredi 9 septembre à Bruxelles pour dégager des pistes de solutions à la crise énergétique et éviter des catastrophes humanitaires et sociales cet hiver.
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Dans la décision russe concernant Nord Stream 1, la porte semble toutefois avoir été laissée ouverte pour un assouplissement par l’indication que l’approvisionnement ne reprendrait pas complètement si les sanctions étaient maintenues, ce qui laisserait entendre qu’il pourrait reprendre partiellement. Il en va aussi de l’intérêt des finances russes. Plutôt que de le brûler, autant le vendre, ce gaz, même à l’Europe. La commissaire européenne à l’Energie, l’Estonienne Kadri Simson, a affirmé que des satellites européens avaient enregistré des fuites délibérées et du torchage de gaz par les Russes parce qu’ils ne disposent pas de gazoducs vers d’autres régions du monde et que leurs réservoirs sont pleins…
Sur le terrain, en tout cas, la prise d’initiative a changé de camp.
Camouflet pour l’armée
On en vient à se demander si cette fuite en avant en matière d’énergie n’est pas une manière pour Vladimir Poutine de reprendre symboliquement la main alors que les signes de faillite de son «opération militaire spéciale» en Ukraine s’accumulent. D’après l’Institut pour l’étude de la guerre de Washington, le maître du Kremlin aurait salué, le 5 septembre, l’efficacité des troupes des 1re et 2e armées des républiques de Donetsk et de Louhansk, sécessionnistes de l’Ukraine depuis 2014, indiquant qu’elles se battaient mieux que les soldats russes professionnels. Une critique supplémentaire adressée au ministre de la Défense, Sergueï Choïgou, que d’aucuns voient en totale disgrâce aux yeux du président russe.
L’ évolution de la situation militaire au sud de l’Ukraine risque de ne pas servir davantage ses intérêts. Il est, certes, difficile de se faire une idée précise de l’avancement de la contre-offensive menée depuis le 29 août par l’Ukraine dans la région de Kherson, première ville d’importance conquise par les Russes au début du conflit. Kiev impose un black-out sur les informations du front. Et de rares témoignages de soldats indiquent que l’armée russe y aurait déployé des renforts pour la contenir. Quelques reconquêtes de territoires auraient cependant été enregistrées à l’ouest de la ville. Surtout, la contre-offensive «endommage de manière tangible la logistique et les capacités administratives de la Russie dans les territoires occupés», pointe l’Institut pour l’étude de la guerre. Sur le terrain, en tout cas, et à l’inverse du théâtre énergétique, la prise d’initiative a changé de camp.
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