Guerre en Ukraine : nouvelle escalade du conflit en vue
Les attaques en Crimée et l’attentat à Moscou contre Daria Douguina, imputé prestement aux Ukrainiens, annoncent une escalade du conflit. Tout concourt à renoncer durablement à une voie diplomatique.
Le Renseignement américain a été particulièrement affûté et loquace depuis les préparatifs de la guerre en Ukraine. Alors, quand le département d’Etat à Washington publie, le 22 août, une alerte de sécurité indiquant que «la Russie intensifie ses efforts pour lancer des frappes contre les infrastructures civiles et les instal- lations gouvernementales dans les prochains jours», l’avertissement peut être pris au sérieux. Il accrédite ce sentiment diffus que le conflit prendra une autre dimension. Mais dans quelle direction?
La vengeance pourrait être le ressort activé à Moscou pour justifier une escalade. En attribuant au pouvoir ukrainien, après seulement quelques heures d’enquête, la paternité de l’assassinat, le 20 août dans l’explosion d’une voiture piégée, de Daria Douguina, fille d’Alexandre Douguine, l’idéologue ultranationaliste proche de Poutine qui était la véritable cible de l’attaque, le Service fédéral de sécurité russe (FSB) en a fourni un mobile. Peu importe que l’histoire de l’instigatrice de l’attentat – arrivée en juillet à Moscou, ayant séjourné dans le même immeuble que la victime, ayant réussi à fuir rapidement en Estonie et issue du bataillon nationaliste ukrainien Azov – paraisse cousue de fil blanc. La construction, si telle est le cas, sert les projets du Kremlin.
En effet, elle balaie l’hypothèse d’un règlement de comptes interne au pouvoir russe ou celle d’une résistance armée en Russie, beaucoup plus dommageables pour l’image du pouvoir. Difficile, cependant, de donner du crédit à la revendication de l’acte terroriste par une Armée nationale républicaine, dirigée par un ancien député de la Douma russe, Ilya Ponomarev, depuis Kiev.
Vladimir Poutine pourrait avoir un autre mobile pour intensifier son «opération militaire spéciale» en Ukraine. Depuis début août, la Crimée ukrainienne, annexée après la première invasion russe en 2014, a été la cible de multiples attaques ou tentatives. Le territoire sert de base arrière pour les opérations de Moscou vers le sud de l’Ukraine, dans les provinces de Kherson et de Zaporijia. On voit donc bien l’intérêt pour Kiev de détruire ce qui peut l’être et de désorganiser la chaîne d’approvisionnement logistique de l’armée russe.
Les autorités ukrainiennes n’ont pourtant pas revendiqué stricto sensu ces opérations qui ont frappé ou ciblé l’aérodrome de Saky le 9 août, une base militaire dans le district de Djankoï le 16 août, l’aéroport de Sébastopol le 18 août, le quartier général de la flotte de la mer Noire dans la même ville les 31 juillet et 20 août, le cantonnement de Belbek le 21 août.
Lâcher-prise européen?
«La guerre en Ukraine a commencé par la Crimée et doit se terminer avec sa libération», a promis au début du mois le président ukrainien Volodymyr Zelensky. La participation en présentiel du président polonais Andrzej Duda et en virtuel d’autres dirigeants, dont Emmanuel Macron, à la conférence Plate-forme de Crimée, mécanisme pour mettre fin à son occupation, le 23 août, à Kiev, a pu donner le sentiment que les Européens endossaient cette ambition de l’Ukraine. Ils s’étaient gardés de le faire jusqu’à présent.
On imagine mal que l’assassinat de Daria Douguina, imputé aux Ukrainiens, et la guerre portée en Crimée puissent rester sans réplique. Les ultranationalistes russes pressent Vladimir Poutine d’agir plus durement. Le président Zelensky annonce, pour sa part, que la tenue de procès à l’encontre de soldats faits prisonniers à l’usine Azovstal de Marioupol, envisagée par les séparatistes prorusses de Donetsk, scellera la fin de toute perspective de négociation. Vers tous les coins où le regard se porte, l’horizon de l’Ukraine s’assombrit.
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