Guerre en Ukraine: la course contre la montre pour contrer l’offensive russe
Le matériel livré par les Américains sera-t-il disponible suffisamment à temps? La pression russe sur le front se fait de plus en plus grande.
La ligne de défense de l’armée ukrainienne dans l’est du pays se lézarde, mais elle ne rompt pas, ou pas encore. La pression russe en trois points du front suggère cependant que approvisionnement en armes, notamment américaines depuis le feu vert accordé par le Congrès le 23 avril, devrait être effectué en urgence à destination de Kiev pour que la Russie ne pousse pas son avantage de manière significative avant leur utilisation. Cette conjoncture délicate montre, s’il le fallait encore, combien l’Ukraine souffre, jusque dans la chair de ses soldats, des atermoiements des Américains et des Européens.
Dilemme russe
La nouvelle offensive russe qui ne dit pas son nom s’exerce sur Kharkiv, la grande ville de l’est ukrainien, et en deux endroits de l’oblast de Donetsk. La première est un objectif militaire majeur pour les Russes depuis le déclenchement de leur «opération militaire spéciale», le 24 février 2022. Habitée par de nombreux russophones, elle apparaissait au Kremlin comme une proie si pas facile, en tout cas atteignable au cours de la première phase de l’invasion. Aujourd’hui, si ce territoire ne se prête pas, en raison du contexte militaire qui y prévaut, à une victoire rapide de l’armée russe, la convoitise qu’il suscite oblige les Ukrainiens à y allouer des forces et des équipements supplémentaires. En effet, des informations non vérifiées font état d’une concentration de troupes dans la ville russe de Belgorod, proche de la frontière ukrainienne. L’Institut pour l’étude de la guerre (ISW), basé à Washington, estime cependant, dans son bulletin du 28 avril sur l’état du conflit, que «l’armée russe ne dispose pas des forces nécessaires pour s’emparer de la ville».
«La rapidité de l’approvisionnement signifie littéralement la stabilisation de la ligne de front.»
Mais, comme cela a été souligné, la mobilisation par l’état-major ukrainien de moyens substantiels pour défendre la deuxième ville du pays, avant la guerre, déforce l’armée en d’autres endroits du front. C’est particulièrement le cas, à en croire l’évolution des derniers jours, à l’ouest de la localité d’Avdiïvka, dans la province de Donetsk, elle-même prise par les Russes le 17 février dernier. Des avancées ont à nouveau été enregistrées les 27 et 28 avril, avec la conquête du village de Semenivka, au nord-ouest d’Avdiïvka. Comme souvent dans ce genre de progrès militaires limités, il est difficile de savoir si les pertes de territoire, en l’occurrence dans le chef des Ukrainiens, relèvent d’une véritable défaite ou d’un «repli tactique» judicieux, thèse évidemment défendue par la hiérarchie militaire à Kiev. L’Institut pour l’étude de la guerre, qui n’est pas connu pour minimiser les éventuelles menaces, n’est pas alarmiste quant à l’évolution de la situation autour d’Avdiïvka. «Il est peu probable que les forces russes parviennent à une pénétration opérationnelle plus profonde dans la région à court terme, indique-t-il. L’arrivée de renforts ukrainiens et de matériel supplémentaire obligera le commandement russe soit à accepter qu’une pénétration plus large ou plus profonde à court terme soit peu probable, soit à engager des réserves supplémentaires dans la zone pour continuer à rechercher des gains tactiques.» En revanche, le centre d’étude américain estime que «les forces russes ont actuellement la possibilité de réaliser des gains opérationnels significatifs près de Chasiv Yar (NDLR: le troisième point de fixation des combats actuels, au nord d’Avdiïvka, toujours dans l’oblast de Donetsk) et préparent des réserves pour soutenir un effort offensif à grande échelle cet été.»
Promesses non tenues
Des gains territoriaux à l’ouest de Chasiv Yar ouvriraient pourtant la voie à des avancées vers des villes stratégiques de la province, et notamment à Kramatorsk et Sloviansk, qui, si elles étaient rapides, offriraient un succès de taille pour Vladimir Poutine à l’approche du Jour de la Victoire sur l’occupant nazi en 1945, célébré le 9 mai. Si cette menace prend de la consistance, on se souviendra longtemps de l’avertissement adressé par le président Volodymyr Zelensky, le 29 avril, à ses alliés occidentaux, «la rapidité de l’approvisionnement signifie littéralement la stabilisation de la ligne de front» et le regret exprimé par le secrétaire général de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord, Jens Stoltenberg, en visite à Kiev, «les alliés de l’Otan n’ont pas tenu leurs promesses.» Immense responsabilité.
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