Guerre en Ukraine: comment les satellites deviennent des révélateurs de vérité
Les corps à Butcha, le convoi russe bloqué sur des kilomètres autour de Kiev, les fosses communes à Marioupol,… Dans les zones ukrainiennes où les journalistes n’ont pas accès, les images satellites deviennent un outil essentiel dans la vérification des faits.
« Pas vrai, Russie », avait tweeté le journaliste du New York Times Malachy Browne, lorsque le Kremlin déclarait que les cadavres dans les rues de Butcha avaient été placés après le départ de l’armée russe. Les preuves trouvées par le journal américain se basaient sur des images satellites prises les 9, 10, 11 et 19 mars au cours de la guerre en Ukraine, lorsque les Russes étaient dans la banlieue de Kiev. Ces photos montrent les contours des corps gisant exactement comme ils apparaissent sur les images terrifiantes de début avril. Certes, la preuve n’indiquait pas qui les avait tués, mais il était alors certain que les civils gisaient là depuis des semaines.
La société américaine de satellites Maxar, avec ses trois satellites WorldView et un satellite GeoEye, a déjà produit des photos marquantes dans cette guerre, dans des zones auxquelles les journalistes n’ont pas accès. Tout a commencé avec des images de l’accumulation de troupes à la frontière russo-ukrainienne, puis des images très nettes du convoi militaire immobilisé sur des kilomètres en direction de Kiev. Suivent des photos de Marioupol, complètement bombardée, et du théâtre détruit et où le mot « enfants » était écrit à la craie, sur le sol. Il existe également des traces claires de fosses communes récemment construites près de la ville assiégée.
On ignore encore si Maxar a proposé les images de manière proactive au New York Times, bien que le journaliste à la tête de l’enquête ait laissé entendre qu’ils avaient eux-mêmes demandé les images à divers services. Celles de Maxar étaient les plus nettes et peuvent photographier clairement des objets d’une taille de 30 centimètres.
En comparaison, les images réalisées par les satellites de l’Agence spatiale européenne (ESA) ont une résolution beaucoup plus faible. Seuls les objets d’une taille de quelques mètres à quelques dizaines de mètres peuvent être distingués de leur environnement.
Des centaines de clients
Comment ces satellites agissent-ils ? Les WorldView et GeoEye font le tour de la terre, en passant par les pôles, à une altitude comprise entre 440 et 775 kilomètres. Ils survolent une certaine zone deux fois par jour. Sur demande, une zone peut être photographiée plus fréquemment, car les capteurs du satellite peuvent pivoter. La zone peut alors être photographiée sous un angle oblique, même lorsque le satellite ne la survole pas directement.
Maxar sert des centaines de clients : TomTom, le gouvernement américain et ses alliés en font par exemple partie. Et aussi, donc, des organes de presse. La société indique qu’elle partage des images satellites de la zone de guerre « de son plein gré » afin d’aider les médias et les ONG dans la « lutte contre la propagation de la désinformation ».
« Nos satellites prennent des instantanés du monde tel qu’il est à chaque instant », a récemment déclaré le réalisateur Stephen Wood dans une interview accordée à la chaîne canadienne CBC. «De cette façon, il est possible de faire des comparaisons entre des endroits précis dans le temps. »
Réfuter les affirmations russes
Un exemple antérieur où les images satellites pouvaient réfuter les affirmations russes remonte à 2014. Le collectif de recherche Bellingcat avait utilisé Maxar, alors appelé Digital Globe, lors de son enquête sur le crash du vol MH17. Cela a permis à Bellingcat de réfuter une affirmation de la Russie concernant l’implication de l’Ukraine.
Satellites radar
L’utilisation des satellites a des applications de plus en plus larges dans le cadre des guerres, car de plus en plus de types de satellites sont disponibles et la qualité des images s’améliore. WorldView et GeoEye voient peuvent voir la même lumière que l’œil humain, mais pour détecter les véhicules et équipements lourds camouflés, tels que les chars d’assaut traversant les forêts, il faut des satellites qui voient dans une lumière différente. Par exemple, avec la lumière infrarouge invisible pour l’œil humain. Ce type de satellite révèle la présence de chars, car le matériau des véhicules lourds reflète la lumière infrarouge avec une intensité différente de celle des arbres.
Des satellites peuvent également observer la nuit et à travers les nuages. Ces satellites radar envoient des ondes radio vers le sol et utilisent ensuite un capteur pour mesurer le nombre d’ondes que le sol renvoie. De cette manière, ils peuvent reconnaître les fils barbelés, par exemple. L’ESA dispose également d’images radar sur lesquelles les systèmes anti-aériens sont clairement visibles. Dans cette guerre de l’image, les satellites s’emparent de plus en plus du rôle d’arbitre. Et c’est fondamental.
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